Faire revenir la Russie et la Chine
sur leur position de soutien à la Syrie
est l’objectif majeur que le camp
américain cherchait à réaliser depuis le
double véto qui a bloqué au Conseil de
sécurité un projet de résolution visant
à condamner le régime syrien.
Diverses sortes de pressions ont été
exercées et même des pays comme l’Arabie
saoudite et le Qatar qui ont cru à un
moment pouvoir faire plier ces deux pays
en jouant la carte des dangers
qu’encourront les intérêts russes et
chinois dans la région arabe.
Se heurtant à la réalité traduite par
l’attitude inébranlable de la Russie,
les ennemis de la Syrie ont eu recours à
leur arme dont l’usage est devenu
coutumier ces dernières années : Le
mensonge.
Plusieurs allégations émanant de
responsables occidentaux après la
conférence de Vienne ont laissé entendre
que les Russes étaient favorables à une
solution comprenant le départ du
président syrien, ce qui a été
promptement nié par des hauts
responsables russes.
A leur tour, des opposants Syriens
qui ont rencontré des responsables
russes à Moscou ont affirmé, il y a
seulement quelques heures, que la Russie
leur a fait savoir qu’elle ne tient pas
au régime syrien, ce qui de toute
évidence sera nié ou tout simplement
ignoré par les Russes.
De toute évidence car, pour ces derniers
comme pour les Chinois, et c’est déjà
chose bien connue, la position russe et
chinoise n’est pas déterminée par le
désir de protéger la Syrie ou le régime
syrien en tant que tels, mais plutôt par
leur ferme volonté de soutenir la Syrie
qui d’ores et déjà représente l’une des
principales frontières de confrontation
entre l'Otan et l’Organisation de
coopération de Shanghaï.
Cette organisation économique,
politique et militaire qui réunit - à
côté des deux superpuissances russe et
chinoise- plusieurs pays d’Asie centrale
et qui tend à intégrer
des pays pesants sur la scène régionale
et internationale, comme l’Inde et
l’Iran, paraît déterminée à mettre fin,
dans la perspective d’un monde
multipolaire, à l’unipolarité
monopolisée par les Etats-Unis depuis
l’effondrement de l’Union soviétique.
Dès son arrivée au pouvoir une
dizaine d’années après la chute du bloc
socialiste, Vladimir Poutine, considéré
par les Occidentaux comme un véritable «
renard rouge » et connu pour avoir
assumé pour une longue période de hautes
responsabilités au sein du KGB
soviétique, a multiplié les gestes de
mécontentement vis-à-vis du suivisme de
son prédécesseur, Boris Eltsine, et de
l’humiliation avec laquelle la Russie
est traitée par Washington et ses alliés
occidentaux.
Au moins cinq ans avant la crise
actuelle en Syrie, et dans le célèbre
discours qu’il a prononcé à la
conférence de Munich sur la sécurité en
février 2007, le président russe
Vladimir Poutine a tenu à affirmer que «
la gouvernance unipolaire est illégitime
et immorale».
Avec les boucliers anti-missiles,
l’expansion de l’Otan dans les pays
ex-soviétiques, les bases militaires
américaines autour de la Russie et le
soutien occidental aux opposants russes,
il est clair que les Etats-Unis
cherchent à encercler la Russie en vue
de l’étouffer.
Idem pour la Chine. Les Etats-Unis
possèdent des bases militaires
s’étendant du Japon jusqu’à Singapour,
nouent des alliances et procèdent à des
manœuvres militaires conjointes avec
plusieurs pays de la région. Ils sont
actuellement en train de renforcer leur
présence militaire en Australie et ils
n’épargnent pas leur soutien aux
dissidents chinois et aux mouvements
séparatistes au Tibet et au Xinjiang.
Bref, et c’est le président américain
qui l’a dit dernièrement: « Etre présent
en Asie-Pacifique est tout en haut de ma
liste de priorités ». Des priorités qui
sont aux antipodes des priorités
chinoises dans leur propre environnement
régional.
Le soutien de la Russie et de la
Chine à la Syrie s’inscrit donc dans le
cadre de la confrontation en cours entre
deux blocs qui se disputent le
leadership à l’échelle mondiale et les
responsables des deux pays n’ont cessé
d’affirmer d’aller jusqu’au bout dans
leur opposition aux tentatives visant à
déstabiliser la Syrie et, par
conséquent, à affaiblir la résistance
régionale et mondiale aux projets
américains.
Un indice de taille sur la fermeté
des positions russe et chinoise a été
donné par la secrétaire d’Etat
américaine, Hillary Clinton, elle-même :
De la tribune de la quatrième conférence
dite des « Amis de la Syrie » réunie
dernièrement à Paris, elle a accusé la
Russie et la Chine d’entraver le
règlement du conflit syrien, renvoyant
ainsi dos à dos les mensonges des
opposants syriens et du ministre
français des affaires étrangères,
Laurent Fabius, qui ont évoqué une
soi-disant disposition russe à renoncer
à son soutien au régime syrien.
Un autre indice beaucoup plus
significatif : Clinton a promis une «
correction » à tous ceux qui ont soutenu
le régime syrien.
C’est une autre histoire. Mégalomanie
d’une superpuissance en chute libre sur
tous les plans. Mais elle prouve une
fois de plus que le conflit à
l’intérieur et autour de la Syrie fait
partie intégrante du conflit, plus
vaste, entre les forces émergentes de
liberté et d’indépendance et celle du
néo impérialisme agonisant.
Elle prouve aussi et surtout que la
Syrie -dont la seule faute est d’avoir
stoppé la soumission arabe généralisée
aux dictats israélo-américains- joue un
rôle déterminant dans la construction
d’un monde meilleur sur les ruines de
l’arrogance régionale et mondiale.