Opinion
1er novembre 1954
: fin de l'indigénat
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 2 novembre
2011
A quelques
exceptions près, les écrits sur la lutte
de Libération nationale sont une suite
d'anecdotes et d'histoires de personnes.
Ainsi, le lecteur se trouve confronté à
une saga, d'où émergent quelques têtes,
qui commence, c'est selon, par la
réunion de vingt-deux téméraires au
Clos-Salembier (Diar-El-Mahçoul) ou par
une photo de six d'entre eux, prise
Place du Gouvernement (Place des
Martyrs) à Alger, et qui se termine par
une brouille où beaucoup sont exclus de
la scène par ceux qui vont s'écharper
juste après. Pas de quoi y comprendre
grand-chose. Pas de quoi comprendre ce
qui a fait que la direction de
l'intérieur soit éliminée ou que ce soit
l'armée des frontières et non l'ALN des
djebels qui ait pris le pouvoir ou que
ce soit Ben Bella et non Boudiaf ou Aït
Ahmed qui soit l'un ou l'autre le
premier président du pays. A part qu'il
y aurait eu d'un côté des bons et de
l'autre des méchants et que les méchants
auraient gagné. On n'en saura pas plus,
si l'on s'en tient à ce qui est
vulgarisé et qui sert encore de substrat
à pas mal d'analyses sur les origines de
l'Etat algérien. Ceux qui ont gagné se
sont attelés, immédiatement, à nous
écrire une Histoire linéaire pleine de
dates et de noms de batailles en prenant
soin que les noms des acteurs vivants,
mais indésirables, apparaissent le moins
possible. Comme le principe de base de
tout historien sérieux est de ne pas
faire dans le manichéisme, il semble
difficile de démêler l'écheveau et
d'accéder au fond des choses avec la
simple diabolisation des uns et la
sanctification des autres. Heureusement
pour l'essentiel que le colonialisme est
parti. Issue qui semble occultée dans le
vacarme qui a suivi son départ et dans
ses échos qui continuent de faire vibrer
le présent. A telle enseigne que l'on
pourrait croire que le temps se soit
arrêté un été 1962 et que, depuis, il
n'y a plus que ce contentieux à
résoudre, toute affaire cessante.
Pourtant, il s'en est passé des choses
sous le soleil. Il n'y a qu'à regarder
et à voir qu'il ne reste plus rien que
des Algériens qui n'ont plus rien de ces
indigènes qu'étaient leurs parents.
C'est-à-dire des citoyens qui ont les
préoccupations de citoyens d'un pays
ordinaire avec ses luttes des classes,
ses frondes sociales et tout ce qui
constitue la dynamique d'une société en
mal d'équilibre et de distribution
équitable des richesses. Qu'à cela ne
tienne, on trouvera toujours à dire que
cela ne devrait pas être, si… en 1962…
Toujours est-il que les anniversaires,
qui devraient rappeler que des centaines
de milliers d'hommes et de femmes ont
donné leurs vies pour que plus personne
ne nous réduise à l'état d'infrahumain,
passent quasiment inaperçus. Et personne
ne s'en offusque. Comme si cela allait
de soi et qu'il ne faut pas trop en
faire. Ou peut-être qu'au fond, c'est
notre nature d'introvertis qui fait que
nous nous comportons avec l'humilité et
avec la pudeur qui s'imposent devant le
souvenir de l'incommensurable libération
de la servitude. Cette libération qui a
soulevé l'enthousiasme de tous les épris
de liberté à travers le monde et qui a
fait que ceux qui décideront plus tard
que l'anti-impérialisme est "un combat
d'arrière-garde", aussi, aient eu la
chance de leur vie d'être extirpés de
l'indigénat.
Article publié sur
Les Débats
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