Opinion
Obama - Netanyahu.
Sanctions ou guerre ?
Charles Erderlin
Charles
Enderlin
Lundi 5 mars
2012
Barack Obama recevra Benjamin
Netanyahu à la Maison Blanche, ce lundi,
5 mars. La plupart des médias israéliens
qualifient cette rencontre comme « très
importante ». Certains commentateurs
parlent même d’instant historique, comme
si l’avenir de la paix au Proche-Orient
va en dépendre. Peut être, on verra dans
les mois à venir si c’est le cas.
En tout cas, le Premier ministre
israélien a mis la barre très haut. Il
demande à la communauté internationale
et en particulier à l’administration
américaine de poser trois conditions aux
Iraniens AVANT même d’entamer toute
négociation avec Téhéran.
1 : Le démantèlement de l’usine
d’enrichissement d’uranium, installée
sous une montagne à Fordow, près de Qom,
la ville sainte
2 : L’arrêt toute opération
d’enrichissement d’uranium dans les
autres centres nucléaires iraniens.
3 : Le transfert hors d’Iran de
l’uranium existant, enrichi à plus de
3,5%. Actuellement les Iraniens
enrichissent à taux de 20%. C’est-à-dire
qu’à partir de là, ils pourraient, en
quelques mois, obtenir de l’uranium «
militaire » enrichi à plus de 90%.
Benjamin Netanyahu veut donc obtenir
d’Obama la promesse ferme d’un
engagement militaire américain contre
l’Iran si les Ayatollah continuent leurs
opérations d’enrichissement. Là, il faut
rappeler que, selon les agences de
renseignement américaines, les
dirigeants iraniens n’ont pas décidé de
passer au stade de fabrication de l’arme
nucléaire. En fait, ils se donneraient
la possibilité de s’engager dans cette
voie, ultérieurement. C’est cette
capacité que les dirigeants israéliens
veulent empêcher à tout prix.
Shimon Pérès a donné le ton, hier
devant les délégués d’AIPAC, le lobby
pro-israélien, réunis à Washington : « L‘Iran
est un régime diabolique, cruel,
moralement corrompu. […]. La paix est
toujours l’option que nous privilégions,
mais si nous sommes obligés de
combattre, croyez-moi : nous vaincrons !
[…] Le régime iranien est basé sur la
destruction, c’est un affront à la
dignité humaine. L’Iran est le centre,
le mécène et le financier de la terreur
dans le monde. L’Iran est un danger pour
le monde entier, son ambition est de
contrôler le Proche-Orient, il pourra
ainsi contrôler le plus grande partie de
l’économie mondiale. Il doit être stoppé
et il sera stoppé »
Prenant la parole, Barack Obama lui a
répondu : « On parle trop de guerre.
Au cours des dernières semaines, de
telles discussions n’ont servi que le
régime iranien, en faisant grimper le
prix du pétrole, dont il dépend pour
financer son programme nucléaire. […] Je
crois fermement qu’il y a encore la
place pour la diplomatie, accompagnée
d’une certaine pression, pour résoudre
cette crise. […] Mais, comme je l’ai
déjà dit très clairement au cours de mon
mandat, je n’hésiterai pas à utiliser la
force pour protéger les Etats-Unis et
leurs intérêts » Le président
américain a répété qu’il fera « tout
ce qui est nécessaire pour préserver
l’avantage militaire israélien, parce
qu’Israël doit toujours avoir la
possibilité de se défendre seul contre
toute menace ».
Au Canada où il était en visite
officielle, Benjamin Netanyahou s’est
félicité de ces prises de position.
Va-t-il exiger, lors de son entretien à
la Maison Blanche, un plan d’action
précis contre l’Iran ? Jusqu’à présent,
le Premier ministre israélien et Ehud
Barak, le ministre de la Défense, ont
toujours refusé de s’engager à avertir
l’administration américaine de
l’imminence d’une offensive israélienne
en Iran.
Une telle initiative militaire parait
exclue dans un avenir proche. D’abord
parce qu’Obama veut laisser les
sanctions internationales faire leur
effet sur les dirigeants iraniens. Et
puis, une nouvelle guerre au Moyen
Orient serait malvenue en pleine
campagne électorale aux Etats-Unis. Il
demande donc à Netanyahu d’attendre…
Dans l’état actuel des choses, les
dirigeants israéliens n’ont pas d’autre
choix vu l’impréparation de l’arrière
israélien. 40% de la population d
‘Israël ne dispose pas de Kits de
protection et l’usine qui produit les
masques à gaz doit fermer ses portes au
cours des prochaines semaines, faute de
financement.
En attendant, le débat sur
l’opportunité d’une guerre avec l’Iran
vient d’être relancé. Vendredi dernier,
trois jours avant la rencontre de
Washington, le grand quotidien Yediot
Aharonot a publié, sur huit pages, une
interview d’Ouzi Arad peu favorable à
Benjamin Netanyahu, dont il fut pendant
quinze ans le principal – et fidèle-
conseiller. Cet ancien analyste du
Mossad devenu professeur de diplomatie
et stratégie au centre universitaire de
Herzliyya a été prié de quitter son
poste de directeur du Conseil national
de sécurité, en février 2011, après
avoir été accusé d’être à l’origine
d’une fuite. Il affirme avoir été
victime d’une conspiration fomentée par
certains hauts fonctionnaires de la
présidence du conseil. Selon, Yediot
Aharonot, les avocats d’Arad affirment
que cette affaire de fuites n’a été
qu’un prétexte pour le limoger. Le
Premier ministre lui aurait retiré sa
confiance pour une autre raison :
l’affaire du nucléaire iranien. Arad
aurait présenté diverses options à
Netanyahu ainsi que les conséquences
éventuelles d’une frappe sur les
installations iraniennes, définissant
les dégâts qu’Israël pourrait subir. Le
chef du gouvernement n’aurait pas
apprécié que ces analyses circulent sous
forme de rapports écrits. Toujours
d’après les avocats d’Arad, Netanyahu ne
voulait pas que de tels documents
puissent servir à une éventuelle
commission d’enquête si elle devait voir
le jour.
Visiblement, en s’exprimant ainsi,
juste avant une rencontre cruciale à
Washington, Arad a brulé tous les ponts
avec son ancien patron et la présidence
du conseil et, Yediot Aharonot a voulu
poser la question du mode de prise de
décision au sommet de l’état d’Israël
avant, peut être une nouvelle guerre
dans la région.
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