Depuis que le
nom du soldat accusé d’avoir massacré 16
civils afghans vendredi dernier a été
publié, les médias ont tenté de rendre
ce crime horrible compréhensible en
fouillant dans l’histoire et les
problèmes personnels du sergent-chef
Robert Bales, tout en ignorant
scrupuleusement la nature elle-même
criminelle de la guerre.
Bales, qui est
détenu à la prison militaire américaine
de Fort Leavenworth, au Kansas, est
accusé par l’armée d’avoir quitté son
avant-poste du district de Panjawii dans
le sud de la province de Kandahar avant
l’aube le 11 mars et d’être entré dans
des maisons des villages voisins,
attaquant, poignardant et tuant des
Afghans, neuf d’entre eux des enfants.
Dans une maison, il a été rapporté qu’il
a empilé les corps de ses victimes avant
de les brûler.
Il est
maintenant universellement décrit comme
un soldat « fou ». Le président Barack
Obama, la secrétaire d’État Hillary
Clinton et le commandant américain en
Afghanistan, le général John Allen, ont
tous fait des déclarations formelles
assurant que les actions de Bales ne
reflètent pas les valeurs et l'état
d'esprit de l’armée américaine. Selon
cette version officielle, la seule
question qui mérite une réponse est :
qu’est-ce qui l’a fait « craquer » ?
Les faits de
cette version ont été remis en question
par les villageois afghans, le président
fantoche du pays, Hamid Karzaï, ainsi
qu’une commission d’enquête formée par
la chambre basse du parlement afghan.
Ceux-ci ont tous dit que le massacre a
été perpétré non pas par un tireur en
solo, mais par 15 à 20 soldats. La
commission parlementaire a présenté les
résultats de ses recherches pendant la
semaine. Elle a conclu entre autres que
deux femmes, victimes du massacre,
avaient été violées.
Même si la
version de l’armée américaine de ces
évènements sanglants était véridique et
que Bales avait vraiment agi seul, le
fait qu’une majorité écrasante d’Afghans
croit que plusieurs soldats américains
étaient impliqués dans le massacre est
révélateur. Clairement, ils ne voient
pas cela comme l’action d’un
franc-tireur ou d’un « fou », mais
plutôt comme un épisode routinier dans
une guerre et une occupation qui durent
depuis une décennie et qui ont coûté la
vie à de dizaines de milliers de civils
afghans.
L’information
qui a circulé sur Bales jusqu’à
maintenant laisse croire qu'il a été
victime de nombreux stress et crises. Il
a joint l’armée en 2001, quelques
semaines après les attaques du
11-Septembre, mais aussi après qu’une
crise sur les marchés boursiers ait mis
fin à une brève carrière en tant
qu’investisseur financier.
Il a été
envoyé en Afghanistan l’année dernière
après qu’il ait fait trois périodes de
service et qu’il ait été amené à croire
qu’il ne serait pas renvoyé dans une
zone de guerre. On lui a refusé une
promotion et il a dû faire face à des
problèmes financiers importants, ayant
été fortement endetté et forcé de vendre
sa maison à découvert. En Irak, il a
souffert d'un traumatisme au cerveau et
son avocat a indiqué que le fait qu’il
souffre peut-être d’un syndrome de
stress post-traumatique pourrait devenir
une question importante lors de son
procès.
Tous ces
facteurs reflètent les conditions
auxquelles font face des centaines de
milliers de membres de l’armée « de
volontaires » américaine après avoir
lancé pendant une décennie deux guerres
simultanément au Moyen-Orient et en Asie
centrale. Alors que l’establishment
politique et les deux partis principaux
demandent régulièrement à la population
de « soutenir nos troupes » comme un
moyen d’obtenir l’acceptation de la
guerre impérialiste, la réalité est que
ces soldats sont vus par l’élite
dirigeante comme des produits jetables.
Tout comme les
problèmes attribués à Bales ne sont pas
uniques, les actions horribles qu’il est
accusé d’avoir commises ne sont pas
simplement le produit d’une dépression
nerveuse.
Selon les
enquêteurs du parlement afghan, les
villageois ont clairement vu un motif
pour le massacre : la revanche. Ils ont
déclaré que les soldats américains les
avaient avertis qu’ils feraient face à
des représailles pour les explosions de
bombes qui ont blessé plusieurs soldats.
Selon les avocats de Bales, le
sergent-chef avait vu les jambes de son
ami arrachées par l'explosion d'une
bombe le jour avant le massacre.
Il est peu
probable que le commandement de l’armée
américaine n’ait pas anticipé de tels
actes de vengeance. Le mois dernier
seulement, au milieu des soulèvements de
masse provoqués par l'incinération de
copies du Coran, le général Allen a été
montré aux nouvelles américaines en
train de s’adresser à un des soldats
américains à une base de l’est de la
province de Nangarhar, où deux soldats
avaient été tués le jour précédent. « Ce
n’est pas le moment de se venger, ce
n’est pas le moment pour la vengeance, »
a dit le général.
Reconnaissant
que les soldats étaient pris de « colère
et d’un désir de répliquer », Allen les
a imploré de « se rappeler leur
discipline, leur mission, qui ils sont
».
Ces mots n’ont
pas été choisis au hasard. Le général
Allen et le reste du haut commandement
de l’armée américaine reconnaissent que
la menace de soldats américains faisant
des actes sanglants de revanche ne
provient pas de la maladie mentale de
telle ou telle personne, mais plutôt de
la nature même de la guerre : une
occupation de style coloniale qui a
monté l’armée américaine contre une
résistance populaire grandissante qui
n'a pu être vaincue.
De tels actes
de revanche, ainsi que d’innombrables et
souvent plus mortels bombardements,
massacres lors d’un assaut de nuit et
autres actions meurtrières, sont une
conséquence inévitable de guerres
d’agression impérialistes déclenchées
par l’administration Bush et maintenues
sous le président Barack Obama.
Les médias de
la grande entreprise, qui ont joué un
rôle si important en faisant la
promotion des mensonges utilisés pour
justifier ces guerres, n’ont aucun
intérêt à analyser ce que ce dernier
massacre dit sur la guerre elle-même.
Comme le gouvernement, son principal
souci est de couvrir de tels crimes ou,
lorsque cela devient impossible, de
détourner l’attention de leur
signification objective.
Le
sergent-chef Bales et tous les autres
soldats américains impliqués dans le
massacre à Kandahar doivent répondre de
leurs crimes. Cela dit, les criminels
beaucoup plus importants sont ceux dans
l’administration Bush et Obama qui les
envoient tuer et mourir dans des guerres
basées sur des mensonges.
Amener ces
criminels devant la justice est la tâche
de la classe ouvrière dans le cadre
d’une lutte contre la guerre
impérialiste et contre le système de
profit capitaliste qui en est la source.