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Liban
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Au
bord de l'implosion
Abir Taleb
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Liban
. Les violences entre réfugiés
et forces de l’ordre se sont propagées du camp de réfugiés de
Nahr Al-Bared à celui de Aïn Héloué. Une contagion qui remet
sur le tapis la question des camps palestiniens.
Photo Al-Ahram
Mercredi 6 juin 2007
L’armée
libanaise a accentué cette semaine son offensive contre les
miliciens du Fatah Al-Islam retranchés dans le camp de réfugiés
palestiniens de Nahr Al-Bared. Signe d’une possible extension
des violences, des heurts ont aussi opposé des islamistes armés
appartenant au groupe de Jound Al-Cham, à des soldats libanais à
l’une des entrées d’un grand camp de réfugiés palestiniens,
Aïn Héloué, dans le sud du Liban. Cette fois-ci, c’est un
second groupuscule islamiste, le Jound Al-Cham implanté dans le
camp, qui est à l’origine des combats. Il s’agit d’un
groupe salafiste comme le Fatah Al-Islam, mais à la différence
de ce dernier qui compte des combattants de diverses nationalités
arabes, ses membres sont tous des Palestiniens. Le Jound Al-Cham
entretient des liens avec le Ousbat Al-Ansar, un puissant groupe
islamiste palestinien qui a participé en 2000 à des combats
entre des islamistes et l’armée libanaise à Denniyé, dans le
nord du Liban. Plusieurs de ses membres, qui ont trouvé refuge à
Aïn Héloué, sont recherchés par la justice libanaise. Dans le
même temps, une fusillade a éclaté dimanche au sud de Beyrouth,
dans un autre camp de réfugiés palestiniens.
Il s’agit là des plus graves
affrontements intérieurs qu’ait vécus le Liban depuis la
guerre civile de 1975-1990. La situation semble en effet explosive
au pays du Cèdre. Cette nouvelle crise née dans les camps de réfugiés
s’ajoute à celle, politique, opposant la majorité
parlementaire à l’opposition, notamment chiite. Ni l’une ni
l’autre ne semblent se diriger vers une solution pacifique. Sur
le plan politique, la décision de l’Onu de créer un tribunal
spécial pour juger les assassins de Hariri ne fait que compliquer
la donne (voir encadré). Quant à la crise dans les camps de réfugiés
palestiniens, elle risque, elle aussi, de s’accentuer, et ce
malgré la baisse d’intensité des combats à Nahr Al-Bared. Un
porte-parole de l’armée a affirmé qu’il n’y aurait «
aucune trêve » avec les combattants du Fatah Al-Islam «
jusqu’à leur reddition », alors que le premier ministre Fouad
Siniora a affirmé samedi que la seule issue à cette crise était
la reddition des hommes armés. M. Siniora a en outre accusé le
Fatah Al-Islam, qui reconnaît des affinités idéologiques avec
Al-Qaëda, de « liens avec certains services de renseignements
syriens », ce que Damas dément formellement. Là aussi, les deux
crises s’entremêlent. Le Fatah Al-Islam a réaffirmé de son côté
qu’il ne se rendrait pas et qu’il se battrait « jusqu’à la
dernière goutte de sang ».
Aucune issue au conflit ne semble
ainsi se profiler dans l’immédiat, les protagonistes campant
sur leurs positions et les médiateurs palestiniens ayant suspendu
leurs bons offices.
Une bombe à retardement
Cependant, au-delà de la
possibilité ou non de régler dans l’immédiat cette crise, les
événements de Nahr Al-Bared et plus récemment ceux de Aïn Héloué
ont remis sur le tapis une question hautement épineuse au Liban,
celle des camps de réfugiés palestiniens. Selon l’agence des
Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens, l’UNRWA,
près de 400 000 réfugiés palestiniens vivent au Liban, soit 10
% de la population, 224 000 d’entre eux sont répartis dans 12
camps, dans lesquels s’entassent les descendants de ceux qui ont
fui la Palestine en 1948. Le Liban est parsemé de ces camps du
nord au sud. Certains sont tout petits, comme Mar Elias et ses 1
411 résidents, d’autres sont immenses comme Aïn Héloué, le
plus grand avec 45 000 habitants, ou Nahr Al-Bared et ses 31 023 réfugiés.
En 1982, l’invasion israélienne
et le départ forcé de l’Organisation de la Libération de la
Palestine (OLP) du pays marquent un tournant pour ces réfugiés.
65 % d’entre eux avaient du travail grâce à l’organisation
de Yasser Arafat, qui assurait aussi le financement des structures
sanitaires et éducatives. Depuis, c’est l’agence des
Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens qui assure pour
l’essentiel leur survie et leur éducation. Leur situation
s’est ensuite détériorée au cours des années 1990 pour différentes
raisons. Les services et l’aide de l’OLP se sont arrêtés
depuis les accords d’Oslo en 1993. Jusqu’à cette date, l’OLP
avait pris en charge la presque totalité des besoins quotidiens
des camps. Depuis 1993, cette aide se réduit presque
exclusivement au versement de modestes pensions attribuées aux
familles des martyrs. D’autre part, lors de la guerre du Golfe
de 1991, les milliers de Palestiniens travaillant dans les pays
producteurs de pétrole, dont beaucoup provenaient du Liban, ont
perdu leur emploi et ont été contraints à quitter ces pays. Ce
fut pour les familles restées au Liban un manque à gagner très
important. En outre, l’aide financière versée à l’OLP par
les pays arabes a été fortement réduite en raison du soutien de
l’OLP à l’Iraq, lors de cette guerre. En même temps, les
services assurés par l’UNRWA ont, eux aussi, diminué. Ceux-ci,
dans les différents domaines pour lesquels elle a reçu mandat de
l’Onu en 1949 (aide alimentaire, infrastructures des camps, santé,
éducation), se sont réduits alors même que leur développement
n’avait jamais été aussi nécessaire. Cette situation tient
surtout à la réduction importante du budget global de cet
organisme. Aujourd’hui, les réfugiés craignent que l’UNRWA
ne soit en train de liquider graduellement ses activités. Cela
signifierait que l’Onu a opté pour l’implantation définitive
des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil, et ce en
contradiction avec les résolutions 194 et 302 de l’Onu et la
fameuse question du droit de retour.
De leur côté, les autorités
libanaises, notamment pour éviter que ne soit remis en cause l’équilibre
fragile entre les communautés, évitent par tous les moyens
l’intégration des réfugiés. D’où un certain nombre de lois
restrictives régissant la vie des réfugiés palestiniens. Ainsi,
les Palestiniens au Liban n’ont-ils aucun droit social ni
civique et n’ont qu’un accès limité aux équipements éducatifs
gouvernementaux. Ils n’ont aucun accès aux services sociaux
publics. Ils ne sont pas autorisés à obtenir un permis de
travail pour 72 métiers, dont ceux de médecin, d’avocat ou
d’architecte. Leur est interdit aussi d’amener des matériaux
de construction dans les camps, leurs habitations sont précaires,
insalubres voire dangereuses. Une situation qui place les
Palestiniens dans un état d’extrême précarité : avec 25 %,
Nahr Al-Bared a le pourcentage le plus élevé de réfugiés
palestiniens vivant dans une pauvreté abjecte et officiellement
enregistrés auprès des Nations-Unies comme des cas de « détresse
particulière », alors qu’à Aïn Héloué, le taux de chômage
atteint les 70 %. Dans de telles conditions, il n’est pas
surprenant de voir proliférer dans les camps palestiniens une
certaine sympathie pour Al-Qaëda, voire des affiliations
officielles. Une situation appelée à perdurer tant que le problème
de réfugiés ne sera pas inclus dans un règlement global du
conflit israélo-palestinien.
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