Gaza

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Les
Palestiniens, nouveaux Peaux rouges ?
Ahmed Loutfi
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Gaza.
Les développements actuels où l’Etat juif tente de réinstaller
les Palestiniens hors de Palestine justifient les pires appréhensions.
Témoignages.

Mahmoud Darwich
Mercredi 6 février 2008
La déclaration Balfour de 1917
accordait la promesse de la création d’un foyer juif en
Palestine. Inutile de rappeler que ce fut à l’origine de la création
de l’Etat d’Israël au détriment des Palestiniens. Depuis
1948 jusqu’à présent, la situation de ces derniers ne fait que
s’empirer, perdant au fil des années, des crises et des
conflits, des parties des territoires qui leur restaient jusqu’à
l’heure actuelle où l’on cherche à les cantonner coûte que
coûte n’importe où et à les faire disparaître. L’Occident,
les Etats-Unis en l’occurrence, se prête à ce jeu de dénégation
ou d’aveuglement. En fait, on voudrait bien leur faire subir le
sort de la majorité noire en Afrique du Sud sous l’apartheid ou
même celui des Peaux rouges d’Amérique devenus presque des créatures
de musée. Le poète palestinien Mahmoud Darwich l’a bien
ressenti dans son poème Discours de l’indien rouge. « Ainsi,
nous sommes qui nous sommes dans le Mississippi. Et les reliques
d’hier nous échoient. Mais la couleur du ciel a changé et la
mer à l’Est a changé. Ô maître des Blancs, seigneur des
chevaux, que requiers-tu de ceux qui partent aux arbres de la
nuit. Elevée est notre âme et sacrés sont les pâturages. Et
les étoiles sont mots qui illuminent ... Scrute-les. Tu y liras
notre histoire entière. Ici, nous naquîmes et sous peu nous renaîtrons
dans les nuages au bord du littoral azuré », (Traduction
d’Elias Sanbar, Revue d’études palestiniennes, numéro 46,
hiver 1993).
Ce maître blanc qui régimente la
région a-t-il eu le moindre sentiment humain à l’égard de ces
nouveaux Peaux rouges ? Que leur faut-il ? « Il vous manquera, ô
Blancs, le souvenir du départ de la Méditerranée et vous
manquera la solitude de l’éternité dans une forêt qui ne débouche
point sur un abîme, et la sagesse des brisures. Et il vous
manquera une défaite dans les guerres ... ».
Cette assimilation des Palestiniens
aux Indiens d’Amérique n’est pas simplement une image littéraire.
L’Amérique n’est-elle pas impliquée dans toutes sortes de
partages et de compromis ethniques en Iraq ? Ne veille-t-elle pas
à remodeler la carte du Moyen-Orient où prédominerait Israël
et tous les autres deviendraient des vassaux ? Les Palestiniens
qui sont déjà les premiers sacrifiés ne devront espérer que
des bantoustans ou des réserves.
Cette poésie est un reflet du réel
et l’imaginaire n’y joue aucun rôle. Ce témoignage publié
dans Revue d’études palestiniennes, 2007, est bien significatif
: « Il y a des conséquences réelles lorsqu’on est apatride et
faible. Pendant deux ans, j’ai été incapable de rentrer chez
moi à Gaza. En 2006, j’ai été bloquée dans le Sinaï avec
mes deux petits enfants, incapables de franchir la frontière fermée
entre l’Egypte et la bande de Gaza. C’est peut-être de la
folie de vouloir entrer dans cette prison, mais c’est là où
vivent ma famille et mes proches. J’ai finalement abandonné.
L’été dernier, j’ai essayé et échoué.
Pourtant, ma destination finale
n’est pas Khan Younis, mais Beit Daras. C’est fondamentalement
injuste — même après toutes ces années — que le monde se
tienne aux côtés et approuve la décision prise par Israël
d’exproprier les terres de ma famille.
Et c’est fondamentalement raciste
de penser que je pourrais poser une menace pour Israël si je
devais revenir dans le village de ma famille (ce que je ferais si
j’en avais l’option). La notion d’un Etat juif qui doit
toujours conserver un caractère juif — de sorte que les
personnes d’autres origines ethniques ne puissent pas vivre dans
leurs foyers ancestraux et que les groupes de minorités soient
traités comme des citoyens de seconde classe — est
effroyablement similaire à la situation de l’apartheid en
Afrique du Sud, où les différents groupes ethniques étaient
traités de façon inégale en vertu de la loi.
Si les Noirs et les Blancs
d’Afrique du Sud ont pu résoudre leurs divergences sur la base
de l’égalité, pourquoi est-il inopportun d’insister sur le
fait que les Israéliens et les Palestiniens fassent la même
chose ? Assurément, tous les concepts modernes de la justice et
de l’égalité devraient décrier un système qui place les
juifs au-dessus des Palestiniens.
Ces deux peuples ont énormément
souffert au cours des dernières décennies. Cependant, une
solution ne viendra pas par les puissants qui dictent les règles
aux faibles, mais par une insistance sur l’égalité entre les
deux peuples ». Son auteure est Ghada Ageel, une réfugiée
palestinienne de troisième génération. Elle a grandi dans le
camp de réfugiés de Khan Younis dans la bande de Gaza et elle
enseigne aux Etats-Unis.
Racisme et dénégation. Darwich le
dit bien :
« Je suis l’une des voix de la
fin
Je me jette de mon cheval au
dernier hiver
Je suis l’ultime soupir de
l’Arabe ».
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 6 février 2008
avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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