Opinion
Les petits
souliers du président français
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 3 septembre 2013
Jamais le
statut de supplétif n'a été aussi criard
et autant malmené. Voici le président de
la République française, patrie des
droits de l'Homme et du citoyen, nation
des lumières, "socialiste" de surcroît,
qui se trouve bien en peine de digérer
le cinglant revers d'une obséquiosité
rarement observée en matière
d'allégeance. Un à un, les traditionnels
vassaux des Etats-Unis se sont soit
réfugiés dans une prudente réserve
vis-à-vis d'une intervention militaire
contre la Syrie, soit se sont déclarés
contre. Jusqu'à Barak Obama qui finit
par considérer qu'il ne pouvait agir
sans l'approbation du Congrès. Lui
s'était même tenu à une certaine
ambiguïté, tandis que François Hollande
avait endossé son harnachement de
guerre. Le voilà bien attrapé, devant
les vacances des sénateurs et des
députés étatsuniens, à attendre qu'ils
reviennent décider de ce qui doit être
fait. A attendre des semaines
certainement, à attendre malgré lui, les
résultats des analyses des échantillons
rapportés par les missionnaires des
Nations Unies. A moins qu'il assume ses
"convictions" et envoie son armée seule
" punir " le " régime de Damas ",
puisque pour lui, il ne fait aucun doute
que l'armée syrienne a gazé ses
concitoyens et qu'une " frappe
imminente" avait déjà été décidée. Il
n'en fera rien, parce qu'il n'a pas les
moyens de sa politique et devra
supporter les sarcasmes de ceux qui
s'étonnaient de son excitation, de ceux
qui le mettaient en garde contre son
aventurisme et de ceux qui dénonçaient
son alignement aveugle sur les thèses
étatsuniennes. Il devra aussi affronter
sa propre presse, celle-là qui le
poussait à y aller et qui aujourd'hui,
le cloue au pilori. Le " cocu magnifique
", dit en titre Le Point. Mais cette
humiliation, que lui a prodiguée
l'implacable complexité de la politique
étatsunienne, n'est pas la seule à
tarauder François Hollande. Désormais il
doit se faire les sangs à appréhender
une rentrée sociale explosive, qu'une
guerre en Syrie et que la tension
internationale auraient permis
d'affronter avec moins d'acuité. Là, il
sera en face de ses promesses au "peuple
de gauche" et sous la matraque des
banques. Une autre paire de manches
pourrions-nous dire que de s'agiter,
sans risque aucun, contre un petit pays,
à l'autre bout de la Méditerranée, et
que l'armada des Etats-Unis plutôt que
l'armée française taillera en pièces. Il
y a encore, pour ne rien gâter, le
sentiment anti-guerre qui règne en
France et dont il n'aura pas tenu
compte. Un facteur qui va lourdement
peser dans la balance, quand il devra
servir des discours d'apaisement qui
exigent une crédibilité à toute épreuve.
Ainsi la conjonction de la désastreuse
politique économique et social et de la
honteuse image du courtisan éconduit,
fera un cocktail inédit pour un
président plus controversé que jamais
sur ses positions anté et
post-électorales. Pas de quoi augurer
d'une capacité quelconque à convaincre,
lorsque la rue va déferler pour demander
des comptes. Sans préjudice bien sûr de
l'image qui est donnée au plan
international, aux partenaires et au
service d'une France qui prétend
participer à la régence du monde.
Article publié sur
Les Débats
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