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Ha'aretz

Le blocus se resserre
Amira Hass

Haaretz, 22 novembre 2006

www.haaretz.co.il/hasite/spages/791154.html

Version anglaise : No more hitching in the W. Bank www.haaretz.com/hasen/spages/790933.html

Yaïr Naveh, général commandant la zone centrale, a largué, au début de la semaine, une bombe à sous-munitions, en signant un ordre interdisant aux citoyens israéliens de prendre à bord de leurs voitures des passagers palestiniens, dans les territoires de Cisjordanie. Cet ordre entrera en vigueur le 19 janvier 2007, mais il exempte ceux qui véhiculent des Palestiniens porteurs de permis d’entrer en Israël et dans les colonies, ou qui véhiculent des membres de leur famille au premier degré.

Telle qu’elle est donnée dans le communiqué du porte-parole de l’armée israélienne, l’explication est bien entendu sécuritaire. Compliquer les choses pour qui voudrait « perpétrer des attentats sur le front arrière de l’Etat d’Israël et dans l’espace de la Judée, de la Samarie et de la Vallée du Jourdain ». En cela, l’ordre en question apparaît comme un obus classique de l’armée israélienne, visant à « l’autodéfense ». Mais il constitue en fait une nouvelle étape dans le régime de séparation sur base nationale et ethnique, qui sévit en Cisjordanie – un régime de privilèges pour la minorité juive colonisatrice, au détriment des droits individuels et nationaux des Palestiniens. Comme d’autres ordres militaires et d’autres lois du Parlement qui ont appris à s’envelopper du motif sécuritaire, cet ordre-ci disperse lui aussi des sous-munitions qui continueront de tuer ce qu’il reste d’espoirs de relations de paix avec les Palestiniens.

L’argument sécuritaire satisfera la majorité des Israéliens, comme ils s’en satisfont pour les centaines de fermetures de route et les dizaines de barrages établis en Cisjordanie. Le fait que tout cela sépare et limite au minimum les déplacements entre un village et ses terres, entre un village et un autre, entre un village et la ville, un district et un autre – autrement dit, désorganise la vie normale qu’il est encore possible de mener sous un régime d’occupation – ce fait-là n’a jamais dissuadé les chefs de l’armée qui formulent ces ordres, ni troublé les juges de la Cour suprême qui les ont déclarés et continuent de les déclarer licites, ni tourmenté les députés travaillistes. La plus grande partie du public israélien n’est pas non plus dérangée par le fait que les barrages et les fermetures de routes servent très précisément la politique colonialiste israélienne : les uns comme les autres fragmentent la Cisjordanie en îlots séparés dans lesquels vivent les Palestiniens, entourés par un océan d’élan colonisateur et de continuité territoriale juive.

L’interdiction pour des Israéliens de prendre en voiture des passagers palestiniens, en Cisjordanie, fait partie du régime de la « séparation du transport » qu’y a instauré Israël. Cette interdiction complète une autre ordonnance qui interdit aux Palestiniens porteurs d’un permis d’entrer en Israël de passer par les points de sortie de Cisjordanie en Israël par lesquels passent les Israéliens. Pour les Palestiniens, il y a des passages séparés. L’interdiction se combine au double réseau routier que les services de la Défense continuent de construire à l’intérieur de la Cisjordanie : l’un est destiné aux colons juifs et aux personnes qui ont un lien avec eux (il sert aussi aux militants anti-occupation et aux Israéliens arabes pour qui n’a pas encore été inventé l’ordre leur interdisant de se déplacer sur ces routes), le deuxième est destiné aux Palestiniens. L’un, spacieux, éclairé, sûr, permet des déplacements rapides et courts. Sur l’autre, étroit, délabré, semé de nombreux barrages, les déplacements sont généralement très lents, voleurs de temps.

La nouvelle ordonnance se combine à l’ordre interdisant à tous les Palestiniens de se déplacer ou de séjourner dans la Vallée du Jourdain – un tiers du territoire de la Cisjordanie – et à la politique de « séparation » dont Yaïr Naveh multiplie les applications : la large interdiction pour tous les habitants du nord de la Cisjordanie (alternative : pour ceux d’entre qui ont entre 16 et 35 ans), d’aller dans le sud de la Cisjordanie. Le fait de voler du temps et de l’espace aux Palestiniens est essentiel afin d’assurer que « leur développement séparé » demeure toujours en retard sur le développement juif, piétine toujours au seuil d’une existence vacillante, inférieure et dégradante.

La nouvelle ordonnance ne dérangera pas les « éléments terroristes » dans leurs contacts avec les voleurs de voitures, grands amateurs de géographie, qui s’infiltrent en Cisjordanie à bord de véhicules israéliens volés ; elle ne les empêchera pas de fixer sur leurs véhicules des plaques d’immatriculations israéliennes volées, de se fabriquer de faux documents, de se déguiser en Israéliens, ou d’enlever des Israéliens. Les vraies flèches de cette ordonnance visent des cibles civiles, des cibles de paix. L’interdiction qui est faite aux Israéliens de prendre des passagers palestiniens à bord de leurs voitures porte atteinte aux droits des Israéliens qui ont des amis palestiniens : se promener ensemble en Cisjordanie, faire ensemble le trajet pour aller voir des amis, apporter de l’aide en cas de besoin pour se rendre plus rapidement chez le médecin, chez soi ou à l’oliveraie.

L’interdiction touche tous les groupes israéliens inébranlables dans leur action contre l’occupation : Machsom Watch, Yesh Din, les Militants contre la Clôture de Séparation, les Rabbins pour les Droits de l’Homme, Ta’ayoush, le Comité contre les Destructions de Maisons. Il touche aussi les organisations de droits de l’homme – le Centre pour la Défense de l’Individu (HaMoked), B’Tselem, l’Association pour les Droits civils (ACRI). Les militants de toutes ces organisations rencontrent des Palestiniens, circulent avec eux, se lient d’amitié. Lors de ces rencontres et de ses déplacements ensemble sur les routes de Cisjordanie, ils sont, pour les Palestiniens, le rappel qu’il y a des Israéliens qui ne sont ni des colons ni des soldats, qu’il y a des Israéliens qui s’opposent au régime des privilèges et qu’il y a peut-être une solution politique équitable.

L’ordre de Yaïr Naveh, s’il n’est pas neutralisé à temps, abandonnera un nombre incalculable de petites bombes qui exploseront et porteront atteinte à cet espoir.

 

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

 


Source : Michel Ghys


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