Opinion
Tunisie : la
«solution» tarde
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Samedi 30 juin 2012
Ce
que nous pouvons observer sur la scène
tunisienne, en particulier, n'est rien
moins que le résultat de l'impréparation
des Frères à gouverner. Ont-ils jamais
pensé à le faire ? Pour comprendre, il
faut se rappeler qu'ils n'ont jamais eu
une ligne programmatique, en dehors du
discours religieux et de l'analyse
critique du mode de vie, sous la loupe
des préceptes islamiques. Les voici,
aujourd'hui, à la place des gouvernants
«mécréants», qu'ils sont tenus de
remplacer au pied-levé, en donnant la
preuve qu'ils portent réellement la
«solution» à tous les maux de la
société. Cette «solution», dont ils ont
gavé les foules quand, dans
l'opposition, ils pouvaient déverser les
anathèmes sans devoir expliquer en quoi
le sous-développement, le chômage ou les
inégalités et les injustices économiques
et sociales seraient le fait de la
transgression des lois divines.
Confrontés, eux-mêmes, aux défis de la
gouvernance et à la demande sociale, ils
se rendent compte qu'ils doivent se
préparer à répondre de leurs promesses,
qu'ils ne tiendront pas et qu'ils ne
peuvent absolument pas tenir. Sur ce
plan, pour s'en convaincre, il suffit de
constater qu'Ennahda ne fait que tenter
de remettre en service ce que le pouvoir
de Zine El Abidine Ben Ali assurait avec
plus de réussite. De «solution» miracle,
il n'y a même plus l'évocation, sauf
peut-être cette poudre aux yeux, qui est
l'encouragement de la «finance
islamique», censée résoudre les
problèmes les plus épineux, tentative
aussi dérisoire qu'inepte, face à la
grave dégradation structurelle de
l'économie. Preuve, encore, que les
Frères ne peuvent, ne veulent, ni n'ont
l'intention de s'attaquer aux causes
essentielles de la misère et de
l'exclusion de millions de citoyens. Ils
s'agitent donc comme ils peuvent quitte
à se couvrir de ridicules. Leur dernière
trouvaille est d'offrir le «paradis
tunisien» aux citoyens des pays voisins,
qui n'ont plus l'obligation de présenter
un passeport aux frontières, qui auront,
désormais, le droit d'accès à la
propriété et même d'élire les maires.
Une façon d'imposer unilatéralement le
démantèlement des frontières. Pour tout
dire, cette mesure est une ficelle trop
grosse pour ne pas trahir un amateurisme
désarmant. Les Frères et leurs comparses
croient pouvoir exporter le trop-plein
de chômeurs, en escomptant des mesures
de réciprocité des pays nord-africains,
économiquement mieux lotis et
socialement plus stables. La réaction de
la rue tunisienne est moins optimiste
sur le sujet, elle appréhende plutôt le
déferlement d'aventuriers de tout
acabit, de harraga attirés par la
proximité des côtes italiennes ou pire
de «djihadistes». A l'extérieur, malgré
l'absence de commentaires officiels, on
peut deviner que le résultat en sera un
coup supplémentaire porté à la
crédibilité, déjà fort entamée, d'un
pouvoir qui multiplie erreurs
d'appréciation et bourdes diplomatiques,
car on voit mal les autorités marocaines
ou algériennes accepter de se faire
forcer la main de cette manière et ne
pas être offusquées par l'insolence,
voire l'arrogance caractérisée, d'un tel
geste.
Article publié sur
Les Débats
Copyright ©
2001-2011- MAHMOUDI INFO Sarl - Tous
droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour

|