Opinion
Le 5 juillet et
les aigrefins de la politique
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 11 juin 2012
L’émotionnel va être au rendez-vous pour
ce 5 juillet 2012, le Cinquantième
depuis la libération du peuple algérien
des pires dénis qu'il ait connus. Plus
le moment historique se rapproche, plus
la fièvre monte et plus les voix
intéressées se manifestent et se
bousculent pour se placer. L'enjeu est
de taille dans une conjoncture où les
appétits sont au paroxysme de leur
développement. Inévitablement, comme on
pouvait s'y attendre, se mobilisent,
autour de sa célébration, toutes les
mémoires et se concentrent tous les
opportunismes. La date constitue, en
soi, un terrain qui, malheureusement,
doit encore être disputé aux
nostalgiques du colonialisme, rejoints
par une floraison de néo-pieds-noirs,
ces élites algériennes déçues d'une
indépendance qui ne les agrée pas, même
qu'elle les ait extirpés de la condition
d'infrahumain. Ainsi, font jonction deux
courants qui travaillent à faire nier
l'émancipation du peuple algérien, sous
de multiples prétextes aussi sensibles
les uns que les autres. Toutes les
attaques surfent sur les contradictions
sociales qui prouveraient l'échec du
pays, comme si le miracle du
développement et la justice sociale
devaient être des conditions sine qua
non de la fin de l'occupation coloniale.
Le cynisme est des plus raffinés. C'est
dit avec une certaine subtilité, en
simulant des attaques contre le pouvoir
en place et en le mettant,
insidieusement, en parallèle avec le
régime colonial. Issu de la «légitimité
historique», ce pouvoir aurait failli
dans sa gestion de l'Algérie en se
montrant coupable des injustices
sociales qui prévalent. La suggestion
est patente, avec l'objectif qui vise à
jeter, par delà les autorités et l'Etat,
le discrédit sur la lutte de Libération
nationale «confisquée» et l'indépendance
«détournée». La méthode qui appelle, par
exemple, au boycott des festivités du
cinquantenaire, voile à peine les
intentions des néocolonialistes. La main
sur le cœur, ils vous diront que c'est
pour que le pouvoir ne «profite» pas de
la liesse populaire et que c'est une
occasion pour que le peuple signifie sa
désapprobation aux gouvernants. Alors
que la grossièreté de la manœuvre est
patente, elle escompte une récolte
médiatique de ce qui va être exploité en
tant que preuve de la désaffection des
Algériens à l'égard de l'idée
d'indépendance. Soyons sûrs que, pour
cela, les drapeaux au vent seront
comptés à l'unité. On peut voir les
titres en grosses manchettes : «50 ans
après : les Algériens désabusés !»,
«L'indépendance de l'Algérie n'a pas
tenu ses promesses !», «Une guerre de
Libération pour ça !», «Après 50 ans, la
désillusion !» et ainsi de suite, autant
que l'imagination peut produire comme
persifflages. Serait-ce là la vérité, si
par hasard la fête n'atteignait pas les
sommets attendus ? Peu importe aux
charognards, que les Algériens savent
bien d'où ils sont sortis et ce que cela
leur a coûté, pour exister, circuler
librement, aller à l'école et à
l'université, avoir l'eau et
l'électricité, se faire soigner
gratuitement… C'est ce que signifie le 5
Juillet. Pour le reste, pour les
conquêtes politiques et sociales, il y a
d'autres combats à mener, que seul le 5
Juillet a pu permettre d'imaginer.
Article publié sur
Les Débats
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