Opinion
Egypte : la
quadrature des Frères
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 21 juillet 2013
Quelle que soit l’issue de
l’affrontement actuel, les Frères
musulmans égyptiens n’en sortiront pas
indemnes. En montant à l’assaut du
pouvoir, ils n’ont certainement pas
mesuré les difficultés qu’ils allaient
rencontrer, ni les risques qui s’en
suivraient. Ils ont certainement été
grisés par l’euphorie que ce
« printemps » leur procurait et, plus
prosaïquement, par le soutien des
Etats-Unis accompagnés de l’Union
européenne et des monarchies
pétrolières. La marche semblait
triomphale et sans encombre, d’autant
que l’ensemble de la Confrérie semblait
promue à étendre son emprise partout
chez les arabes et assimilés. Mais plus
grande fut la désillusion. L’épreuve du
pouvoir a été cauchemardesque. Il y a
beau dire que c’est l’armée qui a
destitué Mohamed Morsi, il faut admettre
en dernière instance que ce fut
l’écrasante majorité du peuple égyptien
qui s’est soulevé contre lui et, à
travers lui, contre l’ingérence. Voici
les Frères dans une situation
inextricable dont ils ne savent plus le
dénouement. Pris dans le tourbillon d’un
emballement de l’Histoire, ils
paraissent ne plus avoir de réponses en
dehors de la primo-réaction ordinaire
d’être frustrés de « leur droit ». Alors
que l’Egypte bouillonne et que le volcan
social est prêt de l’irruption, ils
maintiennent le discours religieux qui
n’a d’autre effet que de satisfaire leur
propre chapelle, mobilisée pour la
circonstance dans une impasse criarde,
étant donné le rapport de force dans la
rue d’abord, sur le plan militaire
ensuite. Les Frères se trouvent de ce
fait condamnés à reconfigurer leur
approche du rapport de force au risque
de se trouver définitivement hors du
champ des possibles. En apparence, ils
ont déjà compris que le camp atlantiste
est assez fourbe pour les lâcher, au
profit d’une solution qui garantisse ses
sordides intérêts. Ainsi s’apprête-t-il
à lâcher beaucoup de lest, y compris
Morsi. Ils font savoir qu’ils sont prêts
à ce que soient organisées des élections
présidentielles anticipées. Chose qui
aurait pu être concédée pour sauver le
trône de leur président et qu’ils ont
refusée, pour la simple raison que
l’arithmétique qui l’a propulsé n’était
pas pour rassurer, puisqu’il y a eu un
report massif de voix pour faire barrage
au candidat de l’ancien régime. Une
arithmétique qui sera encore plus
défavorable, avec la perte d’une partie
de la base frériste, dont les yeux se
sont ouverts sur la réalité de la
« charité » au pouvoir. Aujourd’hui, au
pied du mur, ils ne veulent pas
disparaître de la scène au profit des
« laïcs ». c’est ce que perçoit Nagueh
Ibrahim, une figure de proue de la Gamaa
islamiya, qui pense que « le
mouvement islamiste a perdu le pouvoir
en Egypte, mais il ne doit pas perdre sa
place dans la société en entrant dans
une bataille avec l’opposition, l’armée
et la police. S’il perd la société, il
ne pourra plus jamais reprendre le
pouvoir ». Les Frères, eux-mêmes,
loin d’entretenir une ambition
révolutionnaire sont plutôt paniqués par
l’éventualité d’une dérive sécuritaire.
Ils cherchent donc la quadrature qui
leur sauvera la mise, tout en ayant un
atout de taille. L’armée tout comme la
composante dominante du nouveau pouvoir
sont plus proches socialement que le
torrent populaire menaçant.
Article publié sur
Les Débats
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