Opinion
Algérie, OMC,
subventions
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 8 avril
2013
Nous ne
pouvons pas savoir si la sortie du
ministère des Finances sur les
subventions (et sur les salaires), a
quelque chose à voir ou pas avec
l'ouverture d'un nouveau round de
négociation avec l'Organisation mondiale
du commerce (OMC). Toujours, est-il, que
la coïncidence est troublante, puisque
le plus grand obstacle que rencontre
l'Algérie reste le soutien qu'elle
assure aux prix de certains produits,
qui ont échappé à la vague de
libéralisation qui a déferlé sur le
pouvoir d'achat des Algériens. Même si
un grignotage aussi discret que subtil
des subventions ait été effectué. La
première victime, dont peu se
souviennent parmi ceux, qui ont remarqué
la brutale raréfaction dans le paysage
et la formidable augmentation des prix,
a été le livre. Quelques bibliothèques
constituées dans les années 1970 et
durant les deux ou trois premières
années 1980, perpétuent la mémoire d'une
époque où lire, coûtait moins cher que
manger. Mais la lecture n'avait même pas
le statut de maillon le plus faible de
la chaîne de ce qu'on appelait les
"produits de première nécessité", elle
n'en faisait pas partie. Pour s'en
convaincre, il suffit de se référer à la
structure des aides concoctées par la
Banque mondiale, où se trouvent listées
les marchandises qui déterminent, par la
somme de leurs coûts, les seuils de
pauvreté. Quand on est pauvre, on ne lit
pas. Ce n'est pas dit aussi crûment,
mais ce type de besoin n'est pas inscrit
dans les déterminants du "filet social"
ou "dispositif de lutte contre la
pauvreté". Dispositif qui fait partie
des "mesures d'accompagnement" des
"plans d'ajustement structurels", d'où
le concept de "filet", car il est conçu
pour amortir, sans jeu de mots, la chute
d'innombrables personnes dans une misère
qui mettrait en danger leur survie. Au
bas mot, on leur assure un "panier
alimentaire", agrémenté d'un supplément
pour les vêtements, le chauffage,
l'éclairage, le tout calculé au minimum
vital. Le principe étant de ne pas
conforter les gens dans une situation
d'assistés, mais de les pousser à
"chercher du travail ou à créer leur
propre emploi". Cela, dans un contexte
où les entreprises n'auront d'autres
règles à affronter, que celles de la
concurrence, la "vérité des prix" étant
assurée par ailleurs. C'est pour cela
que ça coince pour l'adhésion de notre
pays à l'OMC. Il est dit, entre autres,
en toutes lettres qu'il faut des "mises
en conformité du régime du commerce
algérien", ou bien il est question des
prix de l'énergie qui ne doivent plus
être subventionnés parce que cette
procédure prive les éventuels
investisseurs de la souplesse nécessaire
à leur stratégie commerciale.
C'est-à-dire qu'ils ne pourront pas
jouer à fond la loi de l'offre et de la
demande. Jusqu'ici, l'Algérie n'est pas
allée aussi loin dans les réponses
qu'elle doit apporter aux exigences,
mais elle semble commencer à céder, d'où
cette remise au goût du jour du "ciblage
de la subvention des produits de base".
L'argument qui sous-tend le propos,
n'est pas nouveau : "tout le monde, y
compris les grosses fortunes, en
profite", nous dit le directeur général
de la prévision et des politiques. Le
"ciblage" veut dire qu'il ne faudra
faire profiter que ceux qui sont
"vraiment pauvres". Il reste, tout de
même prudent, il ne parle que de
"réflexion" sur la chose. La raison de
cette prudence se trouve dans la
difficulté de dénicher les
bénéficiaires, de les recenser (en
déterminer le nombre, l'identité et la
localisation), de calculer l'aide
attribuée à chacun, d'organiser le
système de gestion, de contrôler la
destination des sommes allouées etc. Si,
toutefois, le risque est pris de
considérer que l'on peut faire admettre
aux dizaines de millions d'Algériens,
que la pauvreté peut être mesurée à
l'aune de critères, qui réduisent
l'homme à une entité biologique. Le
directeur, sus cité, nous dit qu'il y
aurait des "gains" à faire sur les
subventions. Il lui suffit de cibler les
"grosses fortunes" plus faciles à
trouver et leur placer des compteurs Sonelgaz appropriés. Elles ne verront
pas d'objections à se solidariser avec
leur peuple. En attendant de les ficher
chez les boulangers, le marché de dupes
prospère sans entraves.
Article
publié sur
Les Débats
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