Mexico, le mercredi 18 août 2010
Ce n’est plus un secret : de très importants gisements de gaz
et de pétrole sont situés en Méditerranée au large de Chypre, du
Liban, de Gaza… et d’Israël. Compte tenu des appétits et des
méthodes du régime de Tel-Aviv, le partage des richesses semble
impossible. Pour le géopoliticien mexicain Alfredo Jalife-Rahme,
la question est de savoir si Israël se contentera de voler les
réserves de ses voisins en les siphonnant grâce à des
technologies sophistiquées, ou s’il s’emparera de leurs
gisements par la force.
Plusieurs analystes expérimentés ont compris que derrière la
guerre d’Israël contre Gaza —gouverné par le groupe islamique
sunnite Hamas— se trouve un enjeu caché : les pléthoriques
gisements de gaz des côtes palestiniennes en Méditerranée.
Bien que doté d’un maximum de 400 bombes nucléaires et de la
meilleure aviation de tout le Proche-Orient —à présent on ne
peut plus affirmer qu’il possède la meilleure armée de la région
après ses récents revers aussi bien au Sud du Liban contre la
guérilla islamique chiite qu’à Gaza face au Hamas— Israël
affiche deux points faibles incontestables :
1.
l’eau, raison pour laquelle il ne se résout pas à restituer à la
Syrie les territoires occupés du plateau du Golan, bordant le
lac de Tibériade (Galilée) et
2.
le pétrole, il importe plus de 300 000 barils par jour (pour la
plupart, en provenance d’Égypte), tandis que sa production de
gaz destinée à la consommation nationale est extrêmement
réduite.
Je viens de rentrer d’un voyage d’un mois en Grèce, au Liban
et en Turquie, où j’ai mesuré l’importance stratégique du gaz,
aussi bien pour Gaza que pour le Liban, enfoui sous les eaux
communes à Israël et à l’île de Chypre (elle même divisée en
partie grecque et turque).
Naharnet (28 juin 2010), un site libanais
pro-occidental, dit très justement que les réserves de gaz
reparties entre les eaux du Liban et d’Israël peuvent
représenter une énorme manne financière, mais qu’elles peuvent
également susciter une nouvelle guerre d’Israël contre son
faible voisin du nord.
La situation est dramatique car les deux Etats, aussi bien le
Liban qu’Israël, sont énormément tributaires des importations
d’hydrocarbures.
Quant au Liban, son cas est le plus grave car il est éprouvé
par le piteux état de son système de production électrique, qui
n’a pu être ni réparé, ni modernisé après 15 ans de guerre
civile.
Que cela plaise ou non, face à la cupidité israélienne, ce
n’est rien de moins que la guérilla chiite du Hezbollah qui
s’est chargée de la défense du gaz libanais. Jusqu’à présent,
mis à part le Hezbollah [1],
personne d’autre dans la vaste mosaïque libanaise n’a manifesté
ouvertement sa position sur ce sujet, qui est loin d’être un
sujet de moindre importance et qui peut dégager de grands
bénéfices politiques et financiers ou, à défaut, dégénérer en
une guerre d’Israël contre le Liban (et non le contraire).
Non sans se référer à des précédents et à des justifications
historiques, le Hezbollah accuse Israël de programmer le “vol”
du gaz naturel des eaux territoriales libanaises. Les chiites du
Sud du pays en ont acquis une grande expérience lors du pillage
par Israël des eaux du fleuve Litani.
De son côté, Israël rétorque que les champs pétrolifères et
gaziers qu’il exploite ne s’étendent pas jusqu’aux eaux
libanaises.
Le problème réside en ce que les limites territoriales —et
par extension, les limites maritimes— n’ont toujours pas été
fixées, du fait que les deux pays sont techniquement encore en
guerre.
Israël a déjà commencé —grâce à un développement
technologique plus avancé et à la complicité des compagnies
pétrolières et gazières anglo-saxonnes— à développer les deux
champs de Tamar et Dalit, dont les abondantes réserves ont fait
s’envoler la Bourse de Tel-Aviv, exactement le même jour où le
duo Netanyahu-Lieberman était frappé de répudiation mondiale à
cause de sa piraterie meurtrière en eaux internationales contre
un navire turc d’aide humanitaire destiné à Gaza (la plus grande
prison à ciel ouvert du monde).
Les réserves découvertes dans les champs de Tamar et de Dalit
sont colossales : 160 milliards de mètres cubes avec lesquels on
peut satisfaire les besoins des Israéliens pendant deux
décennies.
La compagnie pétrolière et gazière texane Noble Energy, qui
fait partie du consortium chargé des explorations des gisements
gaziers de la partie soi-disant israélienne de la Méditerranée,
a estimé que grâce à la découverte d’un troisième champ —dont le
nom, d’intéressante portée sémantique, est Léviathan (de 450
milliards de mètres cubes, presque trois fois ce qui contiennent
les gisements de Tamar et Dalit)— Israël pourrait devenir un
riche exportateur vers l’Europe et l’Asie.
Pour le moment, Nabih Berri, président du Parlement libanais,
et de surcroît, allié du Hezbollah, a condamné le fait qu’Israël
soit en train de se transformer en “émirat pétrolier” grâce à du
gaz qui ne lui appartient pas, en déniant le fait que ces champs
s’étendent jusqu’aux eaux territoriales du Liban. Le Liban
reproduira-t-il face à Israël les expériences tragiques que le
Mexique vit aujourd’hui face aux États-Unis pour ce qui est des
gisements “transfrontaliers” dont il est dépouillé par les
compagnies pétrolières et gazières texanes grâce à la
technologie cleptomane du siphonnage ?
Les fonctionnaires de l’Infrastructure nationale d’Israël
affirment —tel que l’affirme également, comme on aurait pu s’y
attendre, la compagnie texane Noble Energy ainsi que la
compagnie norvégienne Petroleum Geo-Services— que les trois
champs découverts se trouvent en “zone économique” israélienne.
Quelle précision de la géographie divine !
Al Manar (4 juin 2010), le média du Hezbollah fustige
“Israël [qui] est sur le point de légaliser le vol du gaz
libanais” par un amendement législatif. Il cite la télévision
israélienne rapportant que le gouvernement du duo
Netanyahu-Lieberman “considère la découverte des champs de gaz
naturel dans la Méditerranée comme une découverte israélienne
sur laquelle personne (super sic !) n’a de droit”.
Nom d’un diable ! Qu’en est-il alors du droit international
transfrontalier lorsque la technique du siphonnage de ce qui
appartient à autrui est utilisée par les transnationales
anglo-saxonnes dotées d’une meilleure technologie que celle des
pays affectés, pour ne pas dire spoliés ?
Pire encore, selon la chaîne de télévision déjà citée, “le
comité exécutif du gouvernement et la Knesset (Parlement)
préparent une loi qui écarterait le droit des Libanais”. Au
besoin, l’armée israélienne sera là pour appliquer de manière
unilatérale la nouvelle loi de spoliation.
En dehors du légendaire saccage israélien des territoires
occupés, sous tous ses aspects, avec ou sans “cartes
géographiques” ou lois pour le justifier, la classe politique
libanaise, à cause de ses querelles internes stériles sur
l’identité de l’heureux exploitant et producteur de pétrole et
de gaz, a laissé filer une précieuse décennie : un vide temporel
et territorial qui a été exploité par Israël.
Au mois d’octobre dernier, la compagnie norvégienne Petroleum
Geo-Services avait communiqué sur la forte probabilité qu’il
existe de grands gisements aussi bien au Liban qu’à Chypre. À
propos de ce dernier cas, il semblerait que les gisements
seraient repartis entre les deux pays voisins. Que d’artifices
souverains nous présente la géographie !
Pour le Liban, n’importe quel type de découverte pétrolière
et gazière constituerait une bénédiction qui permettrait de
réduire la formidable dette atteignant 52 milliards de dollars,
l’une des plus importantes du monde proportionnellement (147 %)
à son produit intérieur brut (PIB) de 33 milliards de dollars.
Cependant, il ne faut pas surestimer la dette libanaise, sans
doute énorme, car elle est amortie par des dépôts bancaires
colossaux allant jusqu’à 110 milliards, ce qui facilite sa
gestion.
Quoi qu’il en soit, les nouvelles découvertes de pétrole et
de gaz au Liban —souveraines ou partagées avec Israël ou avec
Chypre— atteigneraient le chiffre mirifique d’un milliard de
milliard de dollars.
Osama Habib, du quotidien libanais en anglais The Daily
Star (28 juin 2010), a affirmé que “la richesse du pétrole
et du gaz du Liban représente une bénédiction mitigée qui génère
en même temps de l’enthousiasme et de l’angoisse” (de par ses
conséquences géopolitiques). Elle a révélé au grand jour la
lutte primaire des politiciens libanais pour l’obtention de la
meilleure part du gâteau dans la gestion des hydrocarbures.
Selon les experts, la production ne sera effective qu’après
15 ans d’exploration des eaux libanaises, mais le risque majeur
vient de l’appétit insatiable d’Israël, qui serait capable, une
énième fois, d’entreprendre une nouvelle guerre afin de
s’approprier du gaz de Gaza et des hydrocarbures du Liban et de
Chypre.
Traduction
Marina Almeida