Opinion
Tinquentourine et
les mythologues
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 20 janvier
2013
Jusqu'à
plus informé, le groupe armé, qui s'est
attaqué à la base de Tinguentourine, ne
vient pas du Mali et n'est pas une
projection du Mujao ou de Ançar Eddine,
pour autant que ces deux formations
soient capables de se déployer de la
sorte. Ce groupe venu de Libye, selon
les autorités algériennes, est composite
dans la nationalité de ses membres,
comme il est d'usage depuis
l'internationalisation de la guérilla
islamiste. L'attaque en elle-même n'est
pas la première du genre et l'Algérie,
elle, était probable et faisait partie
des risques encourus par toutes les
installations vitales ou stratégique du
pays, encore en butte à une guérilla
islamiste qui conserve un niveau de
nuisance assez important. Il n'y a donc
aucune raison particulière de conclure à
une extension de la crise malienne, même
si le commando a fait référence au
survol du territoire algérien par
l'armée de l'air française, certainement
pour se poser en justicier. Mais, dans
les médias français, beaucoup de
couplets déclamés sur le sujet se
félicitent de voir le pays rejoindre le
champ de bataille. Pierre Vermeren,
professeur d'histoire du Maghreb
contemporain à La Sorbonne, du haut de
ses connaissances et de son autorité
intellectuelle, se risque à dire que «la
prise d'otages d'In Amenas est un échec
majeur pour Alger, qui voit la guerre au
Mali s'implanter sur son territoire, et
sa prudente politique avec les groupes
armés du Sahel remise en question». Il
résume de façon magistrale tout ce qu'on
peut lire sur ce qui est appelé, sans
hésitation, la «fin de l'isolement» de
la France. «Maintenant qu'elle a du sang
sur les mains, l'Algérie ne pourra plus
jouer double jeu comme avant», écrit le
Républicain lorrain.
L'Algérie
va envoyer son armée rejoindre celles de
la Françafrique à chasser les rebelles
maliens. Quel retournement de
l'histoire, ce serait ! Mais attention,
il faut du temps pour cela, nous dit-on.
En écho des voix bien de chez nous, dans
des journaux connus pour leur cordiales
relations avec la «communauté
internationale», elles aussi convaincues
que l'Algérie doit obéir à l'appel des
«Grands», pensent que notre armée à
besoin de se préparer à la «projection»
de ses troupes hors du territoire. La
chose étant entendue par ailleurs que le
pays s'insère désormais dans le Sahel,
cet ensemble chaotique qui a besoin
d'une prise en main, en termes de
sécurité, d'ordre et d'administration.
Le seul problème reste que les faits
sont loin d'être conformes à la
mythologie que l'on tente d'implémenter,
fut-elle accréditée par le formidable
arsenal médiatique. On sait que le
pouvoir algérien a fait un certain
nombre de concessions, mais il n'en est
pas arrivé à se soumettre à ce qui
correspondrait à l'abandon pur et simple
du principe même d'indépendance
nationale. Il faut retenir, quand même,
qu'il y a une volonté affichée de lier
la prise d'otages de Tinguentourine à la
guerre menée par la France au Mali,
l'objectif étant de convaincre les
Algériens de sortir de la réserve qu'ils
observent jusqu'ici et de les amener à
inscrire le pays dans la liste
normalisée des Etats africains et
nord-africains, afin de finaliser la
mise en coupe réglée de la région.
Article publié sur
Les Débats
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