Opinion
50 ans après, ça
ne désarme pas
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 1er
février
2012
Hier
penauds et déconfits, les colonialistes
ont le sentiment qu'ils peuvent,
désormais, donner de la voix et plus si
possible. Ces jours-ci, le ministre de
la Défense français, Gérard Longuet,
venu à Perpignan inaugurer un centre
dédié à la présence des Français en
Algérie de 1830 à 1962, a délivré un
message du président Nicolas Sarkozy, à
plusieurs centaines d'Ultras de
«l'Algérie française» réunis en congrès.
Le message : «Les hommes et les femmes
qui sont partis s'installer en Afrique
du Nord (...) en développant l'économie
de ces nouveaux territoires… ont œuvré à
la grandeur de la France». Il a quand
même été hué. Sans en avoir pleinement
conscience, leur maire, Jean-Marc Pujol,
tout droitier qu'il est et tout
pied-noir qu'il fut, a eu alors une
phrase merveilleuse : «Le temps des
historiens est venu avec la valorisation
des fonds documentaires». Des fonds dans
lesquels on peut trouver tout ce qu'il
faut pour parler de cette «œuvre» qui a
fait la grandeur de la France. Invoquant
les Algériens, le général Jean Joseph
Gustave Cler, originaire de cette même
ville de Perpignan, disait : «La force
ne les subjuguera jamais. Semblables aux
Suisses, ennemis de Charles le
Téméraire, ils ont leurs montagnes et
leur pauvreté pour se défendre». C'était
vers 1850. Il savait de quoi il parlait.
Il a aussi averti ses chefs : «En
égorgeant sur de simples soupçons des
populations entières, nous sommes nos
plus cruels ennemis en Afrique». Avant
lui, le général Pierre Berthezène
s'inquiétait sérieusement : «Ce système
de violence et de cruauté qui nous a
fait perdre Saint-Domingue, on veut
l'importer en Algérie. Je ne comprends
pas l'aveuglement des colons qui
applaudissent sans penser à ce qui va en
résulter». Moins scrupuleux sur l'image
qu'il pouvait donner de lui et de son
pays, le maréchal Clauzel y va carrément
de ses désirs : «Les avantages de
l'Algérie seraient immenses si, comme en
Amérique, les races indigènes avaient
disparu, et si nous pouvions jouir de
notre conquête en sécurité, condition
première de toute colonisation. Ce but
atteint, il serait bon de voir ce que
font les Anglais de leurs colonies...
Colonisons, colonisons ! A nous la
Mitidja ! A nous la plaine ! toutes ces
terres sont de première qualité. A nous
seuls ! Car pas de fusion possible avec
les Arabes». L'«œuvre» était en marche
avec ses «bienfaits». Comme nous le
raconte le général Camou : «Tous les
villages des Benni-Immel ont été pillés
et brûlés. On quittait des villages en
feu par des sentiers semés de cadavres.
Plus de trois cents villages avec leurs
mosquées, écoles et zaouias ont été
détruits». Ou encore Bugeaud : «Plus de
cinquante beaux villages, tout en
pierre, ont été pillés et détruits». Et
ce ne sont que quelques épisodes de
l'interminable tragédie qui a frappé le
peuple algérien. Le résultat fut
terrible, le maire de Perpignan les
trouvera lui aussi dans les «fonds
documentaires». En 1844, le général de
Bellonnet, spécialiste des questions
algériennes et rapporteur du budget de
l'Algérie, rapporte que la population
devait être estimée à environ «sept
millions d'âmes». Des sources crédibles
insistent sur le chiffre de 10 millions
en 1830. A ce sujet, on peut constater
la dépopulation en se référant aux
évaluations démographiques de quelques
grandes villes. Alger, qui comptait plus
de 100 000 habitants tombait à 12 000 en
1833, Constantine de 45 000 à 12 000,
Bône de 4 000 à 2 000, Oran de 20 000 à
2 000, Mostaganem de 15 000 à 1 000. Ce
n'est qu'après 1962 que l'Algérie
retrouvera sa démographie d'avant la
conquête française. Difficile de dire le
contraire des «fonds documentaires» à
moins de trouver une recette pour les
«modérer».
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Le dossier
Algérie
Les dernières mises à jour

|