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UPM

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L'Union pour la Méditerranée
est-elle en faveur des Arabes ?
Mohamed Salmawy
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Mohamed Salmawy
Mercredi 23 juillet 2008
Le
plus grand acquis dont bénéficieraient les Arabes, d’après Dr
Boutros Boutros-Ghali, est que l’Union Pour la Méditerranée
(UPM) de Sarkozy a replacé le Moyen-Orient en tête des
priorités de l’Europe. Après de longues années, au cours
desquelles la priorité de l’Europe, allant de l’intérêt
politique jusqu’au soutien économique, fut tournée vers les pays
de l’Europe de l’Est.
En
passant en revue les dix dernières années, nous verrons
effectivement que l’Europe a connu un recul au niveau de
l’intérêt porté au Moyen-Orient, que ce soit au niveau du
dossier du conflit arabo-israélien, ou celui de la question
méditerranéenne. Notons aussi que depuis la naissance de l’Union
européenne, la Méditerranée était une préoccupation majeure,
surtout pour les pays du sud de l’Europe.
Au cours de la dernière décennie,
l’Europe n’a pas joué un quelconque rôle dans la question du
règlement de cette paix, bien qu’elle en fut la principale
promotrice, que ce soit à travers Madrid, ou plus tard,
Barcelone. Par la suite, l’intérêt s’est porté sur l’Europe de
l’Est sortante du camp soviétique à l’issue de la chute du mur
de Berlin, et venant frapper aux portes des pays de l’Europe
occidentale pour revendiquer l’entrée au sein de l’Union
européenne.
En conséquence, les Etats-Unis se
sont accaparés, à eux seuls, le dossier du Moyen-Orient. Les
pays de l’Europe ne faisaient qu’afficher, de temps à autre,
leur bonne volonté, chaque fois que l’occasion s’offrait à eux.
Lorsque les Etats-Unis ont décidé
de ne pas s’engager dans un règlement laissant à Israël le soin
de faire cavalier seul, les tentatives de règlement ont été
gelées, et aucun pas n’a été réalisé.
Ainsi, l’intérêt aux pays du sud
de la Méditerranée, principales parties dans le conflit
arabo-israélien, qui a commencé à regagner du terrain, ne se
réalisera qu’en trouvant un règlement au conflit du
Moyen-Orient. C’est-à-dire l’Europe se doit d’assumer son rôle
auquel elle a renoncé. Ce rôle censé être assumé par les
Etats-Unis, et qui a été gelé tout au long des dernières années.
Ce nouvel intérêt porté au
Moyen-Orient s’est manifesté depuis le lancement du projet de
l’Union pour la Méditerranée. Nous avons vu la France,
l’initiatrice du projet, intervenir afin de réaliser le
règlement des différends entre la Syrie et le Liban. D’ailleurs,
durant la réunion du sommet, il a été annoncé l’accord entre les
deux parties syrienne et libanaise, prévoyant le retour des
relations diplomatiques entre elles et l’échange des
ambassadeurs. Nous avons également vu la France intervenir afin
de proclamer la disposition des Israéliens et des Palestiniens à
relancer des négociations sérieuses, en vue d’un règlement final
du conflit palestinien.
La présence des pays arabes au
grand complet au sommet de l’UPM a contribué à la réussite de
cette manifestation qui a lancé le projet ambitieux de Sarkozy.
Seuls les rois du Maroc et de la Jordanie étaient absents. Et
ceci n’était point un signe d’objection, mais à cause d’autres
engagements.
L’absence du Colonel Kadhafi
était intentionnelle, d’autant plus qu’il n’a pas caché, dès le
départ, des réserves quant à l’idée de l’union. L’opinion qu’il
a affichée est que l’UPM affaiblira l’Union africaine ... Mais
ceux qui connaissent Kadhafi savent bien qu’il n’a jamais
abdiqué au panarabisme, même s’il a cessé d’en parler, en raison
de la déception des dirigeants arabes, tout au long des
dernières années. Dès lors, il a décidé de remplacer le
panarabisme par le panafricanisme.
Kadhafi ressentait que l’Union
pour la Méditerranée déchirait les liens arabes déjà existants à
travers la Ligue arabe et affaiblissait le poids de l’union
arabe, ainsi que l’Union africaine. Cette réserve est toujours
de mise dans de nombreux cercles arabes depuis le lancement du
projet, tout de suite après la victoire de Sarkozy aux
présidentielles françaises. Cependant, nous n’avons pris aucun
pas pratique pour contrer cette réserve.
Il était possible de remédier à
cette division qui pourrait atteindre le système arabe et que
d’aucuns craignent, et ce à travers plusieurs mesures. L’une
d’elles consisterait à considérer l’Union comme non cantonnée
aux seuls pays arabes riverains de la Méditerranée. Pour les
tenants de cet avis, il est question d’inviter toutes les
parties arabes, en tant qu’une seule entité, pour en faire
partie. Ainsi, ce serait une reconnaissance de la part de la
rive nord de la Méditerranée, d’un monde arabe unifié, que la
nouvelle union ne cherche pas à dissoudre.
Si la participation de tous les
pays arabes dans cette nouvelle union fait face à des obstacles,
il sera alors possible que la Ligue arabe dispose d’un
membership à part entière, d’autant que la plupart de ses pays
sont riverains de la Méditerranée.
Mais j’ai remarqué que le
résultat du sommet de lancement de l’Union était à l’opposé de
nos attentes. Les pays non riverains de la Méditerranée n’y ont
pas été invités, à l’exception de la Jordanie, pour des raisons
inconnues. La Ligue arabe a été considérée comme un hôte
permanent à l’Union. Alors que, d’un autre côté, nous avons vu
la chancelière allemande Angela Merkel s’opposer avec insistance
à l’idée de l’effritement de l’Union européenne, en la divisant
entre pays méditerranéens et non méditerranéens. Elle a appelé à
la nécessité de grouper toute l’Union européenne au sein de la
nouvelle union. Effectivement, sa demande a été acquiescée et
tous les pays de l’Union européenne sont devenus membres de
l’Union pour la Méditerranée, de la Lituanie, à l’est, jusqu’à
la Finlande, au nord.
Ainsi, cette nouvelle union
pourrait-elle être une perte pour les Arabes parce qu’elle ne
les considère pas comme une seule entité ? L’opinion de Kadhafi
à propos de l’Union serait-elle alors correcte et l’opinion de
Merkel aurait-elle pris le dessus ?
Si nous mesurons les choses selon
l’opinion du Dr Boutros Boutros-Ghali, qui considère que cette
union replacera l’intérêt que porte l’Europe de l’ouest à la
région arabe, il va sans dire que le fait d’annexer tous les
pays de l’Union européenne, non riverains de la Méditerranée,
sera bénéfique pour les Arabes. Ainsi, l’Union représenterait un
intérêt européen complémentaire à l’égard de la région arabe.
Cet intérêt qui fait défaut voilà des années ne sera pas limité
aux seuls pays du sud de l’Europe. Probablement, le premier
signe de cet intérêt est l’adoption par l’Union européenne de
l’initiative de paix arabe qui conditionne la conclusion d’un
accord de paix avec Israël au retrait total jusqu’aux lignes de
1967.
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 27 juillet
2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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