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L'EXPRESSIONDZ.COM
APPEL DES INTELLECTUELS JUIFS À LA RAISON
Une diversion qui cache une
judaïsation inexorable
Chems Eddine Chitour
Le mur à Bethlehem - © Photo:
PCHR
Lundi 10 mai 2010 «Je me suis rendu dans
les territoires palestiniens occupés et j’ai vu une ségrégation
raciale qui m’a rappelé avec force les conditions que nous avons
connues en Afrique du Sud à l’époque du système raciste de
l’Apartheid.» Desmond Tutu, (avril
2010)
Ce cri du coeur de Desmond Tutu, prix Nobel
de la paix en 1984, n’a pas besoin d’être légitimé car venant de
quelqu’un qui sait ce que l’apartheid veut dire en termes
d’humiliation. L’apartheid dénoncé par Desmond Tutu est «le
développement séparé de la population d’un pays, sur une base
raciale ou religieuse». Il en est de même de Rony Brauman
pour qui «l’actualité d’Israël et son avenir sont un
Apartheid à la sud-africaine. Il souligne le fait que la vallée
du Jourdain est actuellement complètement colonisée par Israël.
Un "Etat palestinien" ne sera donc qu’une succession d’enclaves
et l’idée israélienne est que l’Etat réel des Palestiniens sera
la Jordanie. Brauman dit qu’on assiste au suicide lent d’Israël
(...) par le choix de l’apartheid».(1)
L’apartheid dans les faits nous est donné par une tribune écrite
par Julien Salingue, Nicolas Dot-Pouillard et Catherine Samary.
Ecoutons-les: «Eric Marty s’interroge, dans une tribune
publiée le 21 avril sur Le Monde.fr: "Le boycott d’Israël est-il
de gauche?". (...) L’argumentaire de M.Marty est aussi spécieux
qu’original, et mérite un petit exercice de "sociologie
littérale". L’hostilité à Israël serait le produit d’une
"propagande antisémite systématique" dans les pays musulmans et
d’un ´´flot paranoïaque d’imputations criminelles´´.
L’antisémitisme existe et nous le combattons, ainsi que
l’instrumentalisation de la cause palestinienne par des adeptes
de la théorie du ´´complot juif´´. Mais nous combattons avec la
même vigueur l’amalgame entre antisémitisme et critique
d’Israël. Comment M.Marty interprète-t-il la récente enquête de
la BBC, conduite dans 28 pays, dans laquelle seuls 19% des
sondés apprécient positivement l’influence d’Israël? Une opinion
mondiale otage de la propagande antisémite ou une critique
partagée de la politique d’Israël? M.Marty affaiblit la lutte
contre l’antisémitisme en développant lui aussi une logique du
´´complot´´ et en défendant trois des aspects les plus contestés
de la politique israélienne: la construction du mur, l’attitude
de l’armée à Ghaza lors de l’opération ´´Plomb durci´´, la
situation des Palestiniens d’Israël.»(2)
Avec la complicité
de l’Egypte
«´´Il n’est pas vrai que la barrière, ou
le mur, de séparation relève d’une politique de
discrimination´´. M.Marty balaie allègrement les avis d’Amnesty
International, de la Croix-Rouge ou de l’ONG israélienne
B’tselem. Il fait en outre, peu de cas de l’avis de la Cour
internationale de justice (juillet 2004), qui qualifiait le mur
de ´´violation du droit international´´ et demandait à Israël de
le ´´démanteler immédiatement´´. Selon le dernier rapport de
l’ONU, le mur serpentera sur 709 km, alors que la ligne verte
n’en mesure que 320. Par endroit, il pénètre de 22 km en
Cisjordanie (large de 50 km). 10% du territoire palestinien est
annexé de facto à Israël, dont 17.000 ha de terres auxquelles
les paysans ne peuvent quasiment plus accéder. Pour la seule
partie Nord de la Cisjordanie, 220.000 villageois sont affectés.
M.Marty envisage qu’il y ait eu des crimes de guerre à Gaza,
mais c’est, ajoute-t-il, parce que ´´la guerre est criminelle´´.
Le droit international est plus exigeant, affirmant un principe
que M.Marty écarte avec légèreté: tout n’est pas permis lorsque
l’on fait la guerre.» «Or, les témoignages et rapports
d’ONG le confirment: Israël a enfreint le droit de la guerre en
déversant des bombes au phosphore blanc (considérées, y compris
par les Etats-Unis, comme des armes chimiques) sur des zones
densément peuplées, en empêchant le personnel médical de
secourir de nombreux blessés ou en utilisant des boucliers
humains. Les témoignages de soldats recueillis par l’ONG
israélienne Breaking the Silence sont, à ce titre, éloquents. De
surcroît, Israël, avec la complicité de l’Egypte, a bouclé la
minuscule bande de Ghaza (360 km²), empêchant les civils de fuir
un déluge de fer et de feu. En violation totale du droit de la
guerre, le blocus se poursuit, empêchant la reconstruction et
aggravant les conditions sanitaires.»(2) «Il est dès lors
indécent de vanter l’humanité de l’armée israélienne pour mieux
décrier le Hamas qui aurait ´´sciemment exposé les populations
civiles en s’abritant derrière elles´´. (..) Argument commode
qui rend le Hamas responsable des morts israéliens et
palestiniens, et occulte les chiffres gênants de l’opération
´´Plomb durci´´: plus de 1400 morts côté palestinien et 13 morts
côté israélien (dont quatre tués par des ´´tirs amis´´). Enfin,
M.Marty affirme que les Palestiniens d’Israël (1/5e de la
population) ne sont pas victimes de discriminations
institutionnelles, mais sujets à des ´´inégalités
conjoncturelles´´, contredisant un rapport du d états-unien,
daté de 2009, qui affirme que ´´les citoyens arabes d’Israël
continuent de souffrir de formes variées de discriminations´´.
(...) Et que penser du fait que 13% des ´´Terres d’Etat´´,
gérées par le Fonds national juif, ne puissent être cédées qu’à
des juifs? Alors non, on ne peut pas dire n’importe quoi pour
défendre Israël. (...) La menace de ´´l’anéantissement
physique´´, premier et ultime argument de M.Marty, est
l’expression la plus aboutie de cette paranoïa. Rappelons
qu’Israël est la 1re puissance militaire du Moyen-Orient, la
seule à détenir l’arme nucléaire et donc à avoir la capacité
réelle d’anéantir un autre Etat. Dans le cas palestinien,
l’argument frôle le ridicule: les Palestiniens ne possèdent ni
armée, ni avions, ni tanks. La probabilité que le Hamas
´´anéantisse physiquement´´ l’Etat d’Israël est aussi élevée que
celle de voir l’armée luxembourgeoise prendre le contrôle de
Paris. L’instrumentalisation de la mauvaise conscience
occidentale envers un anéantissement réel passé (la Shoah) sert
en fait à blanchir Israël. (..)»(2)
Devant cette apparente fuite en avant accélérée par le
gouvernement de droite de Netanyahu, et peut-être le sentiment
que le vent commence à tourner, pour l’impunité d’Israël, on
entend «des appels», celui de J.Street en septembre aux
Etats-Unis, mouvement qui se dresse officiellement contre l’Aipac
lobby sioniste, et qui prône une politique israélienne à deux
Etats. Pour ne pas être en reste, en Europe à Bruxelles le 3
mai, un appel en écho à celui américain qui regroupe toute
l’intelligentsia juive européenne principalement française qui
demande à Israël d’être raisonnable. Jean Daniel dans une
Tribune explicative de l’Appel écrit: «En fait, c’est un cri
d’alarme accompagné d’une déclaration d’amour et de fidélité. Et
cela donne évidemment plus de force encore au contenu de cet
appel. (...) Il n’est question ici que de l’avenir d’Israël et
de sa sécurité, de son isolement possible et, à la rigueur, de
sa délégitimation. (...) D’abord, parce qu’il était temps de
regrouper sous une forme quelconque tous les Français juifs qui
sont décidés à ne pas laisser leur représentation confisquée par
une seule institution, en l’occurrence le Crif. (...) Or il y a
comme une alliance objective entre les ennemis extérieurs
(arabes ou iraniens) et les ennemis intérieurs (juifs israéliens
ou américains) contre la sécurité raisonnablement conçue
d’Israël. (...) Certains chefs militaires, qui ont la confiance
de la Maison-Blanche, n’ont pas hésité à déclarer publiquement
que l’absence de paix entre Juifs et Palestiniens compromettait
l’efficacité du combat des troupes en Irak et en Afghanistan.
Jamais, on n’était allé aussi loin. Le moment est donc bien
choisi pour que les auteurs de l’appel à la raison puissent se
faire entendre lorsqu’ils adjurent l’Europe et les Etats-Unis de
conjuguer leurs pressions pour que, devant le danger, les
Israéliens se prononcent démocratiquement en faveur de la
politique des deux Etats, palestinien et israélien.»(3) Dans
l’Appel on lit, notamment: «Le lien à l’Etat d’Israël fait
partie de notre identité. L’avenir et la sécurité de cet Etat
auquel nous sommes indéfectiblement attachés nous préoccupent.
Or, nous voyons que l’existence d’Israël est à nouveau en danger
(...) Si la décision ultime appartient au peuple souverain
d’Israël, la solidarité des juifs de la diaspora leur impose d’oeuvrer
pour que cette décision soit la bonne. (...) Nous voulons créer
un mouvement européen capable de faire entendre la voix de la
raison à tous Il a pour ambition d’oeuvrer à la survie d’Israël
en tant qu’Etat juif et démocratique, laquelle est conditionnée
par la création d’un Etat palestinien souverain et viable.»
La lecture de cet appel et le soutien de Leïla Shahid déléguée
de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, à cet
appel m’a incité à apporter aussi ma voix sans avoir compris le
piège du mot «Etat juif démocratique». L’explication m’a
été donnée par la suite. Alain Gresh analyse cet appel.
Ecoutons-le: «Le 3 mai a été présenté à Bruxelles un «Appel à
la raison», (....) Ce texte a suscité des réactions
opposées. Nous en donnerons deux, représentatives. La première
vient de Richard Prasquier, le président du Crif et a été
publiée par Le Figaro (30 avril 2010), sous le titre «Contre
l’appel des Juifs européens» et reproduit sur le site du
Crif: «Voici longtemps que le Crif s’était prononcé en faveur
du principe ´´deux peuples, deux Etats. La grande majorité des
Israéliens y souscrivent, le chef du gouvernement Benjamin
Netanyahu l’a publiquement annoncé. La majorité des
Palestiniens, malheureusement n’y souscrivent pas.» Il
reprend ainsi le point de vue d’Elie Wiesel «(...)Dans la
nécessaire et difficile négociation que nous appelons de nos
voeux, il ne suffira pas pour que la paix puisse s’espérer et
perdurer qu’on mette un terme à des constructions qui ne gênent
objectivement personne...» Vous avez bien lu, des «constructions
qui ne gênent objectivement personne»...Ni les Palestiniens
expropriés de leurs terres, ni ceux qui doivent contourner les
colonies pour pouvoir circuler en Cisjordanie...Ils ne sont sans
doute gênés que subjectivement parce que, en réalité, ils
haïssent les juifs...(..) La liste des signataires de l’appel de
JCall pose problème. Elle mêle un Bernard-Henri Lévy qui, sur un
char israélien, entrait dans Ghaza à l’hiver 2008-2009 et un
historien comme Zeev Sternhell, dont les positions ont toujours
été plus déterminées et critiques de la politique israélienne.
Pour sa part, Leïla Shahid, a déclaré, «A travers JCall il y
a un interlocuteur pour les Palestiniens»(4)
Dans une réponse contre l’Appel, l’Union juive française pour la
paix écrit: «Dans cet état d’esprit, il a été lancé au niveau
européen un appel "Jcall". (...) Cet appel dénonçant la
colonisation ininterrompue de la Cisjordanie, il ébranle le
monolithisme arrogant du Crif (...) Toutefois, l’Union juive
française pour la paix ne peut apporter sa signature à ce texte
ni le soutenir de quelque façon que ce soit. En effet, il se
présente clairement comme une façon de faire accepter au monde
un "Etat juif et démocratique" dont les Juifs du monde entier
seraient par définition solidaires, un Etat démocratique pour
les Juifs mais juif au regard des Palestiniens. Les Palestiniens
sont les grands absents de ce texte, Ghaza n’y existe pas, le
droit des réfugiés n’y existe pas, le droit de tous les
habitants d’Israël à une citoyenneté complète n’y existe pas.
Pire, le texte estime que la décision finale n’appartient qu’aux
Israéliens, ne donnant aucune voix au chapitre aux Palestiniens.
Car ses rédacteurs l’écrivent clairement, ce qui les guide c’est
sauver l’existence et la sécurité de l’Etat d’Israël, c’est la
crainte d’un processus de délégitimation de cet Etat. Pour
l’UJFP, le peuple israélien ne peut espérer une paix durable
qu’en acceptant une solution faisant droit aux revendications
légitimes du peuple palestinien. Le rôle des Juifs dans le monde
n’est pas d’entretenir le peuple israélien dans l’idée
suicidaire que sa mission serait d’établir entre Méditerranée et
Jourdain un Etat juif refuge exempté de toute obligation de
respect des règles du droit international et de simple humanité
à l’égard d’un peuple qu’il continue d’ignorer.»(5) Pour sa
part, Daniel Salvatore Schiffer sur son blog dénonce
l’hypocrisie des intellectuels juifs: «L’«Appel à la Raison»:
tel est le nom que les initiateurs, (...)pour la paix au
Proche-Orient ont donné, au grand dam, notamment du Crif à une
pétition osant critiquer publiquement la politique étrangère
actuellement menée, au vu de ses colonisations en Cisjordanie et
à Jérusalem-Est, par Israël. Soit. Jusque-là, rien à redire,
pour ma part, même si une tout aussi légitime contre-pétition,
intitulée «Raison Garder» (..) a aussitôt vu le jour,
attribuant, quant à elle, la responsabilité de l’échec du
processus de paix aux seuls Palestiniens. Mais ce qui frappe, en
revan che, dans la première pétition, lancée donc par le Jcall
c’est que, parmi ses signataires, se retrouvent également,
toutes tendances politiques confondues et par-delà tout clivage
idéologique, des noms (outre ceux d’Elie Barnavi, de Daniel
Cohn-Bendit ou d’Ivan Levaï) tels qu’Alain Finkielkraut et
Bernard-Henri Lévy, ardents et même inconditionnels défenseurs,
jusque-là, d’Israël.
«Ne
touchez pas à mon Israël»
Car, en ce qui concerne ces deux derniers, on
ne les entendit guère, sauf pour justifier envers et contre tout
Israël, lorsque Tsahal bombarda de façon disproportionnée,
durant l’été 2006, le Sud Liban pour se protéger des roquettes
lancées sur son territoire par les fanatiques du Hezbollah.
C’est d’ailleurs là ce qui me poussa à écrire, le 20 juillet
2006, un article intitulé, précisément, L’assourdissant silence
des intellectuels, papier où je faisais alors allusion
notamment, quoique sans jamais les y mentionner nommément, à un
Finkielkraut et à un Lévy! (...) Mais, surtout, comment
concilier, logiquement et sans contradiction aucune, cette
tardive prise de position de la part de Bernard-Henri Lévy,
artisan là d’un énième virage de cuti, avec ce qu’il clame, par
exemple, en ses récentes Pièces d’identité et, plus exactement
encore, dans sa partie ayant pour très emblématique titre Le
génie du judaïsme, dès lors qu’il y prône un Etat d’Israël
essentiellement «intouchable», comme un absolu
ontologiquement exempt de toute possible critique, fût-elle des
plus rationnelles, et y défend même, à l’instar de ce qu’il
soutenait déjà dans son plus ancien Testament de Dieu, la très
audacieuse thèse d’un judaïsme doté d’une primauté
métaphysico-théologique par rapport à ces deux autres
monothéismes que sont, historiquement, le christianisme et
l’islam? (6) Où en sommes-nous après les remous calculés et les
pétitions et contre-pétitions programmées pour donner l’illusion
d’un débat qui n’est plus monolithique mais qui au fond, ne
change rien à l’affaire. On dit que les pays de la Ligue arabe
ont approuvé le 1er mai la tenue de «discussions de proximité».
Abou Mazen négociera jusqu’à la prochaine provocation d’Israël
qui sera en définitive adoubée par l’Occident. Jusquà quand?
1.http://www.dailymotion.com/video/xd75x1_rony-brauman-critique-severement?start=1
2.J.Salingue, N.Dot-Pouillard, Peut-on tout dire pour défendre
Israël? Le Monde 27.04.10
3.Jean Daniel: Pour sauver Israël. Le NouvelObs. 2010-04-30
4.Alain Gresh JCall, analyses d’un appel
http://blog.mondediplo.net/05-05.-2010
5.Union juive française pour la paix: JCall appelle à la raison:
quelle raison? 29.04.2010.
6.Daniel Salvatore Schiffer: Israël, les intellectuels et la
raison Agoravox 3 mai 2010
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 10 mai 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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