Carnets du diplo
Iran, négocier ou faire la
guerre ? (à suivre)
Alain Gresh
27 mai 2007
La question de la guerre avec l’Iran risque de dominer
l’agenda politique international des prochains mois. J’y suis
déjà revenu à plusieurs reprises, notamment dans Négocier
ou faire la guerre ? et Négocier
ou faire la guerre ? (suite). Pour comprendre tous les
enjeux de cette crise et l’inscrire dans la durée (et dans
l’histoire), on se reportera au numéro qui vient de sortir de Manière
de voir, la publication bimestrielle du Monde
diplomatique, « Tempêtes sur l’Iran » (en
vente en kiosques).
Dans un entretien donné au Figaro du 26 mai, Ali
Larijani, un des principaux dirigeants iraniens, très impliqué
dans le dossier nucléaire, affirme que "La
France de Sarkozy pourrait jouer le rôle d’intermédiaire sincère"
Interrogé sur les moyens de sortir de l’impasse, il explique :
« Le moyen consiste à reprendre le dialogue, sans
condition préalable de part et d’autre. À cet égard, la
France du nouveau président Nicolas Sarkozy pourrait jouer le rôle
d’un honest broker (intermédiaire sincère), car la France
jouit d’une très bonne image chez nous : elle n’a jamais
exercé de pression néocoloniale sur l’Iran et elle a abrité
chez elle l’imam Khomeiny lorsqu’il était menacé par la
dictature du Shah. »
« Au moment où je vous parle, ElBaradei et Solana
reconnaissent tous les deux que le programme nucléaire iranien
n’a pas actuellement divergé vers le militaire. Le souci
occidental est donc un procès d’intention lié à l’avenir.
Pourquoi donc nous trouvons-nous, aujourd’hui, traînés devant
le Conseil de sécurité de l’ONU ? »
« Les États de la région (Arabie saoudite, Émirats
arabes unis, Égypte, etc.) seraient invités à y participer,
ainsi que les États européens (France, Allemagne, Finlande,
etc.) ayant développé chez eux un programme de production d’électricité
nucléaire. Ainsi, au contrôle déjà existant des inspecteurs de
l’AIEA s’ajouterait celui des États membres du consortium.
S’il m’était possible de mener un dialogue constructif avec
les Occidentaux, aujourd’hui bloqué par l’intransigeance
d’une Amérique exigeant que nous suspendions au préalable
notre enrichissement d’uranium, je suis sûr que nous pourrions
trouver ensemble de nombreux autres outils pour établir une
confiance réciproque. »
Mais il semble peu probable que cet appel soit entendu.
« Paris
presse l’ONU de durcir le ton avec l’Iran », tel est
le titre de l’article de Maurin Picard publié sur le site du Figaro,
le 24 mai.
« La France n’a pas ménagé ses critiques hier à
l’égard de l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA), une institution spécialisée de l’ONU qui joue un rôle
clé dans la crise iranienne, et de son directeur général,
Mohamed ElBaradei. Au moment où ce dernier transmettait au
Conseil de sécurité des Nations unies un rapport alarmant sur
l’état d’avancement du programme nucléaire iranien, Paris
s’est joint aux protestations émises par Washington à
l’encontre du haut fonctionnaire égyptien, accusé de laxisme
face aux agissements nucléaires de Téhéran. »
« Objet du litige : Mohamed ElBaradei a affirmé,
dans plusieurs interviews récentes, que l’Iran devait être
autorisé à maintenir une partie de ses activités
d’enrichissement d’uranium. Il en déduisait que la communauté
internationale devrait réduire son niveau d’exigence vis-à-vis
de Téhéran, celui-ci possédant déjà, de toute évidence, un
savoir-faire nucléaire que la communauté internationale prétend
encore vouloir lui interdire. »
« "Notre représentant permanent à Vienne [Xavier-François
Deniau] s’associera à la démarche américaine", a indiqué
hier le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères,
Jean-Baptiste Mattéi, tandis que le représentant américain auprès
de l’AIEA, Gregory Schulte, rencontrait Mohamed ElBaradei en
aparté. Le chef de l’agence atomique internationale se voit
aussi reprocher une grande imprudence pour avoir affirmé que
"la CIA, le MI 6 britannique et les renseignements français
sont d’accord pour dire que l’Iran mettra de 4 à 8 ans pour
fabriquer l’arme atomique". "Nous n’avons pas
l’habitude d’exposer publiquement [...] des évaluations
nationales de renseignement", s’est insurgé le
porte-parole français, selon qui, pour la France, "la
perspective d’un Iran doté d’une capacité nucléaire
militaire n’est pas acceptable". »
Cette position française ne marque pas un vrai tournant,
puisque Paris s’était fortement rapproché des Etats-Unis sur
le dossier iranien depuis au moins deux ans. Mais elle constitue néanmoins
un infléchissement. Rappelons-nous les
déclarations assez réalistes de Chirac sur l’Iran, début
février.
Les Etats-Uni ont engagé déjà une
guerre silencieuse contre l’Iran. Les journalistes Brian
Ross et Richard Esposito, de Abcnews (22 mai 2007), « Bush
Authorizes New Covert Action Against Iran » (Bush
autorise de nouvelles actions clandestines contre l’Iran),
confirment différentes informations sur les programmes d’aide
à des groupes clandestins en Iran, mais il n’est pas évident
de savoir si ces programmes sont nouveaux ou si l’article
confirme des informations déjà données depuis plusieurs mois.
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