Opinion
«Lutte de classes»
en Syrie
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 21 octobre
2012
Il était
généralement admis que, dans leur
majorité, les principaux adversaires des
agressions impérialistes se recrutaient
dans les courants dits de gauche,
c'est-à-dire dans les milieux à
obédience communiste ou marxiste en
général. Pourtant, depuis l'entreprise
de destruction de la Libye par l'OTAN,
cette donnée s'est inversée et la
«gauche», exceptée une minorité
d'irréductibles, s'est alignée sans
hésiter sur les thèses
«révolutionnaires» otaniennes, avant de
se mettre à produire quelques analyses
en support à son engagement, d'abord aux
côtés de l' «unité d'action» entre les «thouar»
libyens et l'armée atlantiste, ensuite
aux côtés des CNS/ASL/Hillary Clinton/
Sarkozy-Hollande/ Hammad/ Erdogan et
tutti quanti. La dernière livraison, en
termes de cogitation, nous la trouvons
dans une «Déclaration de la coalition de
la gauche syrienne», parrainée par le
Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
Afin de ne pas compliquer la
compréhension de la démarche, ne
cherchons pas à nous arrêter sur
l'identité des auteurs qui seraient des
militants «luttant à l'intérieur même de
la Syrie ou à l'extérieur» ou sur leur
capacité de coordination et d'action. En
nous en tenons au texte, on apprend que
ses auteurs en sont à peine à devoir
«déterminer (leur) rôle dans la
révolution actuelle, en tant que
marxistes révolutionnaires, étroitement
attachés aux classes populaires,
défendant ces dernières et œuvrant pour
que ce soient elles qui gouvernent». Sur
le terrain, les protagonistes les
attendront, peut-être, pour leur
permettre d'imprimer la «conscience»
qu'il faut aux combattants, fourvoyés
dans les plans étatsuniens pour le pays.
Cet espoir vient du fait que nos
analystes pensent dur comme fer que «la
lutte (en cours) est une lutte de classe
par excellence». La raison qui n'est pas
formulée en serait que les révoltés sont
recrutés dans les catégories sociales
paupérisées par les mesures scélérates
néolibérales du pouvoir, comme si la
chair à canon pouvait être pourvue par
les nantis. Les bannières sous
lesquelles ils se battent importent peu
ou risqueraient de compromettre
l'analyse, parce que nos «marxistes
révolutionnaires» sont certains que
cette lutte «ne s'arrêtera pas (…) parce
que sans modifier le modèle économique,
cette autorité servira une nouvelle
mafia et ne mettra pas les bases d'un
Etat véritablement démocratique». Ce qui
signifie qu'il est possible – en l'état
actuel de la conscience de classe des
insurgés et des effectifs, mobilisables,
par les signataires de la «Déclaration
de la coalition de la gauche
syrienne»–de provoquer une transmutation
de l'insurrection dirigée, armée et
financée par l'OTAN et ses supplétifs,
en révolution socialiste. En plein
délire, ils croient en leur «rôle dans
l'activation du conflit et le
développement de la révolution afin
d'inclure toutes les classes
populaires». Tant pis si pour le moment,
ils en sont à «réfléchir sur tous les
moyens qui permettent le développement
de l'insurrection, en organisant les
mécanismes de son activité et en
définissant les slogans qui expriment
vraiment les réclamations des classes
populaires». Tant pis, encore et
surtout, si objectivement on est en
train de renforcer le camp de la
coalition impérialiste, pour autant
qu'elle en ait besoin. Concluons pour
dire que décidément le confort
intellectuel, offert par le statut de
«l'exil politique», permet toutes les
dérives.
Article publié sur
Les Débats
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