|
Maigres
avancées
Rania Adel
|
Palestine
. Mis à part une prochaine
rencontre entre Olmert et Abbass, la visite de la secrétaire d’Etat
américaine Condoleezza Rice dans la région a pris fin sans résultat
concret.
Elle
était claire dès le début. D’emblée, la secrétaire d’Etat
américaine Condoleeza Rice avait tenu à réduire les attentes de
sa tournée dans la région en affirmant dans l’avion qui la
conduisait à Tel-Aviv qu’elle voulait surtout écouter ses
interlocuteurs. Il ne fallait donc rien attendre de concret de
cette huitième visite en deux années. D’ailleurs, même si Mme
Rice n’avait pas fait cette déclaration, les résultats de ces
tournées précédentes nous auraient menés à la même
conclusion : préoccupés par leur nouvelle stratégie en Iraq,
les Etats-Unis n’accordent d’intérêt qu’à deux dossiers
majeurs, l’Iraq et l’Iran. La tournée de Rice a
essentiellement pour enjeu d’amener les pays arabes à
participer à la stabilisation de l’Iraq, quelques jours après
l’annonce de la nouvelle stratégie du président George W. Bush
prévoyant l’envoi de 21 500 militaires américains en renfort.
Ce faisant, il est facile de dire que le processus de paix est le
grand oublié de la politique américaine.
Selon
son entourage, Rice est venue évaluer la situation et voir ce
qu’elle peut faire. Le numéro un de la diplomatie américaine
s’est efforcée dimanche de rassurer le camp palestinien de la détermination
de Washington à s’impliquer davantage dans le processus de paix
avec Israël. Elle n’a toutefois offert aucune perspective réelle,
à part l’annonce d’une prochaine rencontre entre Olmert et
Abbass, et s’est gardée de commenter les initiatives venues
d’ailleurs.
«
J’ai parfaitement entendu l’appel pour un engagement américain
plus marqué », a-t-elle déclaré après s’être entretenue,
dimanche, avec le président de l’Autorité palestinienne
Mahmoud Abbass à Ramallah (Cisjordanie). « Vous pouvez compter
sur moi sur ce sujet précis ».
Mme
Rice a estimé qu’il était temps « de regarder vers
l’horizon politique et de commencer à montrer au peuple
palestinien comment nous pourrions avancer vers un Etat
palestinien ».
Mme
Rice a répété que l’objectif de Washington restait de
parvenir à « la création d’un Etat palestinien vivant en paix
à côté d’Israël ».
Sans
fournir plus de précisions, elle a expliqué que l’Administration
de George W. Bush entendait « accélérer » la mise en œuvre de
la Feuille de route, le plan de paix élaboré par le Quartette (Etats-Unis,
Russie, Union européenne, Nations-Unies), lancé en 2003 mais
actuellement dans l’impasse. Il prévoit l’établissement
d’un Etat palestinien indépendant en trois étapes réparties
sur trois ans, moyennant des concessions de part et d’autre.
Soucieuse
de renforcer la position du président Abbass dans la lutte
d’influence qui l’oppose au Hamas, elle a précisé que
l’aide américaine de 85 millions de dollars (65,8 millions d’euros)
destinée à former et équiper les services de sécurité proches
du Fatah de M. Abbass serait distribuée avec précaution.
Pour
sa part, le président palestinien a tenu à afficher son
opposition à l’établissement d’un Etat palestinien
provisoire, idée avancée le mois dernier par la ministre israélienne
des Affaires étrangères Tzipi Livni.
«
Nous avons dit à la secrétaire (d’Etat Condoleezza) Rice que
nous rejetons toute solution temporaire, y compris une étape
transitoire, parce que nous ne la considérons pas comme une
option réaliste », a-t-il souligné lors d’une conférence de
presse avec Mme Rice.
M.
Abbass a de même appelé Israël « à mettre fin à ses activités
d’occupation, à relâcher nos prisonniers, et à mettre un
terme aux punitions collectives, comme son dernier raid à
Ramallah », début janvier. Il a indiqué que les Palestiniens étaient
engagés à préserver un cessez-le-feu dans la bande de Gaza,
conclu le 26 novembre entre les groupes armés palestiniens et
Israël.
Samedi,
la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, en visite en
Israël, et la ministre israélienne des Affaires étrangères
Tzipi Livni se sont engagées à poursuivre leurs efforts en
faveur d’une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien.
Mais
interrogée sur les moyens d’accélérer ce plan, elle était
restée vague, rappelant la nécessité pour les Palestiniens de
parvenir auparavant à un accord sur la reconnaissance du droit à
l’existence d’Israël, en allusion au refus du mouvement
islamiste Hamas de reconnaître Israël. Ceci dit, dans un
communiqué, le Hamas qui dirige le gouvernement palestinien, a
critiqué la tournée de Mme Rice, affirmant qu’elle « ne
contribuera qu’à créer des divisions et des dissensions dans
la région ».
Le
mouvement a mis en garde contre « les tentatives américaines et
de certaines parties à pousser (...) les Palestiniens à faire
des concessions fondamentales ».
Les
Etats-Unis et l’Union européenne boycottent politiquement et
financièrement le gouvernement du Hamas, un mouvement qu’ils
considèrent comme « terroriste ».
«Les
politiques américaine et israélienne cherchent à pousser le
peuple palestinien à la guerre civile et à des conflits internes
afin que le conflit israélo-palestinien se transforme en un
conflit palestino-palestinien», a déclaré le premier ministre
palestinien Ismaïl Haniyeh dans un discours télévisé au peuple
palestinien.
Silence
sur les frontières
De
tout ce qui précède, il est facile de déduire que la visite de
Rice n’a permis ni de débloquer le processus de paix gelé ni
de relancer l’idée d’un Etat palestinien. La preuve en est
que rien n’a été dit sur le tracé de ses frontières ni sur
sa capitale. « Cette visite visait à soutenir le premier
ministre israélien Ehud Olmert dont la popularité est en baisse
continue selon les sondages et le président palestinien Mahmoud
Abbass engagé dans un bras de fer avec le Hamas. Dans un cadre
plus large, la tournée de Rice visait à consolider le front des
alliés modérés des Américains pour contrer l’influence
grandissante de l’Iran, bête noire de l’Administration Bush.
Si vraiment Rice voulait relancer le processus de paix, elle
aurait incité Israël à lever les barrages sécuritaires et à
libérer les prisonniers palestiniens, comme il l’avait promis
il y a deux semaines », a souligné un politologue ayant requis
l’anonymat.
Même
opinion de l’analyste Moustapha Magdi Al-Gammal, du Centre des
études arabes et africaines. Pour lui, Rice est venue pour créer
un axe arabe anti-iranien et ce en contrepartie des promesses de
l’établissement d’un Etat palestinien, des promesses qui
s’envolent avec le changement de l’Administration américaine.
« Celle-ci cherche à gagner du temps à travers les déclarations
qu’elle fait. Il est impossible pour les Américains de délimiter
les frontières de l’Etat palestinien car ceci signifie la détermination
des frontières israéliennes. Or Israël est le seul pays à
n’avoir ni Constitution ni frontières. Le président
palestinien a raison de rejeter les solutions provisoires, car
s’il avait accepté, il aurait tout sacrifié, et il aurait paru
comme l’homme qui a trahi son peuple », conclut M. Al-Gammal.
Droits de reproduction et de
diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
|