Opinion
Les bonnes âmes à
l'épreuve
Badis
Guettaf
"Protection de civils" selon les
autorités françaises - © Photo: RIA Novosti
Dimanche 4 septembre
2011
Les âmes
simples, les bonnes âmes, celles qui
croient tout ce qu'on leur dit, celles à
qui on a appris à l'école, à la mosquée,
à l'église, à la synagogue ou tout autre
temple, la morale de la vérité, de la
bonté, de la charité et tout ce qui doit
faire la vie en société, sont bien en
peine de suivre les contorsions que
subit la réalité qui les entoure. On
leur a dit qu'il y avait un méchant
irakien avec plein d'armes chimiques qui
allait faire beaucoup de mal et qu'il
fallait le mettre hors d'état de nuire.
On a détruit son pays, provoqué des
centaines de milliers de morts parmi son
peuple, on n'a pas trouvé d'armes
chimiques, mais on a continué à faire
une guerre qui n'en finit pas. Il y a
quelques mois, on leur a dit qu'il y
avait un méchant libyen qui allait
massacrer son peuple. Pendant cinq mois
on a bombardé ce peuple et fait des
milliers de morts. Comme on n'a pas
encore trouvé le méchant, on continue de
bombarder le peuple qui refuse d'être
bombardé et qui ne croit pas, et pour
cause, l'histoire qui dit qu'on le
bombarde pour le protéger. Contre le
méchant libyen il y a son ministre
de l'Intérieur (tué depuis par on ne
sait qui) et son ministre de la Justice
et d'autres encore, sans lesquels le
méchant ne pouvait pas l'être. Eh bien,
les bonnes âmes, les âmes simples
doivent se faire à l'idée que ces
gens-là sont des «révolutionnaires» et
que c'est bien eux qui représenteront la
«révolution» que l'OTAN, c'est-à-dire
l'organisation des «bons», est en train
de faire. Si preuve il faut, elle est
dans la décision de la Cour pénale
internationale (CPI) qui n'accuse
que le méchant désigné par l'OTAN et pas
les autres. La Cour pénale
internationale c'est quand même sérieux
en matière de droit, on peut même dire
qu'elle incarne le droit et que par
conséquent toutes ses décisions ne sont
pas prises à la légère. Et puis on ne se
trompe pas à ce niveau des instances de
justice. Les bonnes âmes, pour ne pas se
noyer dans des questions trop
compliquées, n'ont qu'à se dire que
quelque chose leur échappe. D'ailleurs
pour leur éviter ce genre de tracas, on
ne leur dit pas tout. Sinon elles
seraient perturbées de voir qu'au lieu
d'empêcher le méchant de massacrer son
peuple, l'OTAN s'en occupe elle-même, en
laissant ceux, qui étaient censés être
massacrés, se faire la main en
massacrant les travailleurs immigrés
noirs. Demain, dans pas longtemps,
peut-être même est-ce en cours, au fond
du désert libyen, dans le Fezzan, des
amazighs vont mourir par milliers. Eux
aussi ont refusé qu'on fasse pour eux la
«révolution». Le problème est qu'ils
vivent sur une mer d'hydrocarbures.
Ils ont donc absolument besoin de faire
partie de la «révolution», quitte à les
bombarder comme ceux du nord. Pour le
moment on ne sait pas exactement ce qui
se passe dans cette région, mais comme
ils ne veulent pas des
«révolutionnaires», l'OTAN devra bien
aller les convaincre de se laisser
faire. Ce qui est certain est qu'ils
vont faire ce que font ceux du nord, ne
pas se laisser faire. Les bonnes âmes ne
seront pas mises au courant. Sinon, il y
aura toujours un moyen de leur faire
admettre que les gentils pilotes ne
peuvent pas être accusés de faire de
vilaines choses. Dur temps pour les
honnêtes gens et pour les humanistes.
Publié sur
Le jour d'Algérie
Copyright 2003
-2011 Le Jour d'Algérie
Les dernières mises à jour
|