Opinion
Al-Bouti : la
presse atlantiste paraphe le crime
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 24 mars
2013
Les organes
de propagande de l'Alliance atlantique
ont paraphé l'assassinat du cheikh
Mohammad Saïd Al-Bouti, alors même que
le «chef de l'opposition syrienne» l'a
condamné et l'a qualifié de «crime à
tout point de vue», un aveu sous
entendu, en passant, que «ses troupes»
ne sont pas forcément sous ses ordres,
comme elles devraient l'être selon le
principe de «Coalition». C'est l'AFP qui
donne le ton en catégorisant ainsi le
cheïkh : «le plus célèbre dignitaire
religieux sunnite pro-régime». Les
autres abondent sur le même registre,
«un important dignitaire religieux
pro-régime», nous dit le Monde,
l'Express est plus copier-coller avec
une reprise mot à mot de l'AFP, la BBC y
va de son «the most prominent Sunni
supporters of Syria's President Bachar
Al-Assad» et ainsi de suite. Un site
musulman, saphirnews, est plus explicite
: «Il était une des rares personnalités
sunnites du pays à s'être rangées aux
côtés du président Bachar Al-Assad,
accusé de crimes contre le peuple syrien
depuis deux ans». L'objectif étant de
justifier le meurtre et rien de plus.
Car, en Syrie, les citoyens n'ont pas
d'autre choix que d'être soit»pro-régime»
soit «pro-opposition», pas n'importe
laquelle, soulignons-le, il faut qu'elle
obéisse aux caractéristiques énoncées
par les «Amis du peuple syrien». Sinon
elle sera définie en conséquence, en
tant qu' «opposition tolérée» par le
régime. Al-Bouti a de plus le défaut de
ne pas être d'accord avec la destruction
de l'Etat syrien et d'appeler au
dialogue. Il est, de ce fait, passible
de mort, en tant que «pro-régime»,
c'est-à-dire «pro-répression»,
c'est-à-dire un «criminel». Son tort
réel est de constituer un sérieux
barrage sur le terrain religieux,
plate-forme privilégiée et fondamentale
des Frères musulmans et autres
politico-islamistes. Sa notoriété, son
rayonnement, son verbe sans concessions
étaient de redoutables obstacles devant
les chouyoukh engagés dans la
«printanisation». Il fallait qu'il
disparaisse. C'est fait, il ne fera plus
de causerie à la «télévision
officielle», autre chef d'inculpation
repris quasi-systématiquement, il
laissera le monologue des chouyoukh se
déployer à loisir, sans contradicteur,
sur Al Jazeera, Alarabiya et les canaux
du même acabit, qui n'ont pas le défaut
d'être, comme il est admis, des
«télévisions officielles», mais des
tribunes «libres» mobilisées pour la
«démocratie», les «droits de l'homme» et
contre les «dictatures». Al-Bouti s'est
donc tu, ce qui représente «un nouveau
coup dur pour le pouvoir de Bachar Al-Assad»,
nous dit l'AFP. Une autre façon de
confirmer la «légitimité» de sa mort.
Dans la jubilation autour de
l'événement, il n'y a eu aucune place
réservée au minimum d'humanité
ordinairement requis, en pareilles
circonstances. Au-delà de l'atteinte à
la vie d'un homme, il y a ces dizaines
de victimes, peut-être «collatérales»,
qui ne suscitent pas la moindre
compassion, encore moins une
dénonciation. Dont acte inscrit au front
des défenseurs des droits humains et sur
le vade-mecum d'une presse qui, pour le
moment, exerce son hégémonie sur
l'opinion internationale.
Article
publié sur
Les Débats
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