Opinion
La colonisation
vue par M. Sarkozy
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 11 mars
2012
Selon
Nicolas Sarkozy, les Accords d'Evian
«ont mis un terme à un terrible conflit
qui a duré sept ans et ouvert la voie à
l'indépendance de l'Algérie».
L'affirmation ne semble pas contenir
d'équivoques et refléter la réalité
historique. Pour le quidam il n'y a rien
à redire. Le président français n'a fait
que rapporter l'événement tel qu'il est.
Mais un président cela ne dit rien qui
ne soit pesé et mesuré. M. Sarkozy a
proféré une contrevérité lourde de sens,
en déformant les faits. Les Accords
d'Evian ont mis fin à 132 années de
colonisation et non pas à un «conflit
qui a duré sept ans» et ce «conflit» est
plutôt l'ultime phase de la très longue
lutte de Libération populaire
sauvagement réprimée par la puissance
occupante. Voici les mots qui disent le
réel. Des mots que le président évite
d'utiliser. S'étalant sur le «conflit»,
il en fait la description suivante :
«Les opérations militaires qui ont été
menées par la France en Algérie qui, je
le rappelle, appartenait alors au
territoire national, ont été engagées
par la République française et conduites
sous l'autorité de gouvernements
légitimes et démocratiquement élus».
Ainsi la sanglante répression avait
toute sa légalité, car l'Algérie était
la France, qui se défendait contre on ne
sait quel ennemi qui menaçait
l'intégrité du territoire. La notion
d'appartenance exprimant
l'inaliénabilité, suggérée, du
territoire algérien. La pensée ne manque
pas de précision, sous un verbe ciselé.
Répondant aux acrimonies des ex-colons
et des harkis, il s'exclame : «Mais où
est la responsabilité de la France ?
D'avoir été une puissance coloniale ou
d'avoir accepté un processus de
décolonisation en Algérie comme toutes
les puissances coloniales ont, partout,
été contraintes de le faire ?» La
tournure, l'air de rien, est magistrale.
La France a été «contrainte» d'accepter
le «processus de décolonisation», comme
toutes les puissances coloniales,
dit-il. Une façon de dire que c'était
contre son gré. Dans le contexte actuel,
ce genre de propos a des intonations
particulières. Non seulement il y a ce
refus d'accepter la décolonisation, mais
il y a le regret de l'avoir subie sous
la «contrainte». D'autant que M. Sarkozy
ajoute que «les rapatriés et les harkis
ont été les victimes de la
décolonisation». Ce qui signifie qu'il y
a eu injustice envers eux, qui
impliquerait qu'ils aient droit à
réparation. Tout d'un coup, la
décolonisation prend un sens tout à fait
nouveau. Pas celui de l'émancipation des
peuples de la pire des ignominies de
l'Histoire, de l'exécrable condition
d'indigène, mais celui du drame des
nantis et privilégiés du système
dépouillés de leur situation de maîtres,
sinon du confort d'avoir été sur le haut
du pavé. Il y a eu «des atrocités de
part et d'autre», dit M. Sarkozy. Que
des bourreaux, pas de victimes de
Cavaignac, Bugeaud, Pélissier,
Canrobert, Massu, Bigeard et autres
bêtes sanguinaires. Pour tous ces
criminels, la France était chez elle, à
se défendre contre des barbares qui lui
déniaient le droit d'y être. In fine, le
président en campagne devrait être plus
clair, cela lui évitera des
circonlocutions inutiles. Nous n'avons
besoin ni de repentance ni de
reconnaissance, nous avons juste besoin
que nos enfants ne permettent plus
jamais que qui que ce fut les soumette
au sort de leurs mères et pères.
Article publié sur
Les Débats
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