Opinion
Après les «
régimes » voici les peuples
Ahmed Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Lundi 2 septembre 2013
Ils ne devaient pas s’attendre à ça les
prédateurs de la planète. Ils ne
devaient pas s’attendre à ce que les
peuples se réveillent. Quand ils ont vu
ce qui représentait, pour eux l’ennemi
mortel s’effondrer, ils ont cru qu’ils
pouvaient gambader partout et où bon
leur semblerait, sans rencontrer, plus
jamais, la moindre résistance. Le
« communisme » était mort et enterré
dans ses bastions. Qui pouvait désormais
s’opposer à la marche triomphale de la
libre-entreprise ? Qui pouvait déranger
la reconfiguration des pièces de
l’échiquier mondial et gêner l’avancée
des « forces du marché » ? De nouveaux
philosophes ont remplacé les empêcheurs
de tourner et les « idéologies »
contraires étaient mortes, laissant la
place au « pragmatisme ». Il est même
question de « fin de l’Histoire ».
Puisque celle-ci a abouti à son
accomplissement. Un seul ordre, celui
qui avait vaincu va régner, le
Capitalisme en tant que seul mode de
réalisation de la prospérité, déclinée
en indicateurs, agrégats, indices,
savamment calculés et analysés par des
spécialistes, experts financiers,
économistes et agences de notation. Si
la pauvreté s’aggravait, si la misère
s’étendait, si la famine tuait par
centaines de milliers, comme en Somalie,
cela faisait partie du tribut du
système. Le produit de la sélection
nécessaire à l’expansion du plus
performant, grâce au libre jeu de la
concurrence, facteur d’émulation, et à
celui des « avantages comparatifs ».
Ceci, conformément à l’ordre de la
nature, régulatrice ultime de l’ordre
des choses et exprimée par la « main
invisible du marché », force immanente
et puissance vénérée. Cela suppose bien
sûr que cela soit accepté par tous, y
compris et surtout par ceux qui sont les
seuls à subir les caprices des
investisseurs, des boursicoteurs et
spéculateurs de tous poils. De plus, la
non acceptation a la particularité de ne
pas figurer dans les paramètres des
prévisionnistes, du moins pas en tant
que donnée fondamentale. Pourtant elle a
fait irruption sur la scène et ne cesse
de se répandre et d’enfler. Partout où
les limites ont été atteintes en termes
de destruction des conditions de vie et
de mépris des droits les plus
élémentaires de l’existence humaine. En
Amérique du Sud d’abord où l’Histoire
s’est remise en marche, chez les Arabes
et assimilés ensuite, quand l’affaire
semblait pliée grâce à un « printemps »
qui devait confirmer la chute des
derniers obstacles à « la démocratie du
marché », même à coups de bombes comme
en Irak ou en Libye. Désormais ce sera
de moins en moins les « régimes » et les
« dictatures » qui seront le problème
(il n’y en a presque plus), mais les
multitudes qui commencent à occuper la
scène où se joue leur destinée. Ce sera
là le spectre qui va hanter les
prétendants à la maîtrise du monde. Un
spectre qui grandit au sein même de leur
propre société. S’approche donc,
inéluctablement, le temps des bilans des
crimes du libéralisme contre les
milliards d’enfants, de femmes et
d’hommes, livrés à la plus effroyable
machine de déshumanisation que le monde
ait connue. D’autant que ces crimes sont
commis sous les labels de la
« liberté », des « droits de l’homme »
et de la « démocratie ».
Article publié sur
Les Débats
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