Opinion
Protéger le monde
du travail : une hérésie ?
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Samedi 11 mai 2013
L'un des
arguments massues, qui ont accompagné
les «réformes économiques» en Algérie,
était de bannir le «social» de la
gestion des entreprises. Les cadres du
secteur public, qui résistaient à la
déferlante libérale, ont toujours en
mémoire les sarcasmes qu'ils subissaient
à chacune de leur décision qui était
«conciliante» à l'égard des
travailleurs. Depuis, le secteur d'Etat
est réduit à la portion congrue et la
privatisation des activités dominent les
politiques économiques. Il y a trois
jours, le jeune Salah est mort d'une
silicose consécutive à son métier de
tailleur de pierres à T'kout (Batna).
Avec ses compagnons d'infortune, Salah
avait tenté de constituer une
association en défense de leurs droits à
des conditions humaines. En vain. Il
aurait été plus facile de se promouvoir
dans des «droits de l'homme» moins
ciblés. Des ONG friandes de ce type
d'initiatives n'auraient manqué, pour
rien au monde, de fournir euros, dollars
et soutien international. La presse
«démocratique» aurait ouvert ses
colonnes et les feux de l'actualité
auraient illuminé Salah et ses
camarades. Mais il en est autrement.
Salah, dont la mort est passée
inaperçue, voulait que le «social» soit
introduit avec force dans les relations
de travail qui tuent, alors que le
rouleau compresseur du capitalisme est
plus actif que jamais. Le président du
Forum des chefs d'entreprises (FCE)
n'est toujours pas satisfait de la
«flexibilité» du marché du travail. Il
estime que «de toutes les réformes
accomplies ces dernières années, celles
consacrées au code du travail sont
restées limitées, hésitantes et
empreintes surtout du souci de protéger
le monde du travail». C'est dire que,
non content de voir livrer les
travailleurs au bon vouloir des patrons,
il y a la volonté de balayer les
dernières dispositions de loi qui
gênent, car «les mentalités de
l'administration économique et surtout
de l'appareil judiciaire n'ont pas
évolué dans les mêmes conditions». A son
corps défendant, le patronat algérien
sait qu'il y a quand même mieux en la
matière en termes de «démocratie de
marché». Il doit lorgner vers le
Bangladesh, où un véritable paradis
législatif, superbement ignoré des
droitdelhommistes, est offert à la
«libre-entreprise». Un millier de morts
à Dacca dans l'effondrement d'une
«usine» textile sont venus déranger le
décor, le temps que la chose soit
oubliée. Pour faire bonne figure, le
gouvernement a fait fermer seize usines
à Dacca et deux à Chittagong pour
manquement aux «règles de construction»,
pas pour le reste qui fait le bonheur
des forces du marché. Elles sont cinq
mille à travers le pays, qui hormis le
peu de cas fait de ces règles, emploient
trois millions d'ouvriers contre des
salaires de plus ou moins 29 euros par
mois, pour 10 à 16 heures de travail par
jour dans des ateliers où la moindre
mesure sanitaire serait un luxe. «Emue»
par le carnage de Dacca, l'Union
européenne, «en tant que plus grand
partenaire commercial du Bangladesh…»,
s'inquiète particulièrement des
conditions de travail, notamment en
matières de santé et de sécurité. C'est
toujours ça, pourrait-on dire.
Article publié sur
Les Débats
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