Opinion
La faillite
théorique d'une certaine extrême-gauche
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 1er août 2013
L’extrême gauche européenne et française
en particulier vient de connaître son
second baptême du feu théorique sur les
Arabes et assimilés. Il y a 60 ans elle
était massivement du côté des luttes de
libération contre les impérialismes
finissants. C’était le temps des Michel Raptis, des Pierre Frank et autres
militants qui avait l’intelligence
d’être des « marxistes
révolutionnaires », comme ils aimaient à
se qualifier pour se distinguer du
stalinisme dominant. Il a dû s’en passer
des choses depuis et durant ces quelques
années, pour que l’on ne trouve plus
cette perspicacité implacable de
lucidité et qu’il soit permis à deux ou
trois « théoriciens » d’imposer une
lecture des faits des plus
déconcertantes, de brandir des concepts
ou le délire le dispute à la pire des
compromissions et de participer sans
risque d’opprobre à l’offensive
impérialiste contre les peuples. Que
cela se fasse au nom de la
« démocratie » contre la « tyrannie » ou
d’une « lutte des classes » dont ils
voient seuls l’expression. Nous faisant
oublier la Libye et le lamentable
démenti infligé à leur science de la
« révolution », ils se sont tournés vers
la Syrie où, dès l’entame de la crise,
ils ont planté les éléments constitutifs
d’une analyse qui ne donne aucune place
et aucun rôle fondamental aux
entreprises des Etats-Unis et de leurs
satellites européens et arabes, ni ne
prend en compte l’investissement massif
de groupes djihadistes injectés dans la
« révolution ». La nébuleuse Armée
syrienne libre (ASL), fiction militaire
soutenue par les médias atlantistes,
bénéficie d’une reconnaissance sans
faille de nos théoriciens, alors même
que sur le terrain nous sommes en face
de chefaillons, la plupart du temps
guidés par les desiderata de leurs
financiers étrangers ou par l’appât du
gain. Vérité que même la presse
occidentale n’arrive plus à taire. Mais
lorsque nos prétendus « marxistes
révolutionnaires » ont dû se rendre à
l’évidence, ils continuent de prémunir
leur édifice analytique de la faillite.
Jusqu’au bout. Ne pouvant ne pas voir
et/ou occulter les faits, ils rangent,
sans avertir, la « luttes des classes »
pour se transformer en simples relais de
l’information, du bon côté du manche.
Sur le site du NPA, par exemple, nous
pouvons lire que « l’état-major de
l’ASL et l’opposition syrienne ont
appelé les différents groupes de l’ASL à
condamner les combats entre frères et
mis en garde de ne pas tomber dans le
piège des affrontements internes
suscités par le régime assassin de
Bachar el-Assad ». Il s’agit
rappelons-le d’une guerre dans la guerre
où il y a une ASL qui combat aux côtés
des djihadistes et une ASL qui combat
aux côtés des Kurdes (encore un acteur
ignoré dans la « lutte des classes » qui
fait irruption). Nous aurions dû nous
attendre à ce que cela soit une occasion
de réviser les prémices et de remise en
cause de la ligne adoptée. Il n’en est
pas question, il est fait comme si…sauf
que l’allusion à la « révolution » n’est
plus de mise. Mais il y a quelque chose
de plus déconcertant. C’est cet
alignement sans hésitation de
l’extrême-gauche européenne sur « son
propre impérialisme » contre les autres.
Le reproche est fait aux puissances
occidentales de ne pas « aider » en
armes l’ « opposition » ce qui « ne
fait que pousser un Assad conforté par
ses alliés russes, iraniens et libanais
à accélérer son offensive criminelle ».
Plus loin dans la dégénérescence il n’y
a pas.
Article publié sur
Les Débats
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