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RIA Novosti

Pourquoi l'Iran a-t-il besoin d'uranium enrichi?
Alexandre Koldobski


Photo RIA Novosti

17 septembre 2007

Les autorités iraniennes ont une nouvelle fois confirmé, par la voix du secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale Ali Larijani, qu'elles rejetaient catégoriquement l'idée d'un moratoire sur les travaux d'enrichissement de l'uranium, même si le Conseil de sécurité de l'ONU adoptait une nouvelle résolution condamnant l'Iran. Téhéran explique sa position par son droit légitime au développement de technologies nucléaires civiles. Auparavant, l'Iran avait déclaré à plusieurs reprises qu'il était en mesure d'assurer par ses propres moyens l'approvisionnement en combustible de la centrale nucléaire de Bouchehr, construite avec l'aide la Russie.

Il convient de souligner en premier lieu que la livraison de n'importe quel type de combustible autre que russe serait une grossière violation des conditions de l'accord portant sur la construction de la centrale, et donc inacceptable pour la Russie. Cependant, il est intéressant d'analyser à quel point les objectifs officiellement proclamés concordent avec les capacités réelles, techniques et économiques, de l'Iran et aussi de voir comment ils s'inscrivent dans les normes résultant de l'expérience mondiale de développement de l'énergie nucléaire.

L'Iran pourra-t-il produire du combustible pour ses centrales nucléaires (pour celle de Bouchehr avant tout) par ses propres moyens? La production de combustible nucléaire pour les réacteurs énergétiques se résume souvent à la fabrication d'uranium faiblement enrichi (jusqu'à 5 %). C'est justement l'activité de l'usine de Natanz. Cependant le combustible nucléaire n'a rien de comparable avec des bûches ou du charbon que l'on mettrait dans une chaudière. Il se présente sous une forme technologiquement très complexe.

L'élément principal se présente sous la forme d'un cylindre étanche contenant la matière fissile (dioxyde d'uranium faiblement enrichi), usuellement appelé crayon (tvel, en russe). Les crayons sont réunis en cartouches qui sont chargées dans le réacteur. Ainsi, par exemple, dans la zone active d'un réacteur russe VVER-1000 (réacteur énergétique eau-eau de 1000 MW), on introduit 151 cartouches de 317 crayons chacun.

Compte tenu des conditions particulières d'exploitation du réacteur, ce "combustible nucléaire" doit répondre à des normes extrêmement strictes. Cela concerne, notamment, l'étanchéité du cylindre qui doit être assurée dans les conditions de températures très élevées et d'une forte radioactivité. Pour garantir l'intégrité du cylindre il est important que les pastilles de matière fissile ne soient pas soumises au swelling, phénomène qui se traduit par un gonflement dû à la radioactivité. Il est également important que l'enveloppe résiste à la corrosion liée aux hautes températures, c'est pourquoi le cylindre est fabriqué avec des matériaux élaborés à partir de technologies très complexes. Et ce ne sont là que quelques exemples...

Les crayons et cartouches pour les différents types de réacteurs sont strictement individuels et ne sont absolument pas interchangeables. De plus, le nucléaire civil a besoin de combustible en quantité industrielle. Ainsi, une charge pour un réacteur VVER-1000 représente environ 70 tonnes de combustible (équivalent uranium).

Il est évident qu'il est question ici d'un secteur spécialisé faisant appel à de hautes technologies dont l'Iran ne dispose pas, et nul ne sait quand il en disposera. Il n'a pas non plus, en-dehors des généralités fréquemment énoncées, de conception technique du développement du nucléaire civil. L'expérience nucléaire de ce pays est trop jeune, sa base technologique, industrielle et humaine est trop faible pour envisager des projets nationaux de centrales nucléaires. Le nucléaire civil iranien se limite pour l'instant au chantier inachevé de la centrale de Bouchehr. Aux termes du contrat, le combustible y sera fourni par la Russie, qui récupèrera elle-même le combustible irradié.

Le contexte politique du programme nucléaire iranien rend impossible toute construction d'une nouvelle centrale nucléaire dans ce pays avec une aide étrangère. Téhéran, pour sa part, insiste sur l'intangibilité de ses projets d'enrichissement de l'uranium, même si ceux-ci manquent de logique sur le plan technologique et d'avantage pour l'économie. L'expérience mondiale montre que la production de combustible nucléaire ne se justifie que lorsque le pays dispose d'au moins 10 ou 12 réacteurs puissants. Il faut également garder à l'esprit que dans ce cas le pays est obligé de prendre à son compte tous les frais liés au recyclage du combustible irradié. C'est pourquoi le nucléaire civil dans le monde, c'est-à-dire 443 réacteurs en exploitation dans 31 pays, s'approvisionne en combustible auprès de quelques gros producteurs (dont la Russie) qui disposent de capacités de production suffisantes, de la base technologique nécessaire et d'une culture de la sécurité nucléaire. Le marché mondial du combustible et de la construction des centrales nucléaires est aujourd'hui partie intégrante des relations internationales sur le plan technologique. Pour que l'Iran puisse trouver sa place sur ce marché, il suffit qu'il renonce à enrichir l'uranium en quantités industrielles. Mais Téhéran est loin de s'engager sur cette voie.

Dès lors, une question se pose tout naturellement: pourquoi l'Iran s'obstine-t-il ainsi? Pour pouvoir créer des armes nucléaires? On ne peut malheureusement pas exclure cette éventualité, même si l'on voudrait tout de même espérer que les dirigeants iraniens sont conscients de la nocivité politique et de l'absurdité militaire de cet objectif. Sept à huit ans seraient nécessaires pour y parvenir. Mais si l'Iran choisit de réaliser ce scénario, le reste du monde risque de ne pas les lui accorder.

Par Alexandre Koldobski, physicien atomiste, pour RIA Novosti.

© 2007 RIA Novosti



Source : RIA Novosti
http://fr.rian.ru/...


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