Opinion
Israël va-t-il
intervenir contre le nucléaire iranien ?
Charles Enderlin
Charles
Enderlin
Jeudi 22 décembre
2011
La scène a de quoi
intriguer. Vendredi dernier, 16
décembre, Ehud Barak, le ministre
israélien de la défense, effectue une
visite impromptue aux Etats-Unis pour
rencontrer le président des Etats-Unis,
non pas à la Maison Blanche, mais,
pendant une demi heure, derrière
l’estrade du Gaylord Hotel à National
Harbor dans le Maryland où Barack Obama
devait prononcer un discours devant les
5400 membres du Judaïsme réformé. De
quoi ont-ils pu parler ? Quelle
information ne pouvait pas être
transmise par un télégramme chiffré ou
une ligne de téléphone cryptée ?
Pourquoi une telle urgence et un tel
secret ? Ehud Barak est-il venu recevoir
une réponse d’Obama? Un mot vient à
l’esprit : Iran. Là, Amir Oren, le
spécialiste des affaires militaires du
quotidien Haaretz explique : « Il
peut y avoir trois raisons à une
rencontre entre un ministre israélien de
la défense et un président américain.
Transmettre au chef de l’exécutif une
information militaire ou diplomatique.
Tenter de convaincre le président de
changer sa politique, ou, tenter de
savoir s’il y a une possibilité de le
convaincre d’effectuer une certaine
opération. » Oren poursuit. «
Si Barak espérait convaincre Obama
d’accepter une attaque contre l’Iran au
cours des prochains mois, il n’y a aucun
signe indiquant qu’il a réussi ».
En tout cas, le ministre est revenu du
Maryland particulièrement élogieux
envers l’administration américaine. Au
cours d’une cérémonie à l’occasion de la
fête de Hannouca, le 20 décembre, il a
remercié les Etats-Unis qui « plus
qu’auparavant, sont aux côtés d’Israël
en terme de sécurité, alors que les deux
pays sont d’accord pour que tout soit
fait afin d’empêcher l’Iran d’obtenir
l’arme nucléaire. Actuellement la parole
est à la diplomatie, on verra après..»
La rencontre Obama-Barack, le 16
décembre dans le Maryland
(Photo : Pete Souza. Maison Blanche)
Israël peut-il lancer une frappe sur
le nucléaire iranien sans obtenir le feu
vert des Américains ? En tout cas,
Benjamin Netanyahu ont, à plusieurs
reprises refusé d’avertir Washington de
l’imminence d’une telle opération et les
responsables de l’administration Obama
multiplient les avertissements. Le
dernier en date, Leon Panetta, le
secrétaire à la défense. Le 2 décembre,
lors d’une conférence du centre Saban à
Washington, il a répété qu’une
intervention militaire contre les
installations nucléaires iraniennes ne
devait être que le tout dernier recours.
De toutes manières a-t-il dit, cela ne
servirait pas à grand-chose : « Dans
le meilleur des cas, des frappes
aériennes retarderaient le programme
nucléaire iranien d’un an, peut-être
deux. Cela dépend de la
capacité à frapper vraiment les cibles
qui sont visées. Franchement, certains
de ces cibles sont très difficiles à
atteindre » Et puis : «
Cela ne ferait que profiter au régime
actuellement déséquilibré et en décalage
par rapport aux soulèvements populaires
dans la région. » Et, toujours
selon Panetta, cela aurait des
conséquences désastreuses pour les
économies européennes et américaines en
engendrant un cycle de violence
incontrôlable au proche Orient.
Un avertissement clair et net auquel
Benjamin Netanyahu a répondu
indirectement quatre jours plus tard.
Prenant la parole, lors de la cérémonie
annuelle à la mémoire de David Ben
Gourion, à Sde Boker, dans le Neguev,
s’identifiant au fondateur de l’état, il
a évoqué les décisions fondamentales
qu’un dirigeant doit prendre : « Je
veux croire que nous agirons toujours
avec responsabilité, courage et
détermination pour prendre les bonnes
décisions, qui assureront notre avenir
et notre sécurité » Et de rappeler
que Ben Gourion a eu la volonté de «
prendre les décisions difficiles,
nécessaires afin d’assurer la sécurité
et l’avenir d’Israël »… Car il a
proclamé l’indépendance d’Israël en
dépit des énormes pressions qu’il
subissait de l’intérieur et de
l’extérieur pour ne pas le faire.
L’actuel Premier ministre résistera t-il
à toutes les pressions pour donner
l’ordre de déclencher la grande
opération en Iran ? Il est persuadé que
sa mission historique est d’éliminer «
la menace existentielle» que
constitue le nucléaire iranien.
B. Netanyahu à Sde Boker le 4 novembre
Pour l’heure, il se
heurte à l’opposition de la
quasi-totalité des anciens chefs de
l’armée et des divers services de
sécurité. A leur tête, Meir Dagan,
l’ancien patron du Mossad pour qui une
frappe israélienne en Iran « serait
une idiotie et déboucherait sur une
guerre régionale ». A ses côtés,
l’ancien chef d’état major, le général
Amnon Lipkin Shahak, Youval Diskin ex
N°1 du Shin Beth, et le général Ouri
Saguy qui a commandé les renseignements
militaires. D’après ce que l’on sait,
les chefs actuels de l’armée et des
divers services sont du même avis mais
obéiront à l’ordre s’il vient du cabinet
de sécurité où, actuellement, les avis
sont partagés. Certains commentateurs
israéliens rappellent qu’en 1981 la
décision de bombarder Osirak, le
réacteur nucléaire irakien, avait été
prise par Menahem Begin, sans consulter
le gouvernement… En l’occurrence,
expliquent ces mêmes experts, une guerre
en Iran ne devrait pas avoir lieu avant
le mois d’avril prochain. En effet,
d’ici là, le ciel est, dans cette partie
du monde, trop couvert ce qui gênerait
les frappes aériennes. Reste à savoir où
en sont les Iraniens. Selon la dernière
déclaration de Panetta, le 20 décembre :
« Téhéran pourrait développer une
arme nucléaire d’ici un an. Moins s’ils
ont un centre secret d’enrichissement
d’uranium ». Le Pentagone s’est
empressé de publier une mise au point.
Pour l’instant aucun centre de ce genre
n’a été détecté en Iran.
Exercice de défense passive en Israël.
En attendant, et à tout hasard, la
défense passive renforce ses préparatifs
en Israël. Les exercices, essais de
sirènes, mise en alerte de services de
secours, d’hôpitaux etc. semblent
s’accélérer. La presse et diverses
personnalités ont évoqué l’éventualité
de ripostes iraniennes. Il y aurait,
selon certaines estimations, des
dizaines de milliers de victimes
israéliennes. Pas du tout, a répondu
Ehoud Barak, il y aurait tout au plus
500 morts…
Charles Enderlin
Le
dossier Iran
Les dernières mises à jour
|