Opinion
Chypre qui pleure,
Chypre qui rit
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 25 mars
2013
Chypre
devait connaître la félicité, c'est ce
qui était prévu. Le pays a tout fait
pour accéder à l'Olympe européen,
sanctuaire des dieux de la prospérité et
du développement économique et social,
de la démocratie aussi. Il a gravi
toutes les marches, jusqu'en haut, et
réalisé l'exploit de faire partie
intégrante de l'Union européenne.
Rappelons quelques données historiques.
Chypre et sa capitale, Nicosie, sont
coupées en deux, après l'occupation du
sud de l'île par la Turquie, en réponse
à un coup d'Etat visant à la rattacher à
la Grèce. Ainsi, nous avons une Chypre
du Nord et une Chypre du Sud (seule
reconnue par l'ONU). En 2004, l'ensemble
de l'île est admise dans l'UE, car il
était prévu une réunification, mais
suite au rejet du projet par le Sud
majoritaire, le Nord est resté en
dehors, assistant dépité au jackpot du
Sud. Cette déception va pourtant être de
courte durée et c'est au tour du Sud de
se mordre les doigts de s'être engouffré
dans l'enfer néolibéral. Malgré tous les
efforts faits, malgré une obéissance
sans failles aux directives de
Bruxelles, il est en état de «faillite»,
selon les critères d'appréciation de
l'Union européenne et de sa BCE. Alors,
Chypre doit obtempérer aux ordres. Le
premier était d'effectuer des
prélèvements à hauteur de 6,75% sur tous
les dépôts bancaires de 20 à 100.000
euros et de 9,9% au-dessus. Le but est
de réunir assez d'argent nécessaire au
remboursement de la dette. En bon
exécutant, le gouvernement a ordonné la
fermeture des banques pour empêcher les
détenteurs de comptes de retirer leurs
économies. Heureusement, pour ces
derniers, que le Parlement s'est
prononcé contre la mesure. Les banques
resteront tout de même fermées, jusqu'à
demain mardi au moins, dit-on. Elles le
sont depuis plus d'une semaine.
Entreprises et particuliers ne pouvant
effectuer aucune opération, nous pouvons
imaginer la détresse des plus démunis,
des salariés qui attendent leur paye...
Un véritable hold-up, selon n'importe
quel critère, allait se commettre, mené
par les instances dirigeantes des
«citadelles de la démocratie».
Opportunément, le président russe,
Vladimir Poutine, évoque «une
expropriation inédite» et rappelle :
«Nous vivons au XXIe siècle dans
l'économie de marché et nous insistons
pour que les règles, qui concernent le
droit à la propriété privée, soient
respectées.» Venant de lui et
s'adressant aux chantres du capitalisme,
ces mots sont chargés de sarcasme.
Irrité par la résistance des députés
chypriotes, l'UE maintient ses
injonctions et menaces, tout en
«réfléchissant à un plan B» qui serait
connu aujourd’hui lundi. Le pire est à
venir. Coincé et peu décidé à désobéir,
le pouvoir chypriote envisage de
s'attaquer aux fonds de pension,
c'est-à-dire aux retraites, qu'il compte
ponctionner. Au nord, les autres
Chypriotes, qui n'ont pas eu le
privilège de subir les affres
européennes, se disent qu'ils doivent
être forts chanceux. Un journaliste de
l'Agence France presse rapporte que «la
vie suivait son cours normalement…pour
les Chypriotes-Turcs du Nord de l'île
méditerranéenne, loin de la tourmente
financière dans laquelle étaient plongés
leurs ‘’cousins’’ du Sud, qui les ont
maintenus sous embargo et hors de
l'Union européenne». Etonnante
situation, si l'on s'en tient à la
religion professée par certains.
Article
publié sur
Les Débats
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