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Liban, vers la guerre civile ?
Alain Gresh
9 mai 2008
Il n'est pas facile de suivre les développements de ce qui se
passe à Beyrouth à partir des Etats-Unis. Pour un suivi en
direct de l'actualité, on peut se reporter au site des
démocrates arabes, « Al-Oufok », qui écrit que
la résistance contrôle une grande partie de Beyrouth. Il est
toutefois important de rappeler quelques éléments que j'ai pu
donner dans des précédents envois.
Cela fait déjà plusieurs mois que le pays est « au
bord de l’abîme », selon la formule du secrétaire général
des Nations unies. En voyage au Liban en mars 2007, au début de
la crise, je décrivais « une
guerre civile silencieuse » :
« Le fossé de méfiance entre la majorité et l’opposition
libanaise s’est approfondi au cours des mois précédents, et il
ne semble subsister aucun niveau de confiance. Rares sont les
personnalités capables de se présenter comme « médiatrices »,
comme « au-dessus de la mêlée ». Chacun des deux camps prête à
l’autre les pires intentions. Les surenchères sont nombreuses.
Deux dirigeants de la majorité se distinguent par leur
extrémisme, Walid Joumblatt, le dirigeant du Parti socialiste
progressiste, et surtout leader « féodal » de la communauté
druze. Il a réussi à s’imposer aussi comme porte-parole des
sunnites (ceux-ci étant très divisés et ne disposant pas d’un
leadership affirmé, notamment depuis l’assassinat de Rafic
Hariri). On peut affirmer que Walid Joumblatt, qui été récemment
reçu par le président Bush, a multiplié les voyages à Washington
et les déclarations incendiaires, n’a aucun intérêt à la
détente : un compromis ferait perdre à son parti qui ne
représente qu’une toute petite communauté, le rôle central qu’il
a acquis récemment au Liban. L’autre jusqu’au-boutiste est Samir
Geagea, le leader des Forces libanaises, une milice bien
organisée, qui serait aussi marginalisée en cas d’accord. »
Dans un envoi du 6 janvier 2008, « Le
Liban, la Syrie et Nicolas Sarkozy », je mettais en garde
contre les simplifications auxquelles avaient recours la presse
et les médias français :
« Cette analyse (de Libération), comme bien d’autres,
occulte un certain nombre de faits qu’il faut rappeler :
– la majorité parlementaire dirigée par Saad Hariri et Fouad
Siniora ne représente pas la majorité de la population
libanaise ; lors des élections parlementaires de 2005, les
partis de l’actuelle majorité ont été alliés au Hezbollah (passé
depuis dans l’opposition) contre le Courant patriotique libre du
général Aoun ;
– l’opposition représente l’immense majorité des chiites et,
d’après tous les observateurs, une majorité des maronites avec
Michel Aoun ;
– qualifier l’opposition de simple pion syrien est difficile
quand on sait que Michel Aoun fut le principal opposant à la
présence syrienne, à l’époque où Rafic Hariri, Samir Geagea et
Amine Gemayel (mais aussi Nebih Berri et le Hezbollah)
acceptaient cette présence syrienne ;
– présenter la majorité comme « démocratique » est un abus de
langage. Ni dans leur histoire, ni dans leurs pratiques, les
phalanges ou les Forces libanaises n’ont démontré le moindre
attachement aux formes démocratiques. De ce point de vue, on
peut douter qu’il existe un fossé entre majorité et
opposition. »
Enfin, il faut garder à l’esprit les dimensions régionales de
cette crise :
la question palestinienne, et notamment celle de
la présence palestinienne au Liban (rappelons-nous
le siège de Nahr el-Bared) ;
la
volonté israélienne et américaine d’en finir avec le Hezbollah
(dont a témoigné
la guerre de 2006) et, demain, avec l’Iran) ;
la
présence de groupes se réclamant d’Al-Qaida au Liban (lire
« Enquête sur l’implantation d’Al-Qaida au Liban », Le
Monde diplomatique, février 2008).
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