RIA Novosti
Dominique
Strauss Kahn parviendra-t-il à sauver le FMI ?
Andreï Denissov

M. Strauss Kahn, à Santiago-du-Chili, le 28
septembre 2007.
Image source: REUTERS/VICTOR RUIZ CABALLERO (publié sur
lemonde.fr)
1er octobre 2007
Vendredi dernier, l'homme politique français Dominique
Strauss-Kahn a été officiellement nommé directeur général du
Fonds monétaire international (FMI).
Commentant l'élection de M. Strauss-Kahn, le président
Nicolas Sarkozy a qualifié cet événement de victoire de la
diplomatie française. M. Sarkozy, qui a grandement contribué à
cette victoire, a sans doute involontairement laissé échapper un
secret. Tout au long de sa campagne pour le mandat de directeur général,
M. Strauss-Kahn n'a cessé d'être présenté comme un
professionnel disposant d'une riche expérience et des compétences
requises pour prendre la tête de cette institution financière.
Et pourtant, les efforts diplomatiques déployés par Paris pour
assurer la victoire de son candidat ont été tellement
substantiels que l'affirmation de M. Sarkozy ne semble pas dénuée
de fondements.
Il est d'ailleurs à noter qu'il y a tout juste un an, M.
Strauss-Kahn, alors personnalité influente au sein du Parti
socialiste, se battait pour gagner le droit de briguer le mandat
présidentiel. En proie à l'ardeur de la lutte électorale, il
avait déclaré que l'élection de Nicolas Sarkozy au poste de
chef de l'Etat pourrait avoir des conséquences très dangereuses.
Il est significatif que ce soit M. Sarkozy qui cherche aujourd'hui
à réparer les conséquences des réformes économiques opérées
par DSK. Ainsi, alors ministre de l'Economie dans le gouvernement
socialiste de Lionel Jospin, dans les années 1990, M.
Strauss-Kahn avait fait voter par le parlement la semaine de 35
heures en France. Aujourd'hui, le président français appelle à
annuler cette norme législative qui entrave la croissance économique
du pays.
D'ailleurs, ce paradoxe est loin d'être l'unique trait
distinctif de l'élection de l'ex-ministre socialiste à la tête
du FMI. La proposition, par Moscou, d'un candidat alternatif,
Josef Tosovsky, a montré qu'en tant qu'actionnaire du fonds, la
Russie est parfaitement à même d'y occuper une position active
et de formuler des initiatives pleines de sens des responsabilités.
Cette initiative s'est avérée très utile pour le FMI qui
traverse actuellement des crises profondes de légitimité et d'auto-identification
et dont la situation financière laisse à désirer. En effet,
beaucoup de choses ont été appelées par leur nom et de nombreux
problèmes ont été mis en relief.
"Nous nous demandons souvent ce que nous faisons au sein
du FMI. La Russie est-elle vraiment un membre à part entière de
cette organisation? Avons-nous réellement voix au chapitre où
sommes-nous contraints de faire partie du décor? Enfin, il y a
des questions plus fondamentales, à savoir si nous devons prendre
le fonds au sérieux ou si, en partant de nos intérêts, nous
pouvons le considérer comme une quantité négligeable. Ce sont là
des questions que nous ne sommes pas les seuls à nous poser, de
nombreux autres pays se les posent également", a déclaré
au correspondant de "Vremia novosteï" le directeur exécutif
du FMI pour la Russie Alexeï Mojine.
"La Russie ne possède, au sein du FMI, aucun intérêt
qui soit différent de ceux des autres pays. Nos intérêts
consistent à promouvoir une croissance efficace de l'économie
mondiale et à préserver la stabilité du système financier
international. Nous savons que l'économie russe dépend considérablement
de ces facteurs et qu'elle en dépendra davantage à l'avenir.
Nous vivons à une époque de mondialisation, époque qui détermine
la communauté de nos intérêts", estime M. Mojine.
"Intervenant devant le conseil des gouverneurs alors qu'il
était encore candidat, M. Strauss-Kahn a indiqué que lors de ses
voyages à travers le monde, il avait été surpris par
l'incertitude qui caractérisait la situation du Fonds monétaire
international. D'après lui, l'une des questions qui se posent
avec acuité est de savoir si le fonds est vraiment sollicité et
s'il est légitime en tant que principale institution
internationale assurant la stabilité financière dans le monde.
C'est une question tout à fait logique. Nous pouvons dire que le
FMI est en train de lutter pour sa survie", souligne M.
Mojine.
Institution internationale la plus demandée dans les années
1990, le Fonds monétaire international n'intéresse plus
personne. La faute en revient à lui-même ou, plus précisément,
à ceux qui définissent sa politique. Pendant que les
antimondialistes s'attaquaient à cet organisme financier, il est
devenu lui-même victime de la mondialisation. Tout en disposant
des meilleurs experts et du potentiel analytique le plus puissant
du monde, le FMI n'a pas tout simplement pas remarqué les
changements fondamentaux survenus ces dernières années.
"L'ancien modèle de fonctionnement du FMI ("vous
nous demandez de l'argent, nous vous dirons ce que vous devez
faire") ne marche plus. Le monde a radicalement changé.
Aucun des grands pays aux marchés en développement n'a plus
besoin des crédits octroyés par le fonds. Ainsi, les réserves
internationales (réserves de change) de la Russie s'élèvent à
420 milliards de dollars. Ce montant est supérieur au capital
total du FMI. Ces réserves sont également très élevées en
Inde, au Brésil, au Mexique, en Corée et dans d'autres pays aux
marchés en plein essor, sans parler de la Chine dont les réserves
de change approchent les 1.500 milliards de dollars", affirme
M. Mojine.
Dans les conditions où le FMI n'est plus sollicité en tant
qu'institution de crédit, il n'a que deux moyens pour sortir de
la crise: "fournir des analyses du plus haut niveau, analyses
qui bénéficieraient de la confiance absolue de la communauté
internationale, et modifier son système de gestion de façon à
ce que sa légitimité ne soit contestée par personne",
ajoute le directeur exécutif russe. Pour lui, il est tout à fait
évident que "le FMI ne pourra pas survivre s'il reste une
organisation purement occidentale. Il ne pourra survivre qu'en
tant que structure internationale. Mais à cet effet, il doit
subir une transformation radicale".
Andreï Denissov, du quotidien "Vremia novosteï"
(Publié dans le quotidien russe "Vremia novosteï"
le 1er octobre 2007. Version abrégée)
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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