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Opinion
Silence, on torture
!
Ahmed Amri
Mercredi 11 mai 2011
Ayat al-Ghermezi, 20 ans, est
étudiante et poétesse bahreïnie. Quand, à la mi-février, le
Bhreïn a postulé à sa part au
printemps arabe,
comme la plupart des jeunes dans ces pays gouvernés par des
oligarchies tyranniques et corrompues, Ayat a fait acte de
présence dans le mouvement de contestation. Autant par ses
descentes quotidiennes dans la rue que par la poésie engagée
qu'elle récitait dans les manifs et les sit-in. Poésie
devenue en la circonstance action. Ayat n'a manqué aucun
rendez-vous sur la place de la Perle, ce rond-point du
centre de Manama devenu au fil des jours le site des
protestations, la place Tahrir de la capitale bahreïnie.
Dans chaque mêlée, Ayat honorait le combat qui la soudait à
son peuple. Sous la fumée des lacrymogènes, le feu à balles
réelles, les tentes dressées sur la place ou le monument de
la Perle, quand elle sortait d'une marche c'était pour
prendre le micro et réciter devant une foule gagnée à sa
verve un poème.
La poésie engagée n'a de sens
que déclamée et montrant de l'index l'ennemi à abattre.
En
cela, Ayat n'a enfreint aucune loi du genre, aucune morale
littéraire ou éthique artistique. Néanmoins, l'oligarchie,
le pouvoir en général, les dictatures arabes en particulier,
n'aiment pas les poètes, les vrais. Car il y a les
flagorneurs, ou lèche-bottes, d'un côté et les poètes de
l'autre. Ces derniers sont de tout temps debout. Ne savent
pas opiner de la tête dans le sens approbateur. Répugnent à
se courber ou prêter allégeance.
Pour avoir été de cette
race-là, Ayat ne pouvait que
pécher à l'endroit
du pouvoir. Et elle a péché. Elle a commis le "délit" de
critiquer plus d'un symbole de la monarchie, entre autres le
roi et son premier ministre, tous deux des al-Khalifa. C'est
un lèse-majesté
qu'elle paiera très cher.
Fin mars, dans la vague de
répressions qui s'est abattue sur le Bahreïn pour mater la
révolte,
Ayat est embarquée par la police qui la séquestre dans un
lieu inconnu et -comme on en aura la confirmation plus tard-
soumet à la pire torture qu'on puisse imaginer. En même
temps, partout où ses parents crient leur détresse ils
butent soit contre le black-out total sur le sort de leur
fille soit sur le cynisme de ceux qui "voudraient bien
lancer un avis de recherche si les intéressés acceptent
d'abord de signer une déclaration portant disparue leur
fille". On imagine aisément le calvaire de ces parents se
déplaçant jour après jour de poste en poste, frappant à
toutes les portes, téléphonant à tel et tel, sans réussir à
avoir la moindre nouvelle de leur fille.
Mi-avril,
soit plus de deux semaines après l'arrestation de Ayet, un
appel anonyme parvient aux parents pour leur dire enfin que
leur fille se trouve à un hôpital militaire. Arrivés sur le
lieu, ces derniers ont juste le temps de constater que Ayat
est dans le coma. Cause: hémorragie consécutive à un viol
répété, telle est la constatation des médecins,
vraisemblablement perpétré par plusieurs policiers jusqu'à
ce que la victime en soit tombée dans l'état ayant nécessité
son hospitalisation. Les efforts des médecins pour secourir
la jeune fille sont vains. Ayat succombe des suites de ce
crime innomé, sous les yeux de ses parents.
Page dédiée à la mémoire de la martyre sur Facebook
Article publié sur le blog d'Ahmed Amri
Le dossier Bahreïn
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