|
Carnets du diplo
Gaza, quelques articles
contre «la pensée unique»
Alain Gresh
20 juin 2007
On sait le peu de cas que « la communauté internationale »
fait du verdict des urnes : la victoire du Hamas, en janvier
2006, a entraîné des sanctions contre les Palestiniens coupables
d’avoir mal voté. Quelle que soit l’opinion que l’on ait
sur ce qui s’est passé à Gaza, et les violences
inter-palestiniennes indiquent une culture de la violence préoccupante,
les mesures prises par le président de l’Autorité
palestinienne posent problème. Dans un article intitulé « Whose
Coup, Exactly ? », et publié le 18 juin sur le
site de The Electronic Intifada, Viriginia Tilley note que, selon
la loi fondamentale (qui sert de constitution), le président de
l’Autorité palestinienne peut démettre le premier ministre
(article 45), mais ne peut pas nommer un premier ministre qui ne
représente pas la majorité parlementaire ; quand le président
démet le premier ministre, le gouvernement est considéré comme
démissionnaire (article 85) mais qu’il reste en fonction
jusqu’à la formation d’un nouveau cabinet confirmé par le
Conseil législatif ; que le président peut gouverner par décret
durant les périodes d’urgence (article 43), mais que le Conseil
législatif doit approuver ces décrets ; que la loi
fondamentale ne prévoit aucun "gouvernement
d’urgence".
Dans un article publié par le quotidien The Independent
du 16 juin et intitulé « Welcome to "Palestine" »,
traduit en français sur le site Questions
critiques sous le titre Bienvenue
en "Palestine", Robert Fisk écrit :
« Ah ! Les Musulmans au Proche-Orient !
Comme ils peuvent être pénibles ! Pour commencer, nous
exigeons des Palestiniens qu’ils épousent la démocratie. Mais
eux, ensuite, ils élisent le mauvais parti — le Hamas — et
après cela celui-ci remporte une mini guerre civile et préside
sur la Bande de Gaza. Et nous, les Occidentaux, voulons toujours négocier
avec le président discrédité [de l’Autorité Palestinienne],
Mahmoud Abbas. La "Palestine" d’aujourd’hui — et
laissons ses guillemets à leur place ! — a deux Premiers
ministres. Bienvenue au Proche-Orient ! »
« Avec qui pouvons-nous négocier ? A qui nous
adressons-nous ? Oui, bien sûr, nous aurions dû parler au
Hamas depuis des mois. Mais nous n’aimions pas ce gouvernement démocratiquement
élu par les Palestiniens. Ces Palestiniens qui étaient censés
voter pour le Fatah et sa direction corrompue. Mais c’est pour
le Hamas qu’ils ont voté. Le Hamas qui refuse de reconnaître
Israël ou de respecter l’Accord d’Oslo totalement discrédité. »
« Personne n’a demandé — dans notre camp — quel
Israël particulier le Hamas était supposé reconnaître. Israël
de 1948 ? Israël des frontières d’après 1697 ? Israël
qui construit — et continue de construire — de vastes colonies
pour les Juifs et seulement les Juifs sur la terre arabe, avalant
encore plus des 22% de la "Palestine" qui restent à négocier ? »
Enfin, Robert Malley et Aaaron David Miller, respectivement
directeur du programme Proche-Orient de l’International Crisis
Group et chercheur au Woodrow Wilson Center, font paraître le 19
juin une tribune dans The Washington Post, intitulée « "West
Bank First" : It Won’t Work ».
Les deux auteurs expliquent combien est illusoire le discours
américain qui affirme que si l’on noie la Cisjordanie avec de
l’argent, aide le Fatah et les forces de sécurité, le peuple
palestinien va se regrouper autour de Mahmoud Abbas. Cette théorie
s’appuie sur de fausses hypothèses. « La Cisjordanie
n’est pas l’inverse de Gaza. Contrairement à Gaza, l’armée
israélienne y est massivement présente. Contrairement au Hamas,
le Fatah a cessé d’exister comme une force idéologique ou
comme un mouvement politique cohérent. Sous le nom de marque, on
trouve une multitude de succursales, de baronnies, d’intérêts
personnels. La plupart des attaques contre les forces israéliennes
depuis les élections de janvier 2006 ont été lancées par les
brigades des martyrs d’Al-Aqsa, des milices incontrôlées liées
au Fatah, et cela malgré les appels répétés à les cesser de
Abbas. » D’autre part, "la Cisjordanie
d’abord" « s’appuie sur la notion que Abbas ou
tout au leader palestinien pourrait se permettre de se concentrer
sur la Cisjordanie au détriment de Gaza ». Et cela est
impossible car un tel choix« minerait sa position comme
symbole de la nation palestinienne ». Tôt ou tard,
concluent les deux auteurs, Abbas « sera forcé
d’aboutir à un accord de partage du pouvoir entre le Hamas et
le Fatah ».
Enfin, pour mieux comprendre, découvrez les articles du Monde
diplomatique cités dans la valise « Gaza,
le démembrement de la Palestine ». Et n’hésitez pas
à vous abonner
au journal (au prix exceptionnel de 24 euros :-) :
la gratuité du site n’est possible que parce que nous avons des
abonnés et des lecteurs de la version papier.
|