in Information Clearing House, 26 janvier 2010
http://www.informationclearinghouse.info/article24510.htm
Aucun doute : de plus en plus de gens, dans le monde entier, et
probablement aussi beaucoup de leurs gouvernements (derrière les
portes capitonnées) commence à voir l’Etat sioniste d’Israël tel
qu’il est réellement : non seulement l’obstacle à la paix, mais
aussi un monstre ayant apparemment échappé à tout contrôle. Et
ces gens de plus en plus nombreux, ces citoyens que d’aucuns
qualifient d’ordinaires, commencent à le rejeter. Cela explique
pourquoi le Premier ministre Netanyahu est à la tête d’un appel
hystérique que le sionisme lance au monde entier, qu’il objurgue
de cesser de ‘diaboliser’ Israël.
Ainsi, le 25 janvier, au musée Yad Vashem
(mémorial de l’Holocauste) de Jérusalem, Netanyahu a déclaré :
« Il y a du mal, dans le monde, et ce mal non seulement ne
s’arrête pas : il se répand. Il y a aujourd’hui un nouvel appel
à détruire l’Etat juif. C’est notre problème, mais ça n’est pas
seulement le nôtre. Cela (la réémergence et la croissance de
l’antisémitisme, selon Netanyahu) est un crime contre les juifs
et un crime contre l’humanité : c’est aussi un test en matière
d’humanité ».
C’était particulièrement gonflé, venant de
celui qui a fait bien plus que prêter main-forte au sionisme
dans son entreprise de transformation de l’obscénité de
l’holocauste nazi, de leçon contre le racisme et le fascisme et
tous les maux qui y sont associés en une idéologie visant à
justifier tout et n’importe quoi venant d’Israël, crimes de
guerre compris !
Le sionisme ne voit pas (il est trop
aveuglé par sa propre autojustification susceptible) que le
comportement de son enfant monstrueux est la cause première du
réveil du géant antisémite assoupi – oups : j’ai dit
‘antisémite’ ? Autant pour moi, ma langue a fourché : dans
l’immense majorité des cas, il ne s’agit absolument pas
d’antisémitisme, mais bien d’anti-israélisme (le danger étant
que celui-ci puisse très aisément muter en antisémitisme au sens
que prend ce mot en Occident – le mépris, voire la haine pour
les juifs au seul motif qu’ils sont juifs – si nous n’aidons pas
le monde occidental à comprendre la différence entre le judaïsme
et le sionisme. C’est cette différence qui explique pourquoi il
est parfaitement possible d’être passionnément antisioniste sans
être le moins du monde, sous aucune forme que ce soit, antijuif
et aussi pourquoi il est erroné de blâmer tous les juifs, où
qu’ils se trouvent dans le monde, des crimes d’un nombre
relativement peu important d’entre eux en Israël, et non pas de
tous les Israéliens).
Il est de fait qu’avant l’holocauste nazi,
les juifs du monde entier étaient dans leur immense majorité
opposés à l’entreprise colonialiste du sionisme. Une des
multiples raisons de cette opposition des plus informés et des
plus réfléchis d’entre eux était la crainte que, dût le sionisme
être mis en capacité par les grandes puissances d’atteindre son
objectif, cela pourrait provoquer un jour de l’antisémitisme au
sens classique du terme.
Comme je l’indique dans mon ouvrage
Zionism: The Real Enemy
of the Jews [Le sionisme : le véritable ennemi des juifs],
cette crainte a été réinvoquée par Yehoshafat Harkabi, qui fut
longtemps Directeur du Renseignement militaire israélien. Dans
son livre remarquable
Israel's Fateful Hour [Il est minuit, Docteur Israël ! ndt],
il formule cette mise en garde :
« Israël,
c’est l’aune à laquelle tous les juifs seront peu ou prou jugés.
Israël, en effet, est un Etat juif, et il exemplifie la
personnalité juive, qui y trouve un champ d’expression libre et
intense. L’antisémitisme a des racines extrêmement profondes et
historiques. Néanmoins, tout défaut [dénoncé] dans le
comportement israélien, que repérera initialement ce que l’on
appellera anti-israélisme, ne manquera pas d’être transformé en
une preuve empirique de la validité de l’antisémitisme. Quelle
ironie tragique ce serait, si l’Etat juif, qui a été édifié dans
l’intention de résoudre le problème de l’antisémitisme, devait
devenir [lui-même] un facteur de la montée de l’antisémitisme.
Les Israéliens doivent être conscients du fait que le prix de
leur méconduite est imputé non seulement à eux, mais aussi aux
juifs du monde entier ».
Trois événements, en particulier, ont
contribué à faire en sorte que la « méconduite » d’Israël est
devenue non seulement « un facteur », mais le premier élément
dans la réémergence et l’ascension de ce que le sionisme affirme
être l’antisémitisme, mais qui est en réalité l’anti-isarélisme.
Ce furent :
- l’invasion du Liban, jusqu’à Beyrouth, en
1982, dont l’objectif initial était de détruire l’Organisation
de Libération de la Palestine, ses dirigeants et son
infrastructure ;
- la guerre au Liban, en 2008, l’objectif
principale de cette offensive israélienne étant de causer
suffisamment de morts et de destructions pour contraindre les
institutions politiques et l’armée libanaises à combattre et à
vaincre le Hezbollah (qui n’aurait jamais vu le jour si Israël
n’avait pas envahi le Liban et occupé le Sud de ce pays en 1982)
et de donner une leçon
aux Arabes, à tous les Arabes ;
- quant à la récente agression militaire
d’Israël contre la bande de Gaza, elle visait essentiellement à
infliger une punition collective à tous les Palestiniens qui s’y
entassent pour avoir soutenu le Hamas et à détruire
militairement et politiquement celui-ci dans l’illusion qu’un
fois cela fait, Israël aurait les coudées franches pour
couillonner et acheter son Pétain de l’Autorité Nationale
Palestinienne (Babasse) jusqu’à ce que celui-ci se contente de
quelques miettes tombées de la table du festin sioniste.
En toute objectivité, ces trois offensives
ont été des démonstrations du terrorisme d’Etat israélien (je
viens de finir de mettre à jour le texte du Troisième volume de
l’édition américaine de mon bouquin, et j’ai dû y ajouter un
chapitre, que j’ai intitulé ‘Le terrorisme d’Etat devient la
norme d’Israël’).
Le monde occidental ayant été conditionné à
voir dans la guerre de juin 1967 une guerre d’autodéfense
d’Israël (et donc absolument pas ce que cette guerre était en
réalité, à savoir une guerre d’agression israélienne),
l’invasion du Liban par Israël, en 1982, représenta la véritable
première opportunité, pour le monde occidental, de voir ce que
jusqu’alors seuls les arabes, de manière générale, et les
Palestiniens en particulier, avaient vu d’extrêmement près : la
face hideuse du sionisme. Une face tellement horrible que
400 000 Israéliens avaient manifesté afin d’exprimer leur dégoût
de ce qui avait été commis en leur nom.
Quant à la bien-pensance qui est la cause
première de la cécité congénitale du sionisme, Harkabi a écrit
ceci :
« L’autocritique est impérative, si nous
voulons contrebalancer les tendances à la bien-pensance et à
l’auto-commisération qui découlent d’attitudes juives basiques,
héritées d’une expérience historique des persécutions et d’une
mentalité encouragée par Menahem Begin. Aucun facteur ne met
plus en danger l’avenir d’Israël que cette bien-pensance, qui
nous rend aveugles à la réalité, qui nous empêche d’avoir une
compréhension profonde de la situation et qui légitime notre
comportement extrémiste ».
Note de bas de page : Certains lecteurs de cet article
objecteront-ils peut-être peu ou prou à ma description de l’Etat
sioniste comme d’un monstre. Cela n’est en rien une idée qui
soit propre à Alan Hart (pour vous servir). En 1984, explique
Harkabi, le journaliste israélien Teddy Preuss a publié un livre
intitulé Begin, His Regime [Begin et son régime]. Dans ce livre,
Teddy Preuss a écrit : « Je ne doute pas un seul instant que le
règne de Begin conduira à la destruction de [notre] Etat. Quoi
qu’il en soit, sa gouvernance aura d’ores et déjà fait d’Israël
un monstre. »