Opinion
Bouteflika :
épisode II
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 18 juillet 2013
Abdelaziz
Bouteflika est finalement rentré. Au
moins les rumeurs et autres
«informations confirmées» sur sa mort
vont cesser. Pas de quoi plaire à ceux
qui ont vécu de ça durant des mois et
qui, leur dépit très vite consommé, se
rattrapent en s'accrochant aux «détails»
de santé qui confortent, au moins, la
«fin politique» du Président et, avec
elle, celle du spectre du «quatrième
mandat». Nous en sommes là. Une
indigence politique sidérale qui
construit son programme sur l'homme et
non sur une conception de l'Etat, sur
l'individu et non sur le système de
gouvernance économique et social. Houari Boumediène n'est décidément pas mort et
la formation sociale algérienne n'est
même pas grosse d'une alternative au
principe du sauveur incontournable. Elle
n'en accouchera donc pas de sitôt. Ce
sera encore le bloc social dominant, ce
groupe plusieurs fois recomposé qui
tient l'appareil de l'Etat par ses
ramifications dans les institutions, qui
est sollicité par tous pour se
recomposer en faveur de telle ou telle
tendance, porteuse d'un projet de
candidature. Y compris les
«printaniers», marcheurs du samedi, sans
se soucier de la contradiction, ont
appelé l'armée à démettre Bouteflika et
à donner le pouvoir à une entité à
définir. Désarroi, impuissance,
incompréhension de la société, étrangeté
vis-à-vis de cette société qui ne se
reconnaît nulle part que dans sa propre
dynamique frondeuse ? La réponse a été
donnée en filigrane par la presse privée
engagée dans le «printemps». La peur du
chaos, de l'anarchie qui se
profileraient à travers la
dépolitisation de la population et son
rejet des formations politiques qui
s'agitent vainement sur une scène sourde
à leurs appels. Peut-être se dit-on dans
ces milieux, animés plus par le
clientélisme, la fin du cycle Bouteflika
ouvrirait des perspectives de son
redéploiement et de son ascension dans
les sphères de la décision. Grâce aussi
aux soutiens occidentaux, qui ne sont
plus un secret pour personne,
l'entreprise bénéficie de plus de
possibilités de se concrétiser dans un
environnement international où l'Algérie
présenterait des signes de faiblesse,
favorable à des reculs plus importants
en termes de concessions à la
privatisation (marché de l'énergie,
santé publique…). Soit un parachèvement
de l'Infitah initié au début des années
1990, sous les coups de boutoir de la
finance mondiale et facilité par la
faillite programmée du secteur public et
du capitalisme d'Etat, parvenu aux
limites de ses contradictions internes.
Nous sommes, à ce propos, devant la
montée en puissance des ambitions de ces
couches embourgeoisées, sorties de ses
flancs, sous diverses formes et selon
divers mécanismes. Mais la dynamique
reste toujours bloquée par la pression
populaire et par la demande sociale qui
reste vivace, obligeant les «décideurs»
à tempérer le démantèlement des derniers
acquis de l'indépendance. Ainsi,
s'explique la focalisation sur la
personne du président de la République
en poste, qui symboliserait la «panne»
du pays et la cause de son
«inertie» dans l'implémentation de
«courageuses réformes», celles-là
exigées par le FMI, la Banque mondiale,
l'OMC et les maîtres du marché mondial.
Confusément va se poursuivre cette même
«fronde», essentiellement médiatique,
après Bouteflika, quelle que soit la
personnalité de «consensus» ou pas qui
sera portée à la tête du pays. Car, le
rapport de force social n'a toujours pas
éliminé la contestation populaire, ce
que les tenants de l'Etat savent mieux
que les plus bruyants des «changeurs».
Article publié sur
Les Débats
© 2013 Les Debats
Le sommaire d'Ahmed Halfaoui
Le dossier
Algérie
Les dernières mises à jour
|