Hezbollah
UE : la Résistance
libanaise,
classée « organisation terroriste »
André Chamy

Mardi 23 juillet 2013
Classer le Hezbollah comme
organisation terroriste, c’est condamner
le principe de « résistance à
l’oppression » qui constitue le
quatrième droit de l’Homme et du Citoyen
(article 2 de la Déclaration de 1789).
C’est pourtant ce qu’ont fait les
ministres des Affaires étrangères de
l’Union européenne. André Chamy revient
sur ce reniement de l’esprit européen,
sous pression des États-Unis et
d’Israël.
Les ministres des
Affaires étrangères de l’Union
européenne ont décidé, le 22 juillet
2013, d’inscrire la branche militaire du
Hezbollah sur leur liste des
organisations terroristes.
« Un accord a été trouvé pour y
inscrire le Hezbollah », a déclaré
un diplomate de l’UE en marge de cette
réunion à Bruxelles. Trois autres
diplomates ont confirmé ses dires.
Le Royaume-Uni, soutenu entre autres
par la France et les Pays-Bas, cherchait
depuis le mois de mai à persuader les
autres États européens de prendre cette
décision.
Londres a mis notamment en avant des
« preuves » de l’implication de
la branche militaire du Parti de Dieu
dans un attentat à la bombe contre un
autobus de touristes israéliens, en
juillet 2012, dans une station balnéaire
de Bulgarie. Cinq Israéliens et leur
chauffeur avaient trouvé la mort.
En outre, les partisans des sanctions
ont souligné que l’implication
croissante du Hezbollah dans la « guerre
civile » en Syrie montrait que le
Liban était déjà dans une situation
fragile et que l’UE devait considérer la
possibilité d’attentats en Europe. Cette
décision entraîne le gel immédiat des
actifs que posséderait éventuellement le
mouvement chiite libanais dans les 28
pays de l’UE.
« C’est une bonne chose que
l’Union européenne ait décidé de
qualifier le Hezbollah tel qu’il est :
une organisation terroriste », a
commenté le ministre néerlandais des
Affaires étrangères, Frans Timmermans,
en marge de la réunion. « Nous avons
franchi une étape importante aujourd’hui
en sanctionnant la branche militaire, en
gelant ses actifs, en perturbant son
financement et ainsi en limitant sa
capacité à agir », a-t-il ajouté.
Jusqu’à maintenant, l’UE avait
résisté aux pressions des États-Unis et
d’Israël pour inscrire le Hezbollah sur
sa liste noire en expliquant qu’une
telle décision pourrait compliquer ses
relations avec le Liban, où le mouvement
chiite participe au gouvernement, et
accroître les tensions au Proche-Orient.
L’implication croissante du Hezbollah
dans le conflit syrien, aux côtés de
l’armée nationale, n’est pas citée par
l’UE, mais elle semble être décisive,
car rien de nouveau ne s’est produit
pour justifier une décision de nature
aussi inique, qui n’est qu’une reculade
supplémentaire de l’UE devant les
autorités états-uniennes et
israéliennes.
Qu’en est-il de cette décision, qui
intervient de façon aussi inopportune ?
Les mouvements de résistance sont
souvent mal vus, car ils déstabilisent
l’autorité établie. L’exemple de Nelson
Mandela et de l’ANC est flagrant.
Aujourd’hui aucun des puissants ne tarit
d’éloge sur Mandela, et sur le sage
qu’il était, reconnaissant son
intelligence et sa clairvoyance. L’on
oublie opportunément que l’ancien
président sud-africain et Prix Nobel de
la paix, Nelson Mandela a longtemps été
inscrit sur la liste noire états-unienne
du terrorisme et avec lui son parti,
l’ANC. Ces noms ne furent retirés de
cette liste que le 28 juillet 2008.
Le Hezbollah, et le Hamas sont aussi
mal perçus, alors qu’ils ne sont que la
réponse de populations opprimées après
des années de mépris et d’humiliation.
Qu’est ce qui justifierait que ces
populations soient obligées de supporter
pendant des années encore les exactions
d’une armée d’occupation ? Rien. Il ne
leur reste donc que la résistance.
Cette résistance transforme les États
ou les groupes qui y adhèrent en bêtes à
abattre. Il existe un ordre économique
et politique auquel il n’est pas permis
de résister. De temps à autre, quelques
déclarations d’intention viennent tenter
d’atténuer l’impact de l’oppression
ressentie, ce à l’instar de quelques
voix qui se sont élevées pour protester
contre l’invasion israélienne du Liban
en 1982, mais aucune n’a été jusqu’à
demander une réunion du Conseil de
Sécurité de l’ONU pour exiger le retrait
immédiat, comme cela a été fait contre
l’Irak après l’invasion du Koweït.
Aucune sanction n’a été prise contre
Israël pour sanctionner ses exactions
contre des civils au Liban ou en
Palestine. Il vient d’attaquer un
territoire souverain, en l’occurrence
celui de la Syrie, et aucune voix ne
s’est élevée pour exprimer sa
désapprobation. Tout est toléré venant
de cet État qui agit comme seul au
monde, dont les frontières évoluent
chaque seconde en fonction du grignotage
et de l’annexion des territoires, des
maisons, des vergers et des lieux de
cultes palestiniens.
Évidemment, on n’ira pas jusqu’à
préparer une campagne militaire pour
obliger les Israéliens à quitter le
Liban, lequel est resté sous leur
occupation pendant plus de dix-huit ans.
Peut-on objectivement faire le moindre
reproche à l’encontre de ceux qui ont
résisté, si ce n’est que pour certains
politiciens libanais corrompus il ne
fallait pas s’en prendre aux soldats
israéliens ! Le problème est qu’ils sont
une armée d’occupation.
Le Hezbollah a pu mener sa guerre de
résistance, obligeant l’armée
israélienne à se retirer de l’essentiel
des territoires qu’elle a occupés
pendant dix-huit ans. Ce parti est
devenu un acteur à part entière de la
scène politique. Il a fait du Liban, qui
était balloté par les guerres des autres
puissances, une pièce indispensable dans
un front de refus et de résistance.
Le Hezbollah a su, grâce aux liens
ancestraux entre les chiites du Sud du
Liban et ceux d’Iran, bénéficier des
aides lui permettant de soutenir la
population locale dans sa résistance
pour éviter qu’elle abandonne ses
terres. Des efforts colossaux étaient
nécessaires pour créer des services
d’éducation, de santé, d’aides sociales.
En même temps il fallait harceler
l’occupant pour le pousser vers la
sortie.
Plus les opérations étaient
spectaculaires, plus leur impact était
négatif chez les soldats israéliens,
mais positif au sein de la population
locale. Au-delà, une large frange de la
population libanaise s’identifiait à ces
jeunes résistants qui défiaient les
soldats sur-entraînés et équipés de
Tsahal.
Ces jeunes résistants prolongent
l’épopée de l’imam Hussein, participant
tous les ans à la fête d’Achoura, qui
plutôt qu’une fête est une cérémonie de
larmes destinée à raviver la flamme du
sacrifice parmi eux. Ils se sont fixés
un objectif, celui de l’évacuation des
soldats israéliens du sud du Liban. Plus
aucun soldat ne sera toléré, c’est ainsi
qu’en ont décidé les référents de
l’autorité religieuse et politique.
C’est ainsi que l’on retrouve le
cheik Ragheb Harb, et le sayed Abbas
Moussawi, deux chefs religieux, grands
tribuns et très écoutés par le peuple du
Sud. Ils se sont dévoués à la cause de
l’indépendance contre ceux qui ont,
selon eux, souillé leur terre sacrée.
Cette terre qui porte sur elle les
cicatrices de l’imam Hussein, que l’on
guérit au sein des Husseiniehs de chaque
bourgade. Ces mêmes Husseiniehs, lieux
de recueillement, mais aussi lieux de
discussions, de prêches et
d’enseignement, ont permis discrètement
mais sûrement un travail sur le terrain
impliquant toute la population dans
cette lutte armée contre l’occupant.
Le cheik Harb et sayed Abbas Moussawi
ont été assassinés par les Israéliens,
mais leur combat n’a pas cessé. Le
calcul misant sur l’anéantissement du
mouvement de résistance suite à la
disparition d’un de ses chefs a échoué.
Rien n’a changé car le projet était en
marche avec une structure implacable, se
renforçant sans cesse. L’arrivée de
l’emblématique sayed Hassan Nassrallah
est dans la lignée des autres figures de
cette résistance.
Des hommes comme Imad Moughnieh, l’un
des chefs militaires de la résistance,
assassiné à Damas —est ce un hasard ?—,
se comptent actuellement par centaines.
Tous n’ont qu’un seul objectif : libérer
la dernière parcelle de terrain occupée
par Israël. Pour ces jeunes hommes très
bien formés, cette guerre n’a rien d’un
jeu vidéo suivie sur un réseau
informatique, elle est leur guerre,
menée sur une terre dont ils connaissent
tous les recoins.
Au mois de mai 2000, les soldats
israéliens ont dû abandonner leurs
postes, leurs prisonniers, et leurs
collaborateurs à la cloche de bois. Ils
n’ont pas demandé leur reste. Leur
erreur était d’avoir continué à occuper
une bande de terrain libanais dans
l’extrême sud et dans le sud-est du
Liban. C’est cette occupation qui allait
provoquer l’étincelle de la guerre de 33
jours (juillet-août 2006). Cette bande
de terre continuera de hanter les nuits
des Israéliens, car ils savent que leur
présence n’est pas souhaitée et ne le
sera jamais. L’esprit de la Husseinieh
s’est définitivement réveillé.
Concernant la situation d’Israël par
rapport à la Syrie et au Liban, sous le
titre « La guerre qui fait entrer
Israël contre le Hezbollah et ses alliés »
l’ancien directeur du renseignement
Proche-Orient/Afrique du Nord au
ministère US de la défense Jeffrey White
a publié une étude fort « instructive ».
Son élément le plus important est que « si
la guerre éclatait à nouveau sur les
frontières de la Palestine pour tenter
d’occuper le Liban, elle ne sera pas
comme le conflit de juillet 2006, mais
elle sera peut-être "décisive", et
conduira à une transformation de toute
la région ».
Surprenante analyse, qui reprend des
termes utilisés par le sayed Hassan
Nassrallah, rappelant dans ses discours
depuis plus de deux ans que si Israël
ose s’attaquer le Liban, c’est la région
entière qui changera. Cette affirmation
semble donc être intégrée dans les
réflexions des officines de sécurité aux
États-Unis.
Jeffrey White, qui est maintenant
expert au Washington Institute for Near
East Studies, a donné une conférence
pour présenter son étude. Il y a
souligné que « Le théâtre des
hostilités comprendra 40 000 miles
carrés », ce qui équivaut à 64 000
kilomètres carrés, comprenant le « Liban
et Israël, ainsi que des parties de la
Syrie ». Il a ajouté que « la fin
des hostilités en 2006, a marqué le
point de départ des préparatifs de la
prochaine guerre », et que « les
parties ont utilisé une approche
offensive par rapport aux précédentes
confrontations. »
White a prédit que les combats se
concentreront sur la frontière nord
d’Israël et dans le sud du Liban, avec
un certain nombre de « théâtres
secondaires » pour les
affrontements. « Le Hezbollah au
Liban sud essayera de repousser
violemment l’attaque vers le sol de
l’agresseur, tandis qu’Israël va essayer
d’atteindre le [fleuve] Litani, et même
au-delà du Litani, où se trouveraient
les roquettes du Hezbollah », a t-il
poursuivi.
Dans une tentative de décrire l’« importance
des pertes libanaises » dans cette
guerre, White a déclaré qu’ « Israël
viserait à brûler l’herbe au Liban au
lieu de la tondre », et a souligné
que le sort de la guerre dépendrait de
« l’invasion terrestre israélienne. »
Il a affirmé que bien que l’armée
israélienne ait été entraînée pour se
battre dans des villes et zones
peuplées, elle subirait des pertes
importantes. Il a déclaré que le
Hezbollah essayerait d’absorber
l’attaque Israélienne, mais ne reculera
pas. « La bataille du Sud serait
décisive ».
White a déclaré que les prévisions
israéliennes indiquent que le « Parti
de Dieu procédera aux tirs de roquettes
à raison de 500 ou 600 par jour en
direction d’Israël ». Il a noté que
la qualité de la plupart des roquettes
possédées du Hezbollah est devenue
nettement supérieure à ce qu’elle était
en 2006. Il a ajouté que contrairement à
2006, « Israël agira pour détruire
l’infrastructure civile libanaise tout
en alléguant que le gouvernement
libanais est responsable des actions du
Hezbollah ».
Il a conclu que les scénarios de la
guerre sont au nombre de trois, et
comprennent :
une
solution décisive,
des
combattants fatigués,
ou
une solution imposée.
Selon White la solution décisive ne
pourra qu’être en faveur d’Israël afin
de mettre fin à la menace du Hezbollah
et de dicter ses conditions. En
revanche, les deuxième et troisième
scénarios aboutiront à un « désordre,
comme à la fin de la guerre en 1973 et
2006, et les combattants continueront de
se préparer pour une nouvelle guerre ».
À son tour, a averti l’ancien
officier de l’armée US et chercheur au
Center for a New American Security,
Andrew M. Exum, toute occupation
israélienne du Liban serait un cauchemar
pour les Israéliens. Diplômé de
l’Université américaine de Beyrouth, il
a déclaré que « l’intérêt supérieur
d’Israël, dans le cas où le Hezbollah
tuerait un diplomate israélien en
représailles à l’assassinat d’Imad
Moughnieh, ou s’il procédait à
l’enlèvement d’un soldat, nécessiterait
des frappes particulièrement
douloureuses au cours des trois ou
quatre jours suivants ».
Exum a indiqué qu’au cours de la
guerre de 2006, la communauté
internationale était favorable à Israël
durant la première semaine, mais au vu
des pertes libanaises par rapport aux
israéliennes et compte tenu de
l’habilité des Libanais dans leurs
rapports avec les médias internationaux,
la sympathie à l’égard d’Israël s’est
inversée et s’est retournée contre
l’État Hébreu.
Il a dit que, sur la base de
l’expérience de la guerre de 2006, quand
« les Israéliens promettent qu’ils
détruiront la banlieue sud (de Beyrouth)
complètement, le monde sait qu’ils le
feront », ainsi selon cet ancien
officier, cette situation « contribue
à renforcer l’équilibre de la terreur et
de la dissuasion entre les parties et
augmente la pression sur les épaules du
Hezbollah pour éviter de fournir un
prétexte à Israël justifiant son attaque
contre le Liban ».
Exum explique que « la trêve sur
le terrain entre Israël et le Hezbollah,
est la démonstration de l’équilibre des
forces. Elle est la meilleure garantie
de paix et de dissuasion », qui
serait selon lui « nuisible pour le
Hezbollah sur le long terme ». Il a
conclu que « toute nouvelle guerre ne
serait pas dans l’intérêt des Israéliens
et des Libanais, ni dans l’intérêt des
États-Unis » au Proche-Orient en
général.
Ce que les deux spécialistes ont omis
de préciser est qu’Israël craint
actuellement de se battre sur un front
intérieur, car l’idée que le Hezbollah
ait pu recruter des agents sur son
territoire hante les esprits de certains
de leurs responsables. Au mois d’octobre
2002, un ancien lieutenant-colonel de
Tsahal a été inculpé pour espionnage.
Cette décision a été rendue publique le
24 octobre 2002. L’inquiétude régnait
déjà dans l’État hébreu.
Ces informations sont prises très au
sérieux par l’opinion israélienne, et
prennent de plus en plus d’ampleur.
Cette situation ne s’est pas arrangée
après que le chef du Hezbollah, sayed
Hassan Nassrallah, ait divulgué des
images captées par les drones israéliens
et piratées par les équipes techniques
du Parti de Dieu. Les autorités
israéliennes ont fini par reconnaître la
réalité du piratage tout en précisant
qu’elles l’avaient su et avaient modifié
le codage de leur transmission en
conséquence.
Ce même piratage avait permis au
Hezbollah de piéger une escouade de
soldats israéliens au cours d’une
opération d’infiltration dans la commune
d’Anassarieh au sud du Liban pour
assassiner un de ses responsables. C’est
l’ensemble de cette formation de Tsahal
qui s’est trouvée prise en tenaille et a
été décimée.
En tout cas, ces histoires réelles
font partie des éléments remarquablement
utilisés par la communication du
Hezbollah et qui font très mal à
l’opinion israélienne. Elles contribuent
à maintenir ce climat de terreur et de
dissuasion entre les parties sur le
terrain, car si le Liban craint
certainement les destructions massives,
Israël craint beaucoup autant pour ses
soldats que pour ses civils. Cela
conduit à ce que chacun sache qu’il a un
prix à payer, sans que personne n’ait
envie de payer l’addition.
Se retirer totalement du territoire
libanais serait considéré comme un
camouflet supplémentaire pour l’« armée
invincible ». Y rester devient de
plus en plus dangereux. Surtout rester
pour quoi faire ? Jusqu’à présent le
rôle de l’armée israélienne était celui
d’un gendarme, mais si l’on n’a plus
peur du gendarme, à quoi sert-il ? Le
pire pour Israël est que l’équation
s’est totalement modifiée, son armée ne
maîtrise plus toutes les données et est
actuellement exposée à de fortes
probabilités d’échec dans ses
opérations.
Cette situation finit par atteindre
le moral des troupes à tel point que les
soldats ne savent plus pourquoi ils
doivent se battre. Tsahal est-il
toujours l’armée de « défense
d’Israël », ou est-il devenu l’armée
des massacres de Qana et des « bavures » ?
Une armée qui se bat contre un ennemi
invisible commet nécessairement des
bavures et en commettra encore. Jusqu’à
quand l’armée et la société israéliennes
supporteront-elles ces infamies ? Les
habitants de Qana disent de leur ville :
« C’est là que Jésus a transformé
l’eau en vin, et c’est là que les
Israéliens ont transformé l’eau en sang ».
Ces contradictions ont fait qu’au fil
des années la critique de la politique
israélienne n’est plus un tabou. Jusqu’à
l’invasion du Liban, oser critiquer les
décisions israéliennes était assimilé à
un acte antisémite. Tel est de moins en
moins le cas. Des juifs et des non juifs
critiquent cette politique
expansionniste. L’appel de JCALL (European
Jewish Call for Reason) est la
démonstration qu’il existe bien une
cassure dans le soutien dont bénéficiait
la politique et les gouvernements
israéliens.
Cet appel est intéressant, car tout
en assurant un soutien indéfectible à
l’État d’Israël, il se montre
particulièrement en opposition avec les
décisions prises par les gouvernements
successifs, notamment en matière
d’annexion et de colonisation. Les
signataires estiment qu’Israël devra
changer de politique pour survivre.
Or nous voyons que l’existence
d’Israël est à nouveau en danger. Loin
de sous-estimer la menace de ses ennemis
extérieurs, nous savons que ce danger se
trouve aussi dans l’occupation et la
poursuite ininterrompue de la
colonisation de la Cisjordanie et des
quartiers arabes de Jérusalem-Est, qui
sont une erreur politique et une faute
morale. Et qui alimentent, en outre, un
processus de délégitimation inacceptable
d’Israël en tant qu’État.
Ces faits expliquent le malaise vécu,
entre autres, par la diaspora juive. Ces
mêmes sentiments sont également exprimés
par une frange de la population
israélienne de l’intérieur, laquelle ne
semble pas être écoutée par une classe
politique qui rivalise d’outrance et
d’excès.
L’UE vient à travers sa décision de
déclencher les hostilités, en allant
dans le sens contraire de l’Histoire.
Les responsables Européens savent
parfaitement que cette décision n’a sur
le plan pratique aucune utilité. Les
membres de la branche armée du Hezbollah
sont inconnus. Leur force est justement
le secret qui les entoure. Quelles
sanctions prendre contre des hommes
invisibles.. ?
Quant aux sanctions économiques,
elles sont risibles, car les services de
renseignement européens savent que le
Hezbollah ou ses membres n’ont pas
d’avoirs en Europe. La décision est donc
symbolique et est aussi précaire
qu’injustifié. En effet, concernant
l’attentat de Bulgarie, cet État vient
de déclarer qu’il n’existe aucune preuve
de l’implication du Hezbollah [1].
Devant l’impossibilité de contester
au Hezbollah sa qualité de mouvement de
résistance contre l’occupation, on a
inventé ce prétexte, et on a laissé
filtrer la vraie raison, mais qui n’est
pas reprise officiellement : sa
participation au conflit syrien.
C’est d’autant plus étonnant que
depuis le début du conflit syrien le
mouvement politique libanais du Futur,
entre autres —avec ses responsables, à
commencer par l’ancien Premier ministre
Saad Hariri—, a brillé par sa
participation plus qu’active en hommes
et en armes, sans pour autant être
qualifié de mouvement terroriste.
Le Hezbollah a combattu et combat en
Syrie Jabhat Al-Noussra, considéré
aujourd’hui par les occidentaux comme
une organisation terroriste. Comment
peut-on combattre les terroristes et
être considéré terroriste ? En réalité,
le Hezbollah a pour le moins perturbé
les projets occidentaux pariant sur la
chute de l’État syrien devant les
agressions internes et externes, il doit
en payer le prix.
En combattant en Syrie, le Hezbollah
protège ses arrières. Les vrais
terroristes, terrorisaient les civils
libanais dans la plaine de la Bekaa, à
Akkar à l’est et dans le Nord du Liban.
Ces groupent se sont bien installés dans
plusieurs dizaines de villages au Liban
au prétexte d’être des réfugiés, sans
que personne en l’absence d’un État
fort, ne puisse vérifier leur qualité.
Ils ont commis des attaques contre
l’armée libanaise accusée maintenant
d’être pro-Hezbollah, lequel prône le
slogan de la résistance « Le Peuple,
l’Armée et la Résistance sont la force
du Liban contre toute agression ».
Fallait-il que le Hezbollah néglige ces
risques pour éviter d’être classé
organisation terroriste ? Informé de
cette rumeur de classement depuis des
mois, sayed Hassan Nasrallah avait du
reste annoncé qu’il n’en avait cure…
Toutefois, cette annonce est
regrettable et menace d’une multitude de
répercussions. A-t-on mesuré la portée
de cette décision, dont l’effet
médiatique serait le seul intérêt ? Pire
encore ! le présent article sera t-il
considéré comme une « apologie du
terrorisme » ? … Seul l’avenir nous
le dira. Le but final serait de faire
taire toutes les voix qui défendent les
mouvements de résistance.
La vérité est que les Européens sont
devenus schizophrènes, car ils voient la
paille dans l’œil du voisin, mais pas la
poutre dans le leur.
[1]
« La
Bulgarie ne tient pas le Hezbollah
responsable de l’attentat de Burgas »,
Réseau Voltaire, 7 juin 2013.
André Chamy
Sociologue et avocat français. Auteur de
L’Iran, la Syrie et le Liban - L’Axe de
l’espoir
(Les éditions du Panthéon, 2012).
Vice-président de Réseau Voltaire
France.
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