Opinion
Nos prénoms sont
autorisés
Ahmed Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Samedi 27 juillet 2013
Une liste
" pas définitive " de prénoms amazighs,
c'est-à-dire de prénoms bien de chez
nous qui nous relient à notre histoire,
à travers elle à nos ancêtres, à notre
culture, à nos racines, vient d'être "
validée " par le ministère de
l'Intérieur. Il y en a 300 en tout que
des spécialistes ou des fonctionnaires
(disons commission) ont choisis entre
1000 prénoms préalablement listés par le
Haut Commissariat à l'Amazighité (HCA).
C'est toujours de gagné, pourrait-on
dire, malgré le mystère qui entoure
l'exclusion des 700 autres. Au moins, il
ne sera plus donné à un quelconque
obscur gardien, convaincu de préserver
les " valeurs ", de refuser à des
parents ces prénoms homologués et
estampillés par l'administration. Ce qui
se faisait du haut de ce pouvoir
occulte, conférée par une hégémonie
immanente, indéfinie, qui autorisait
l'ostracisme envers ce qui était "
subversif " ou "contraires" à des règles
non écrites. Ainsi ce minimum syndical a
été obtenu, qui a ouvert une brèche dans
le mur dressé contre une expression de
la personnalité de base algérienne, en
particulier, et nord africaine en
général. Alors que se posent de grosses
questions. La première réside dans le
pourquoi d'une nomenclature quand tous
les autres prénoms, qui font florès, ne
sont pas soumis à la même procédure. La
deuxième concerne la légalité d'une
telle démarche quand aucune source de
loi n'a défini les critères qui obligent
les prénoms à une validation, même si on
remonte, aussi loin que nos
connaissances le permettent, dans notre
passé. La troisième a trait à la
permissivité dont bénéficient beaucoup
de prénoms, à consonances " pas de chez
nous " (turcs, slaves, persans…), admis
comme éligibles et sans qu'il soit noté
un seul refus. La quatrième question
interpelle sur les causes de la
persistance d'une telle
particularisation de notre patrimoine
anthroponymique, après qu'il soit
désormais officiellement reconnu que les
Algériens sont bien des Amazighs, (même
si " arabisés par l'Islam "). Là surgit
une inquiétude de taille. Rien ne serait
concrètement établi. La réalité des
choses est qu'il y aurait juste un recul
devant l'évidence des choses, accompagné
non pas du démantèlement des entraves
politico-idéologiques, mais de la mise
en place d'un système de régulation de
l'irruption de la culture ancestrale
dans l'espace. Un système qui permet de
garder sous haute surveillance ce qui
est visiblement toujours considéré comme
une menace contre le " moule "
officiellement décrété, en matière de
référents aux constituants civilisationnels de la Nation. Ce
faisant, la thèse de la nature
perturbatrice de l'amazighité sur la
cohésion sociologique du pays, est
toujours de mise. Reste à situer les "
lieux " systémiques et les déterminants
de cette vision. Une certitude,
cependant, la crainte épidermique de
mettre en danger l' " arabité " et l' "
islamité " est patente. Une crainte de
voir déferler le passé contenu en deçà
du 7ème siècle, origine politisée de
notre histoire. Que de réajustements
cognitifs dans l'imaginaire collectif
cela induirait ! Dérisoire attitude qui
finira bien par être balayée.
Article publié sur
Les Débats
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