Opinion
La récolte qatarie
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 9 janvier
2013
Les
habitants des quartiers environnants de
l'aéroport Houari Boumediène ont eu de
la chance. Ils n'ont pas à subir les 101
détonations de coups de canon du rite
originel, mais seulement 21, depuis que
la raison a réduit leur nombre. Selon le
protocole historique qui veut qu'il faut
accueillir un hôte de marque, un chef
d'Etat par exemple, en vidant son
artillerie de ses charges de fer et de
feu, en signe de paix… ou de soumission.
Après avoir déjà vécu bruyamment la
visite de François Hollande, ils ont dû
encore une fois, le matin du 7 janvier
dernier, subir le vacarme des salves qui
ont ébranlé leur quiétude et provoqué
l'inquiétude de certains d'entre eux qui
ignoraient la venue de l'émir du Qatar.
Les réactions ont été à l'hauteur de
l'événement. Le sentiment dominant a été
l'étonnement devant tant d'égards
accordés à un personnage dont l'image
est intimement associée aux tragédies
libyenne et syrienne. Les moins hostiles
à l'événement regrettaient amèrement que
le pays, qui a si chèrement payé sa
souveraineté, se fende en sollicitude
vis-à-vis du fer de lance du
néocolonialisme dans la région dite
arabe. Les plus nourris de la fierté
nationale s'indignaient que l'Algérie
accordait autant d'importance à un
roitelet qui ne lui a jamais fait de
cadeau et qui a tenté de la déstabiliser
à travers son Al Jazeera. Les plus
résignés rappelaient que le faste de
l'accueil était plutôt destiné à ce
qu'il représentait, c'est-à-dire les
Etats-Unis. Ce qui est sûr, c'est que
Barack Obama a dû hautement apprécier la
réception dont a bénéficié l'un de ses
principaux satrapes arabes. Qu'à cela ne
tienne, la suite va être plus durement
commentée. Le Qatar qui est, à ce que
l'on sache, à des lieues de disposer
d'une quelconque compétence
industrielle, sidérurgique en
l'occurrence, a obtenu un partenariat
dans le domaine, comme si les dizaines
de milliers d'ingénieurs sortis de nos
instituts et universités et nos
capacités financières étaient en deçà
des moyens exigés par le projet de
Bellara. De quoi s'interroger sur les
intentions des autorités en matière de
développement national, quand elles se
mettent à faire une «ouverture» de ce
type, où l'apport d'un partenaire
étranger n'est absolument pas nécessaire
et quand ce partenaire n'a rien à
offrir, hormis son argent. Un autre
projet est tout aussi incongru. Il
concerne l'élevage d'outardes, que les
derniers de nos éleveurs peuvent mener
rondement avec des retombées entièrement
profitables à l'économie locale. A moins
que c'est de cela qu'il s'agit, quand on
nous parle d'IDE et d'intégration du
pays à l'économie mondiale. Pas de quoi
pavoiser donc, juste se résigner à ce
que soient toujours gelées les
ressources nationales, selon les règles
qui ont mené à la désindustrialisation,
pour montrer patte blanche à l'empire
néolibéral menaçant. Juste se soumettre
au diktat d'une hégémonie dont le
dernier des soucis est de permettre une
émancipation de ces pays périphérisés,
dont l'Algérie fait partie. Juste obéir
à la religion du marché tout puissant,
qui ne l'est que grâce à l'adhésion sans
contrepartie à ses directives.
Article publié sur
Les Débats
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