Opinion
L'«innocence»
malmenée des Frères
Badis
Guettaf
Dimanche 13 janvier
2013
Comme il
fallait s’y attendre, les Frères n’ont
pas mis longtemps à perdre leur
«innocence» et leur «immaculation». Les
nôtres plus tôt que les autres, mêmes
s’ils n’ont servi que de comparses au
pouvoir, car le vertige des hauteurs
leur a fait oublier les gens qui les ont
propulsés, les a éloignés des mosquées
de quartiers où ils partageaient le pain
et le sel, pour prendre goût aux salons
feutrés et à la dolce-vita des sinécures
dorées des postes politiques. Alors
c’est une course contre la montre qui se
déroule. Ennahda, pour commencer, qui ne
sait plus ce qu’il faut faire pour
retarder les échéances où le mouvement
devra se confronter au jugement d’un
peuple, qui lui montre chaque jour son
mécontentement. Un peuple dont il n’a
engrangé qu’autour de 18% de suffrages
et qui découvre qu’en dehors des
psalmodies et de la barbe, il n’y a
aucune différence avec le régime de Zine
El Abidine Ben Ali. Il faut donc garder
le maximum de ces 18% avec l’espoir fou
que l’abstention sera aussi forte
qu’auparavant. Il y a une «aide» du
Qatar pour limiter les dégâts, mais il
se trouve que l’émir compte bien en
ouvrant son porte-monnaie. Ses prêts
sont six fois plus chers que les prêts
japonais, soit plus de 3% contre 0.5%,
alors que le Fonds monétaire
international (FMI) semble hésiter à
risquer ses dollars. En Egypte, où
pourtant les enjeux internationaux sont
plus forts, les Frères ne voient pas les
aides se déverser, quand l’urgence est
lancinante. Dans deux mois ce sera les
élections législatives. Une redoutable
épreuve, si l’on sait que la
Constitution passée aux forceps n’a
obtenu que 16% des bulletins et que le
taux d’abstention a été écrasant, au
cœur d’une agitation sociale
insoutenable. Le Frère président, Mr
Mohamed Morsi, se prépare en
conséquence. Il remanie ses ministres
par des limogeages et des nominations
qui ont pour objectif, selon lui, «de
redresser la situation économique et
d’atténuer la crise politique.» En
vérité, les observateurs de la scène
égyptienne ne sont pas dupes, qu’il
s’agit pour les Frères de s’assurer la
maîtrise des affaires du pays, en
accaparant (avant qu’il ne soit trop
tard?), les ministères stratégiques. De
manière à mieux préparer le contrôle du
processus électoral. En plus de
consolider un bilan moins désastreux,
qui atténuera la férocité des critiques
actuelles. Piètre tentative
pourrions-nous dire, tant l’absence
d’une véritable alternative au désastre
socio-économique est manifeste.
Cependant, les peuples auront, au moins,
fait l’expérience des vendeurs
d’illusions, des marchands de la
religion, qui sont en train de se
démasquer et qui finiront par se
dépouiller entièrement de tout l’apparât
qui en a fait les dépositaires de la
pureté morale, de l’honnêteté et même
des clés de l’au-delà, au prix de la
destruction de toute intelligence, de
tout esprit critique et de
l’embrigadement de la pensée de
générations entières. On peut en mesurer
les effets en Algérie, qui n’ont pas
encore cessé de se manifester, malgré la
prise de conscience de la matérialité
des intérêts des Frères et la
désaffection populaire qui s’en est
suivie.
B. G.
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