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Dossier Nakba

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Une NAKBA qui se
pérennise
Samar Al-Gamal
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Nakba.
Il y a 60 ans, ce fut une guerre d'occupation et de
colonisation, la Palestine fut prise à ses habitants. Israël
fête un anniversaire qui marque pour les Palestiniens, celui de
leur catastrophe. De plus, à l'heure actuelle, il n'y a pas de
perspective visible de règlement. Etat des lieux.

Mercredi 14 mai 2008
Il était une fois un peuple ...
une nuit, « les avions sont arrivés et ont bombardé les routes,
puis les tanks sont entrés dans la ville et l’ont occupée. Nous
nous sommes enfuis dans les champs d’oliviers. Je me suis caché
là avec 50 autres personnes »... les témoignages ne manquent pas
et les souvenirs affolent. Souvenirs de journées noire de cette
année 1948. Les choses ont commencé quelques mois auparavant. En
novembre 1947, les Nations-Unies votent le plan de partage d’une
terre qui s’appelait Palestine, l’objectif est de créer un foyer
pour les juifs (lire encadré ci-dessous). La Haganah, bande
paramilitaire sioniste, attaque les villes et villages
palestiniens, expulse une grande partie de la population et en
tue une autre. Les atrocités étaient importantes aussi bien que
les rumeurs les accompagnant. Le massacre du village de Deir
Yassine n’est qu’un simple exemple de ces événements qui ont
précédé la Nakba. « La génération des adultes de 1948 qui avait
combattu au front ou était des officiers de la machine de guerre
israélienne savait plus au moins ce qui s’était passé, mais
avait pour ainsi dire refoulé cette vérité », écrit Benny
Morris, historien israélien, qui précise que « nombreux étaient
ceux qui croyaient encore dans les années 1980 et 90 que
c’étaient les dirigeants arabes qui avaient demandé aux
Palestiniens de fuir ». La théorie d’un exode palestinien «
volontaire » que beaucoup d’Israéliens tentent de véhiculer pour
rejeter le droit de retour des réfugiés Palestiniens. Des
réfugiés qui sont devenus synonyme de la catastrophe ou de la
création de l’Etat d’Israël. C’était un vendredi, il y a 60 ans,
David Ben-Gourion, alors président du Conseil national juif,
proclame la création de l’Etat d’Eretz Israël, 8 heures avant la
fin du mandant britannique sur la Palestine.
Le bruit des avions et des armes
fournis à la Haganah, par les Tchèques ou les Français, s’est
encore prolongé. Des appareils de l’armée survolent les
territoires israéliens et palestiniens, des dizaines de
parachutistes sautent au large d’une plage de Tel-Aviv pour être
ensuite récupérés par des vedettes de la marine. Si ce n’est pas
pour marquer les célébrités de la naissance d’un Etat uniquement
pour les juifs, le bourdonnement des appareils du Tsahal
retentit dans les alentours de la bande de Gaza, à Ramallah,
partout où se trouve la population palestinienne, la Nakba s’est
prolongée. Les scènes et images en noir et blanc trouvent
facilement leurs similaires en couleurs et les témoignages
expressifs de la division du pays et l’expulsion de son peuple
se répercutent d’une génération à l’autre.
Sur un sentier longeant
l’autoroute, les manifestants agitent des drapeaux palestiniens,
en chantant : « Avec notre sang, avec notre âme, nous nous
sacrifions pour la Palestine ... il n’y a pas d’alternative au
droit au retour ». Des milliers d’Arabes israéliens manifestent
pour réclamer le droit au retour sur les terres desquelles ils
avaient été chassés à la création d’Israël.
A Ramallah et pour marquer leur
attachement à leur terres, les Palestiniens ont inauguré un «
camp du retour », abritant une exposition de photos et de
documents retraçant la Nakba, et à Bethléem, des centaines de
Palestiniens ont marché depuis trois camps de réfugiés autour
d’un camion transportant une énorme clé métallique pesant dix
tonnes et d’une longueur de dix mètres, symbolisant
l’attachement de chaque réfugié à sa maison quittée en 1948.
Quelque 760 000 Palestiniens cette année-là ; aujourd’hui avec
leurs descendants, ils sont au total près de 4,5 millions de
personnes. Symbole de la perte de leur patrie parce que si un
peuple est privé de sa terre, son existence même en tant que
peuple est menacée. La volonté de la communauté internationale
de permettre le retour des réfugiés dans le cadre de la
résolution 194 de l’Onu a été complètement ignorée, juste pour
le fait qu’Israël s’y oppose sous couvert qu’il n’existe pas de
place pour les Palestiniens en Palestine. Voire selon un
démographe palestinien Salam Abou-Setta, la plupart des 500
villes et villages palestiniens démolis à l’époque de
l’occupation restent inoccupés aujourd’hui. Ils ont été détruits
et leurs habitants chassés pour des raisons exclusivement
politiques : créer un Etat exclusiviste.
Une Nakba qui se poursuit depuis.
C’est ce qui explique pourquoi les choses en sont arrivées là. A
l’heure actuelle, la négation de l’autre, le Palestinien,
devient de plus en plus courante. Et ce, suite à une série
d’échecs délibérés de tout ce qu’on a imaginé comme processus de
paix et tentatives de règlement. Les guerres se sont suivies :
1956, où Israël a été le partenaire de deux empires coloniaux
sur leur déclin, 1967 où il a élargi son territoire, occupant la
Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, et même le Golan syrien. Une
agression qui a aussi exacerbé les sentiments religieux en
faisant de l’emblématique cité un lieu de conflit politique. Et
les choses se sont poursuivies. Qu’attendre à l’heure actuelle ?
La Cisjordanie ressemble à un bantoustan morcelé par 121
colonies juives et des centaines de barrages militaires.
La « barrière de sécurité »
israélienne est en voie d’achèvement, Gaza qui est aux mains du
Hamas est assiégée, alors que le Fatah règne théoriquement en
maître à Ramallah, en Cisjordanie qui sont sous occupation. Les
espoirs d’un accord de paix et de l’établissement d’un Etat sont
plus minces que jamais, malgré les assurances de
l’Administration américaine qui répète vouloir un règlement du
conflit avant la fin de la présidence de George W. Bush, en
janvier 2009.
Quelques démarches politiques
d’apaisement, un souhait américain de trouver un règlement au
contour vague avant la fin du mandat du président Bush. Rien
n’annonce une lumière au bout du tunnel.
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 14 mai 2008 avec
l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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