Opinion
La répression
démocratique
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Samedi 27 août 2011
Depuis que
l'Homme a commencé à comprendre les
phénomènes qui l'entourent, il a su que
les mêmes causes produisent les mêmes
effets. Il en est de la nature comme des
sociétés humaines. Il y n'y a pas si
longtemps, dans le grand cours de
l'Histoire, il y avait à Lyon en France
des ouvriers tisserands qu'on appelait
les Canuts. Ils étaient forts peu
dociles et avaient la fâcheuse
propension à se révolter dès qu'ils se
sentaient lésés. Après l'une de leur
révoltes, un certain Saint-Marc Girardin
écrivait dans le «Journal des Débats»,
en décembre 1831, que «les
barbares qui menacent la société ne sont
point dans le Caucase ni dans les
steppes de la Tartarie, ils sont dans
les faubourgs de nos villes
manufacturières». C'était aussi le temps
de grands problèmes économiques. En ce
temps c'était le début pour la France
des expéditions coloniales. Il y avait
des «barbares» à civiliser, dont les
terres ne seraient pas de refus.
Aujourd'hui, que ce pays, avec d'autres,
repart (civiliser) démocratiser en terre
africaine, on fait état de possibilités
dont se dotent les pouvoirs publics
contre les «émeutes plus que probables»
en Europe. Pour ce faire, la
Gendarmerie, force militaire, est placée
sous l'autorité du ministre de
l'Intérieur afin d'augmenter
«l'intensité de la force» à utiliser en
cas de besoin. Dans le même temps, une
rumeur (on n'en parle pas
officiellement) qui n'est pas une rumeur
révèle que le tir à balles réelles sur
des manifestants est remis au goût du
jour. Et pour qu'il soit plus efficace,
un décret publié discrètement le 1er
juillet inclut dans la liste des armes
utilisables par les forces de l'ordre l'Ultimat
Ratio, un fusil à répétition de
précision et de calibre 7.61 x 51 MM.
Une arme de guerre destinée aux
tireurs d'élite. A l'échelle européenne
on s'organise en conséquence, avec la
mise en place et le renforcement d'un
corps de répression chargé de parer aux
troubles qui se profilent et dont les
prémices grecques et britanniques sont
les signes avant-coureurs. Sans compter
le mouvement des indignés qui compte
marquer la rentrée sociale par une
grande démonstration de force à
Bruxelles. Aux Etats-Unis, où le simple
fait de grève peut passer pour une
atteinte à la sécurité nationale, la
rigueur du dispositif de répression est
de notoriété publique. Alors on se
trouve devant un véritable paradoxe qui
fait que les mêmes qui engagent une
dynamique de restrictions drastiques des
libertés, chez eux, développent une
frénésie démocratique à l'égard des pays
de la périphérie, quitte à leur
enfoncer le principe à coups de bombes.
«Manifs : ils pourront nous tirer comme
des lapins», s'alarment les plus
conscients qui savent pertinemment que,
en plus de la précarisation de l'emploi,
des attaques massives et impitoyables
vont détruire l'essentiel du pouvoir
d'achat et du niveau de vie de dizaines
de millions de personnes qui n'ont que
leur force de travail à vendre pour
vivre. Pendant que quelques «pour
cent» de la population verront leurs
fabuleux revenus protégés. Un peuple
récemment démocratisé, pas tout à fait
européen, qui voulait l'être, découvre
les bienfaits que procure la
libéralisation. En l'espace d'une
vingtaine d'années, en Ukraine, où tout
le monde était salarié, 100 personnes
seulement sur 45 000 000 d'habitants
sont arrivées à s'approprier des actifs
qui valent 61% du Produit intérieur brut
(PIB). Elle est efficace l'économie de
marché, mais elle a besoin de beaucoup
de violence et pour s'installer et pour
se protéger.
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour

|