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Le nucléaire français contre l'Iran ?
Alain Gresh

Mercredi 17 juin 2009 L’article n’a pas suscité de
commentaires. Il n’a pas provoqué de débats dans les médias
(exception, sur le site de Marianne, le 17 juin, Régis
Soubrouillard,« La
France, parapluie nucléaire des Emirats Arabes Unis ? » . Il
n’a suscité aucune réaction des politiques. Pourtant, publié par
la correspondante du Figaro, en général bien informée, il
fait frémir. Dans « La
France se donne les moyens de la riposte » (16 juin),
Isabelle Lasserre révèle le contenu du nouvel accord signé entre
la France et les Emirats arabes unis, à la suite de
l’inauguration de la base française à Abu Dhabi (lire Philippe
Leymarie, « Rêves
d’Abou Dhabi, » 25 mai 2009)
« Selon les clauses secrètes de l’accord renégocié entre
Paris et Abu Dhabi, la France s’engage à utiliser tous les
moyens militaires dont elle dispose pour défendre les Émirats
arabes unis s’ils venaient à être agressés. Tous les moyens
militaires, c’est-à-dire également l’arme nucléaire, s’il le
faut.
Le mot « nucléaire » en lui-même n’apparaît pas, bien sûr,
dans le texte. “Ce serait contraire à la philosophie de la
dissuasion, qui consiste à en dire le moins possible sur la
doctrine d’emploi”, explique au Figaro un diplomate qui a
pu consulter l’accord. Mais les moyens militaires, s’ils sont
déclenchés, devront être définis en commun par la France et les
Émirats. Extrêmement contraignant, plus encore, selon ceux qui
l’ont lu, que l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui
engage les membres de l’Otan à se porter au secours – y compris
par la force armée – d’un autre membre qui aurait été attaqué,
le nouvel accord de défense n’offre pas une garantie nucléaire
sans limite aux Émirats. Juste un petit parapluie, dont le
manche, bien sûr, reste dans les mains françaises. Mais il fait
franchir à la France un pas supplémentaire dans son alliance
avec un petit pays qui se situe au cœur du nouvel arc
stratégique définit par le livre blanc sur la défense en mai
2008.
(...)
La base d’Abu Dhabi en elle-même n’est pas “nucléarisée”.
Mais la dissuasion française, toujours basée sur deux
composantes, garde à sa disposition des SNLE, sous-marins
nucléaires lanceurs d’engins, qui patrouillent en permanence au
fond des mers, ainsi que des avions de chasse pouvant se poser
sur le porte-avions Charles-de-Gaulle avec des bombes
nucléaires.
(...)
Lorsqu’il avait été élu, Nicolas Sarkozy avait promis de
revoir les accords de défense qui lient la France à ses alliés,
afin de les adapter à la nouvelle posture stratégique. Il avait
aussi promis de les rendre transparents en les faisant approuver
par le Parlement et en les rendant publics. Ce processus est
désormais largement engagé. L’accord avec les Émirats est le
troisième à avoir été renégocié depuis la publication du livre
blanc sur la défense. Deux nouveaux textes ont été signés avec
le Cameroun et le Togo. Un quatrième est en cours de
renégociation avec le Gabon. Mais en raison de la lenteur des
processus parlementaires, leur publication n’est pas annoncée
avant de longs mois… »
Si, dans les prochains mois, une crise éclatait dans la
région, la France risquerait d’être entraînée dans un conflit et
d’utiliser sa dissuasion nucléaire, sans même que la
représentation nationale n’ait pu en discuter. Comme le précise
Le Figaro, cet « accord place Paris au premier rang en
cas de conflit avec l’Iran ». On savait que la diplomatie
française s’inquiétait de la trop grande ouverture de la
nouvelle administration américaine en direction de Téhéran, mais
cette information du quotidien français a de quoi inquiéter...
Et de quoi réjouir les conservateurs iraniens qui, autour de M. Ahmadinejad,
essaient d’agiter la menace extérieure pour casser la
mobilisation populaire
contre les fraudes électorales..
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