Opinion
La Libye
dévalisée
Ahmed Halfaoui
Jeudi 4 août 2011
Devant la
crise qui frappe les Etats-Unis,
quelqu'un vient de dire que la seule
valeur de l'argent est la confiance
qu'on lui accorde. Il traduit en peu de
mots les appréhensions qui taraudent
ceux dont les intérêts sont plus ou
moins engagés avec ce pays, qui vit à
crédit et au-dessus de ses moyens,
depuis plus de vingt ans. Une autre
appréhension devrait être à l'ordre du
jour, elle concerne les avoirs placés
dans les pays occidentaux. Ce qui est
arrivé au peuple libyen est un précédent
à méditer. Contre toutes les règles de
droit, des pays l'arme à la main l'ont
dépouillé de son argent. Un acte
passible de sanction judiciaire, depuis
que la propriété privée a été instituée.
Ces gangsters ont d'abord décidé que les
comptes étaient gelés. Ils ont ensuite
désigné des sous-traitants, selon on ne
sait quel principe, comme ses "
représentants légitimes ", sans le
consulter et sans écouter sa colère
qu'il exprime quotidiennement et que
leurs médias ignorent. Tel que prévu,
les sous-traitants viennent de recevoir
une partie des fonds "débloqués ". On ne
sait pas la procédure exacte qui permet
à quelqu'un de donner un tel ordre sur
quelque chose qui ne lui appartient pas.
On ne comprend pas comment une banque
peut obéir à quelqu'un d'autre qu'à son
client, propriétaire légal et légitime
du compte. Le drame est que personne ne
bouge. Aucun pays ne s'est insurgé
contre un tel braquage. En fait les
puissants savent qu'on n'osera pas
toucher à leurs sous et les plus faibles
n'osent pas. Le monde est pour la
première fois sorti de son hypocrisie et
la loi du plus fort n'a plus besoin de
subterfuges pour s'exercer.
Nicolas Sarkozy vient de donner 259
millions de dollars à la bande de
Benghazi, qui ne donne pourtant pas
entière satisfaction en matière d'image
" démocratique ". Elle vient d'ailleurs
de liquider le prétendant le plus
plausible au trône. Dans le cas, bien
sûr, où le peuple libyen se laisserait
faire. Ce qui n'est pas du tout dans son
programme, à court, moyen ou long terme,
ni jamais. C'est pour cela que se posera
un problème quand il demandera de lui
restituer l'argent qu'on lui a volé. Et
puis, il y a une question qui se pose
d'elle-même, quand on se place dans la
logique des gangsters. La bande de
Benghazi, élue à la tête des Libyens
dans un acte de banditisme, devrait
faire valoir ses prérogatives
directement et ne pas laisser faire
quand il s'agit de gérer les comptes
devenus siens. A moins que sa "
légitimité " inaugure un nouvel
ordre mondial basé sur des " élections "
de bandes affidées du même type, là où
c'est possible et où il y a des
richesses à prendre, chez les plus
faibles. On sait déjà que les pays
africains de la zone franc sont dans
l'obligation de déposer 50% de leurs
réserves de change auprès du trésor
français. Aller plus loin dans ce
système et l'élargir est donc du domaine
des éventualités qu'on ne peut écarter.
Comme cette éventualité que la crise
systémique n'a pas d'autres alternatives
que l'effondrement ou la prédation. Tant
que c'est encore possible, même
virtuellement, nous allons assister à un
regain de férocité des " grandes
démocraties ". Le temps presse et les
périls montent à l'intérieur de leurs
frontières. Sauf si les Libyens
refroidissent définitivement leurs
ardeurs guerrières.
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Publié le 4 août 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur.
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