Al-Ahram Hebdo
Israël sème la
zizanie
Aliaa Al-Korachi

Photo Al-Ahram
Mercredi 5 août 2009
Nil.
L’Etat hébreu, qui convoite l’eau du Nil,
contribuerait à l’attitude des pays riverains à l’égard de
l’Egypte. Coupe du monde 2006. Un
but est marqué qui assure au Ghana sa présence dans la suite de
la compétition. Les joueurs au stade exultent ainsi que tous les
Africains, y compris les Egyptiens qui suivaient le match.
Soudain, on voit le drapeau israélien brandi par deux joueurs de
l’équipe du Ghana, John Panstil et Emmanuel Pappoe. Un acte qui
a suscité la critique du monde et a poussé l’équipe à s’excuser.
Mais selon les observateurs, cet acte ne passe pas à la légère.
Il n’est qu’un symbole de la pénétration israélienne qui prend
de l’ampleur dans plusieurs pays africains.
Des analystes voient dans la position assez
aiguë des pays du Bassin du Nil une influence israélienne. Quel
intérêt pour Israël dans un tel rapprochement ? C’est au premier
lieu l’eau du Nil qui suscite la convoitise de l’Etat hébreu.
Voir l’eau du Nil couler sur ses territoires
est le grand rêve israélien.
En fait, l’eau est un enjeu déterminant pour
Israël pour contrer l’aridité de son territoire. Il a cherché
toujours à récupérer un maximum d’eau, provenant notamment des
fleuves frontaliers. Selon la Banque mondiale, 90 % de l’eau de
la Cisjordanie est utilisée au profit d’Israël, les Palestiniens
ne disposant que des 10 % restant.
Mais quand il s’agit de l’eau du Nil, la
situation est différente. L’Etat hébreu n’oublie jamais sa
doctrine qui dit que sa terre promise s’étend du Nil à
l’Euphrate. Des tentatives qui ont commencé tout de suite après
la création d’Israël. C’est au lendemain des accords de Camp
David entre Le Caire et Tel-Aviv, en 1979 qu’Israël avait
présenté beaucoup de projets pour obtenir une part de l’eau du
Nil ; mais ils ont toujours eu une fin de non-recevoir. Des
tentatives remontant aussi plus loin dans l’Histoire. En 1903,
Théodore Hertzel, fondateur du mouvement sioniste, a présenté
aux autorités britanniques un projet d’implantation des juifs au
Sinaï et le transfert de l’eau du Nil vers cette ville. L’idée
fut abandonnée après la première guerre mondiale.
En 1974, un autre projet présenté, connu par
le nom de son ingénieur Eliasha Kalli qui a demandé le transfert
de 840 millions de m3 par an à Israël à travers le lac d’Isamaïliya.
Et quand Anouar Al-Sadate a proposé, en 1979, le « canal de la
paix », ce projet fut réfuté par l’opinion publique et les pays
africains. L’Egypte a déclaré à ce moment qu’elle n’avait pas le
droit de céder l’eau du Nil sans l’approbation de tous les pays
africains. Et cette approbation, c’est ce que qu’Israël cherche
aujourd’hui chez les pays du Bassin.
Selon Helmi Chaarawi, directeur du Centre
d’études arabes et africaines, Israël est pointé du doigt
d’animer, de temps à autre, le débat autour de la répartition de
l’eau du Nil.
Les pays même qui réclament la révision de la
Convention de 1929 sont des pays africains connus pour avoir des
relations étroites avec Israël, comme le Kenya, la Tanzanie,
l’Ouganda et surtout l’Ethiopie.
« L’Etat hébreu implante dans les cerveaux
des Africains que l’Egypte vole l’eau du Nil ».
Des propos qui influencent ces pays,
notamment que les aides israéliennes ne discontinuent pas à
l’heure où le rôle égyptien se restreint dans le continent. «
Israël réussit à choisir les domaines de coopération avec ces
pays qui lui permettent d’être proche des hautes sphères. Il
forme les troupes d’escorte de plusieurs présidents africains,
leur apporte des soins médicaux et choisit les domaines de
coopération technique de pointe qui leur accorde de grands
privilèges sans coût élevé », relève le journaliste égyptien
Makram Mohamad Ahmad, journaliste.
Il se trouve partout. De sorte qu’il est
considéré aujourd’hui le pays numéro 11 dans le Bassin du Nil.
Il y présente des aides de toutes formes, éducation, santé et
dans les domaines militaires. Quant aux projets hydriques,
l’Etat hébreu est toujours présent. Il a financé l’édification
de beaucoup de barrages dans ces pays. 3 barrages au Congo et
Ghana. 3 autres en Ethiopie. Un traité d’irrigation avec
l’Ouganda depuis 2000.
Il présente même des aides techniques et des
études dans le domaine d’irrigation et d’agriculture pour ces
pays. Quant aux échanges commerciaux, ils sont aussi de taille.
La vente de l’eau
Le pire dans cette affaire c’est l’idée à
laquelle Israël appelle, de considérer l’eau comme une denrée
qu’on peut commercialiser. D’être exposé à la vente et l’achat
comme le pétrole.
Selon Chaarawi, « cette idée israélienne
trouve des échos à la Banque mondiale. Si elle voit le jour, ce
sera une vraie catastrophe pour l’Egypte. A ce moment, Israël
sera le premier pays qui va acheter. Et les pays africains qui
souffrent des conditions économiques difficiles, et où l’eau du
Nil se trouve en abondance et sans utilisation, ne vont pas
refuser la vente ». Pour l’Egypte, l’eau du Nil est l’axe
stratégique de sa sécurité, Israël peut exercer facilement des
pressions sur l’Egypte. Et aussi, cela va représenter un fardeau
économique pour l’Egypte qui va être aussi obligée d’acheter
l’eau du Nil des pays du source.
Unifier la position des pays du Bassin
devient aujourd’hui difficile, tant qu’Israël se trouve toujours
à l’arrière.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 5 août 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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