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Carnets du diplo
Iran,
Liban, incohérences de la politique française
Alain Gresh
« En préparant
une initiative diplomatique unilatérale en direction de l’Iran,
pour discuter avec les autorités de Téhéran de "questions
régionales", surtout du Liban, la France a pris de court ses
partenaires européens. Le Quai d’Orsay a répété, jeudi 18
janvier, que l’envoi " éventuel" d’un émissaire
français était à l’étude, mais qu’aucune décision définitive
n’avait été prise à ce sujet. » Dans un article du Monde
daté du 19 janvier, « L’initiative
française sur l’Iran suscite des réactions mitigées en Europe »,
Natalie Nougayrède, revient sur une initiative française
controversée.
« France
planned, then canceled a diplomatic visit to Iran »,
titre International Herald Tribune du 17
janvier, sous la plume de Elaine Sciolino. La journaliste affirme
que l’Elysée avait décidé d’envoyer Philippe Douste-Blazy
à Téhéran pour discuter notamment du dossier libanais, mais que
le voyage a été annulé deux jours avant, Douste-Blazy ayant dit
qu’il ne voulait pas y aller (selon Natalie Nougayrède, Le
Monde du 17 janvier, « L’Iran et la campagne électorale
française », Nicolas Sarkozy aurait fait pression sur lui).
Finalement, c’est Jean-Claude Cousseran, un diplomate qui
s’est déjà rendu à Téhéran qui devait y retourner, mais la
polémique semble avoir fait avorter le projet. Sciolino note, à
juste titre, que « l’initiative de Chirac
est étonnante, car le président a toujours pris une position
dure à l’égard de l’Iran et son programme nucléaire,
affirmant que l’on ne pouvait lui faire confiance. Alors que
d’autres acteurs internationaux, y compris la Russie et la
Chine, ont envoyé régulièrement des envoyés officiels de haut
niveau à Téhéran, la France s’est allié avec le Royaume-Uni,
l’Allemagne et les Etats-Unis, en faisant pression l’Iran pour
qu’il suspende son programme d’enrichissement de l’uranium
ou de subir des sanctions du Conseil de sécurité. En fait, la
France a rédigé la plus grande partie de la résolution initiale
de la résolution du Conseil, dans une langue dure qui a été atténuée
à la fin ». En fait, poursuit la journaliste, le but du
voyage envisagé n’est pas de discuter du programme nucléaire
iranien, mais du Liban où se trouvent 1 700 soldats français.
Pourtant, dans un article intitulé, « Nucléaire :
Américains et Européens s’opposent sur la mise en oeuvre des
sanctions contre Téhéran », Natalie Nougayrède explique
dans Le Monde du 18 janvier : « De
fortes tensions opposent les Etats-Unis aux Européens, notamment
la France, sur la question de la mise en oeuvre de la résolution
1737 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a été votée le 23
décembre 2006 et impose, pour la première fois, des sanctions
contre l’Iran en raison de la poursuite de ses activités nucléaires. »
« L’administration américaine
entend donner l’interprétation la plus large possible à ce
texte, dans le but d’accroître la pression sur le régime
iranien, notamment concernant les transactions financières avec
l’Iran, tandis que les Européens favorisent une approche plus
restrictive dans le but de préserver des chances de règlement
diplomatique de la crise avec Téhéran. »
« Ces désaccords sur la
mise en oeuvre d’un texte de l’ONU s’ajoutent à un profond
mécontentement américain concernant la façon même dont la résolution
1737 a été négociée en décembre. Washington considère que
les Européens sont allés trop loin dans leur souci de
s’assurer du soutien de la Russie et de la Chine, qui
s’opposaient à des mesures sévères contre l’Iran et
voulaient préserver leurs intérêts économiques dans ce pays. »
L’éditorial du Monde du 18 janvier, « Cavalier
seul en Iran », note :
« En se lançant dans une
ouverture diplomatique vis-à-vis de l’Iran, Jacques Chirac
poursuit deux objectifs. D’abord s’assurer que le régime des
mollahs ne cherchera pas à s’en prendre, par l’intermédiaire
du Hezbollah, son allié au Liban, aux soldats français de la
Force internationale, à la frontière avec Israël. Ensuite,
essayer de gagner le soutien des Iraniens à une stabilisation démocratique
au Liban, où l’opposition est dans la rue pour renverser le
gouvernement de Fouad Siniora. »
« Ces objectifs sont compréhensibles,
voire louables. Mais la manière dont ils sont poursuivis est étrange.
La France agit en solitaire, alors que, jusqu’à maintenant,
elle avait étroitement coordonné sa politique libanaise avec les
Etats-Unis et qu’elle était à l’origine de la troïka européenne,
avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui a négocié pendant
plus de trois ans sur le dossier nucléaire iranien. C’est précisément
au moment où le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé
à l’Iran des sanctions, pourtant édulcorées sur
l’insistance de Moscou, que Paris a décidé de faire cavalier
seul. »
A quelques mois de l’élection présidentielle,
la politique française au Proche-Orient paraît bien incohérente.
« Pourquoi
la France hésite », nous demandions-nous le 23 août
2006, à propos de l’envoi de troupes au Liban. Nous avions
souligné déjà, dans un article du Monde
diplomatique de juin 2006, « La
voix brouillée de la France », les inflexions et les
contradictions de la politique française au Proche-Orient. Si
Paris souhaite stabiliser le Liban, pourquoi engager un dialogue
avec Téhéran et refuser tout contact avec la Syrie ? La
diplomatie française peut-elle utiliser le dossier nucléaire
iranien pour sceller un rapprochement avec Washington en
2004-2006, pour faire cavalier seul ensuite ? Le Quai d’Orsay
peut-il ignorer que la stratégie décidée par le président Bush
en Irak est totalement contraire aux intérêts de la France et
pousse à l’affrontement avec l’Iran ? La politique de la
France au Proche-Orient est en crise et il serait souhaitable que
l’élection présidentielle permette un débat sur un sujet si
important pour l’avenir.
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