Opinion
Obama menace l'Iran
Alex Lanthier
Lundi 16 août 2010
Lors d’un point de presse, mercredi à la Maison-Blanche, le
président Obama a personnellement ajouté sa voix au chœur
grandissant des menaces de guerre contre l’Iran émanant de
Washington et de ses alliés.
Les récentes menaces renferment des
remarques faites par le secrétaire américain à la Défense Robert
Gates qui en 2008 avait exprimé son avis contre « une autre
guerre au Moyen-Orient » mais, le mois dernier avait déclaré que
les Etats-Unis « n’acceptaient pas l’idée que l’Iran dispose
d’armes nucléaires ». Le ministre israélien de la Défense, Ehud
Barak, a dit qu’il était « encore temps de prendre des
sanctions », mais qu’« à un moment donné, nous devons
reconnaître que les sanctions ne fonctionnent pas ».
C’est dans ce contexte que la
Maison-Blanche a réuni des journalistes choisis pour un point
presse sur l’Iran. Ceux-ci n’auraient, semble-t-il, découvert
qu’après leur arrivée que la personne intervenant à ce « point
de presse » apparemment routinier n'était autre que le président
lui-même.
L'objectif d’Obama était de lancer une
mise en garde directe contre le gouvernement iranien : il a le
choix, soit de se plier aux exigences des Etats-Unis en
abandonnant son programme nucléaire soit de s’attendre à une
attaque américaine.
Obama a dit que les responsables iraniens
« devraient savoir ce à quoi ils peuvent dire "oui" ». Si la
« fierté nationale » pousse l’Iran à développer des armes
nucléaires, a poursuivi Obama, « ils en subiront les
conséquences ». Il a dit « toutes les options » sont ouvertes
pour « empêcher une course aux armements nucléaires dans la
région et pour empêcher un Iran nucléaire. »
Craignant que certains journalistes ne se
méprennent sur les phrases creuses prononcées par Obama
concernant la diplomatie, telle l’indication de projets de mener
de nouvelles négociations avec l’Iran, de hauts responsables de
la Maison-Blanche ont, pour bien mettre les choses au clair,
discuté plus tard avec l’un des journalistes présents, le
journaliste pro guerre bien connu, Robert Kagan.
Dans un article paru dans le
Washington Post, Kagan a critiqué les journalistes qui
avaient posé aux hauts responsables américains des questions
ayant trait à la diplomatie avec l’Iran : « Ceci a mis les
responsables dans une situation délicate : ils ne voulaient pas
dire ouvertement que le gouvernement ne suivait pas une nouvelle
initiative diplomatique parce que cela pourrait donner
l’impression que le gouvernement ne s'intéressait pas du tout à
la diplomatie. »
Kagan a fait le commentaire suivant,
« Comme l’un des hauts responsables stupéfait me l'a fait
remarquer plus tard, si le sujet du point presse avait été la
diplomatie, alors le gouvernement aurait fait venir ses
négociateurs influents à la réunion, au lieu de tous ces gens
chargés d’exercer la pression sur l’Iran. »
En fait, la politique du gouvernement
Obama n’a jamais été de négocier avec l’Iran mais de soumettre à
Téhéran une liste d’exigences humiliantes et non négociables.
Celles-ci ont été présentées dans le contexte d’une politique à
deux voies : une campagne de sanctions et de menaces de guerre
pouvant mener soit à la capitulation de Téhéran, soit à poser le
fondement d’une action militaire.
En juin dernier, le gouvernement Obama a
tenté en vain d’imposer à Téhéran un régime pro américain en
renversant les résultats de l’élection d’Ahmadinejad. Les
Etats-Unis ont tacitement soutenu la soi-disant « Révolution
verte » dirigée par le candidat défait, Mir Hossein Mousavi et
le milliardaire Akbar Hashemi Rafsanjani et qui était soutenue
par des sections de la classe moyenne de l’Iran. L’intention de
Washington a toutefois été déjouée lorsque ces forces, émanant
des couches plus fortunées de la société iranienne, n'ont pas
réussi à recueillir un large soutien.
Le gouvernement croit encore que quelque
forme de « changement de régime » intérieur est possible. Kagan
a remarqué que les responsables de la Maison-Blanche espéraient
que les forces politiques derrière la Révolution verte
pourraient se lier aux récentes grèves des marchands des bazars
et que cette combinaison « constituerait une menace réelle pour
le régime. »
Toutefois, le gouvernement Obama semble à
présent de plus en plus miser sur la guerre comme unique moyen
de préserver ses intérêts politiques dans la région. Il
considère qu’une victoire américaine dans la confrontation avec
l’Iran est maintenant cruciale pour le maintien du prestige et
du rôle hégémonique que joue Washington dans les affaires
mondiales.
Un rapport du groupe d’étude de la
politique américaine Bipartisan Policy Center (BPC) qui
conseille le gouvernement Obama a remarqué que « La crédibilité
américaine… serait sérieusement endommagée si après des
avertissements répétés exprimant le contraire, elle permettait à
Téhéran de franchir ce seuil nucléaire, » c’est-à-dire
d’acquérir des armes nucléaires. Il y est dit que les Etats-Unis
doivent être prêts pour des « actions extraordinaires » afin de
préserver leur crédibilité en tant que plus grande puissance
militaire du monde en réclamant des « préparatifs pour une
option militaire visible et crédible. »
La campagne américaine contre le
programme nucléaire de l’Iran est une imposture politique.
Washington n’a pas organisé une telle campagne à l’encontre du
programme nucléaire de l’Inde parce qu’ils considèrent l’armée
indienne comme un atout stratégique américain dans la région.
Dans le cas de l’Iran – considéré par Washington comme un
adversaire stratégique – l’industrie nucléaire du pays et qui,
aux dires de l’Iran, est destinée uniquement à usage
énergétique, devient le prétexte à une campagne américaine pour
l’isoler et l’assujettir.
Il est quasiment impossible pour le
régime iranien de prouver aux Etats-Unis qu’il n’est nullement
une menace sans complètement s’émasculer politiquement. L’Iran
entretient des liens politiques et militaires avec l’Irak et
l’Afghanistan qui sont occupés par les Etats-Unis ainsi qu’avec
le Liban et la bande de Gaza. De plus, il est un important
fournisseur de pétrole et de gaz naturel du marché mondial, y
compris des principaux concurrents des Etats-Unis, telle la
Chine ; et il a développé un programme nucléaire considérable.
Pour pouvoir conclure un accord durable
avec Washington, l’Iran devrait publiquement renoncer à soutenir
les partis ou mouvements de résistance dans les régions
opprimées par les Etats-Unis ou Israël, accorder l’accès ou le
contrôle de ses champs pétroliers à des sociétés américaines et
soumettre son programme nucléaire à des contrôles intensifs.
Ceci correspondrait à une déclaration publique du gouvernement
iranien d’être le laquais de l’impérialisme américain.
Dans la mesure où les suspicions
grandissent que Téhéran n’est pas prêt de prendre de tels
engagements, Washington favorise de plus en plus la guerre. Il
existe même déjà des appels pour une campagne médiatique dans le
but de préparer l’opinion à la guerre. Le rapport BPC a exigé un
« débat public sur des options militaires » tandis que le
journal français Le Monde a dernièrement posé la question
à savoir si l’opinion publique était psychologiquement préparée
pour un scénario de guerre contre l’Iran.
Les menaces américaines proférées lors
d’une réunion non annoncée avec une poignée de journalistes,
soulignent le mépris du gouvernement Obama à l’égard de
l’opinion publique. Elu suite à une opposition de masse
anti-guerre contre la politique agressive du gouvernement Bush,
Obama menace à présent de déclencher une guerre qui éclipserait
les conflits en Irak et en Afghanistan en menaçant d’engloutir
la région entière.
(Article original paru le 6 août 2010)
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Publié le 16 août 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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