Mondialisation des marchés financiers
Lybie, un petit
butin pour des appétits insatiables
Francesco Piccioni
Dimanche 28 août 2011
« Tant qu’il y a du
butin il y a de l’espoir », titrait hier
matin (lundi 22 août 2011, NdT)
un site pour expliquer le cours
des bourses à la nouvelle de la conquête
(très rapidement annoncée, NdT)
de Tripoli. Et le butin libyen, en
effet, est riche. Cette journée qui, une
fois de plus, avait mal commencé sur les
places asiatiques et sur celles
européennes, changeait maintenant de
signe grâce aux photos des rebelles en
fête. Et dire que les nouvelles
économiques étaient plutôt déprimantes.
L’Osce signalait que dans le second
trimestre 2011 le PIL des 30 pays les
plus industrialisés -une tranche majeure
de la production globale- n’a augmenté
que de 0,2% contre 0,3% des trois
premiers mois. C’est le quatrième
trimestre consécutif de ralentissement
de la croissance, le plus drastique ;
une année de freinage qui n’annonce pas
de « rebonds » à cour terme. Déprimant.
Mais il suffit de parcourir la
liste des titres en hausse pour
comprendre. Les énergétiques volaient (Eni,
+6%) sur la vague des contrats
pétrolifères (et de gaz) qu’on allait
pouvoir signer avec ceux qui devront
dire «merci » d’avoir été portés au
pouvoir au son des bombardements. Les
entreprises spécialisées en
infrastructures (Ansaldo +5%) savaient
qu’elles pourraient faire pareil pour
reconstruire un pays détruit mais qui
peut payer cash, ou éventuellement en
barils sonnants et trébuchants. Hausse
aussi chez les télécommunications,
maintenant qu’on a mis au piquet le
« vilain » qui était arrivé à doter
l’Afrique de son propre satellite pour
la téléphonie, en arrêtant ainsi de
payer aux Français un prix anormal. Même
Finmeccanica[1]
était en hausse, « certaine qu’allaient
être maintenus les contrats open
interest[2] »,
mais un peu moins (1,38) parce que ce
seront les armes français et les anglais
qui se tailleront la part du lion dans
la prochaine armée libyenne, « en
réorganisation ».
Et voilà le véritable sujet. Dans
le match de la « reconstruction » et des
contrats, l’Italie se place dans une
bande périphérique. Viennent d’abord,
bien sûr, la France et la
Grande-Bretagne, qui ont voulu
l’intervention au point de « plier » les
Etats-Unis et l’ONU. Puis il y aura les
pétromonarchies du Golfe, enfin
délivrées du « chien fou », et sponsors
du premier jour des « rebelles de
Benghazi » (c’est au Qatar qu’est parti
le premier bateau
qui apportait du pétrole brut
libyen). Voilà aussi pourquoi, cet
après-midi, les gains généraux
dégonflaient, mais pas seulement en
Italie.
La proie libyenne, dans le fond,
ne peut pas suffire à tous les
charognards qui tournent sous nos cieux.
Notre bourse, dans le fond, est une
bourse périphérique. Très
« spéculative », parce que dominée par
des titres bancaires, d’assurances, « à
participation d’Etat ». Les autres
réagissaient -mal- aux très mauvaises
nouvelles arrivant des Usa.
Comme l’augmentation des crédits
immobiliers impayés (signe de crise du
revenu, entre licenciements et
impossibilités de trouver un nouvel
emploi à la hauteur du premier). Mais
surtout devant le grand coup de froid
qui s’est abattu sur les espoirs d’une
quantitative easing 3.
Expliquons-nous. Vendredi prochain, à
Jackson Hole, vont se rencontrer les
présidents des banques centrales
d’Occident. L’an dernier, au même
endroit, Ben Bernanke -président de la
Federal Reserve, la banque
centrale étasunienne- annonça une phase
de quantitative easing 2 :
c’est-à-dire une seconde vague de
financements publics du système
financier privé. Le malheur veut qu’hier
justement aient été publiés les montants
des « deux -premières- phases » : 1.200
milliards de dollars (8% du PIB
étasunien). Morgan Stanley -si prodigue
d’études et « conseils » aux
gouvernements- a reçu 107,3 milliards ;
Citigroup (obscène ensemble d’intérêts
étasuniens et saoudiens) 99,5 ; Bank of
America (le nom se suffit à lui-même)
91,4. Mais les Anglo-saxons européens
non plus n’ont pas eu à se plaindre :
Royal Bank of Scotland, 84,5 milliards,
et la Suisse UBS, 77,2.
Il résulte d’une étude du FMI (dont
on est arrivé à débarquer le directeur
pour le remplacer par cette bonne
Lagarde, NdT) -donc « impartial »-
que « certaines banques aient utilisé
les fonds de la Fed non pas pour éviter
la faillite mais pour maximaliser leurs
profits ».
Quand on vous dit
que vous devez partir à la retraite
après votre mort, vous comprenez ?
Edition de mardi 23
août de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110823/manip2pg/05/manip2pz/308716/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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