Ahmad Quraï - Photo IMEMC
Déclaration d’Ahmad Quraï‘
(Abû-l-‘Alâ’) au Quds-al-‘Arabiyy du jeudi 13 aout 2009
Monsieur Ahmad Quraï‘, membre du Comité
central du Fatah et ancien chef négociateur palestinien, a
déclaré que la colère gronde chez beaucoup de membres du
mouvement Fatah en raison de « manipulations » qui ont entaché
la récente élection de son Comité central.
Il nous a notamment déclaré lors d’une
interview qu’il nous a accordée en exclusivité qu’il y a un
énorme point d’interrogation qui plane au-dessus de cette
élection tant en ce qui concerne son organisation (et son
déroulement) que le dépouillement des bulletin, et que des
dispositions avaient été prises, dans les coulisses, qui ont eu
pour effet d’écarter certains noms et, au contraire, d’en
imposer certains autres.
Il a affirmé que « la méthode décidée par
la Commission de supervision du scrutin n’a pas été respectée.
Nous nous étions mis d’accord sur le fait que les bulletins pour
l’élection des membres du Comité central seraient déposés dans
une unique urne. Or, cette élection a été effectuée au moyen de
dix urnes… »
M. Quraï‘ a indiqué qu’il y a eu certaines
interventions, ajoutant ce commentaire, sur le ton de la
plaisanterie : « Apparemment, ce qui s’est passé à Téhéran
(allusion à une falsification (supposée, ndt) du scrutin
présidentiel iranien) n’arrive pas à la cheville de ce qui s’est
passé chez nous, en Palestine… » Il a poursuivi : « La période
est ardue, critique : des propositions d’Etat provisoire
(palestinien) sont formulées, l’on parle d’une solution excluant
les réfugiés et Jérusalem, de démembrements territoriaux, de
groupes de colonies (israéliennes) pérennisés… et, apparemment,
certains prennent cela au sérieux… »
Il a fait observer que quatre responsables
de la coordination sécuritaire avec la puissance occupante ont
été élus, se posant la question rhétorique : « Cela peut-il être
simplement le fait du hasard » ?
Muhammad Quraï‘ a insisté sur le fait qu’il
a déposé un recours officiel en ce qui concerne non seulement
les résultats, mais bien le déroulement du scrutin dans son
ensemble. Il a précisé : « J’étais contre la tenue du congrès du
Fatah à l’intérieur (= en Cisjordanie, ndt) ; Mais sa tenue
ayant été décidée à Bethléem, j’ai œuvré avec sérieux à mettre
ce congrès sur les rails. Seulement voilà : il y a eu un
retournement complet de la situation, du fait de la présence
d’un groupe ayant des objectifs totalement différents des
nôtres. »
Il a affirmé qu’il n’y aura « aucune
cohésion au sein du groupe qui a été élu », ajoutant :
« apparemment, d’aucuns cherchent à me nuire. Mais je ferai une
déclaration publique demain ou après-demain : je dévoilerai tout
ce que je sais, dans le détail… »
Il a qualifié ce qui s’est passé hier, à
savoir la victoire bidon de dix-neuf élus et la révision des
résultats afin de faire élire Al-Tayyib ‘Abdal-Rahîm de
« bidouillage absolument honteux » : « Et que je t’enlève ce
bulletin-ci, et que je te rajoute celui-là, et puis tiens, si
j’en rajoutais trois ?... : c’est quoi, ce cirque ?? »
Il a également évoqué le blocage des
bulletins en provenance de la bande de Gaza et la prise de
contrôle du vote par téléphone par une clique particulière.
Le président de la Commission électorale,
Muhammad Al-Sayyad, avait démissionné afin de protester, mais il
est revenu sur sa démission, à la suite de pressions…
Nous (Al-Quds al-Arabiyy) avons appris
qu’un groupe important de membres du Comité central sortant et
d’importantes personnalités du Fatah sont en train de se
concerter en vue de constituer ce qu’il a été convenu d’appeler
en principe le « Fath al-Sahwah » [le Fatah du Réveil]. Parmi
ces personnalités figurent notamment Abû Shâkir al-Natshéh, Naçr
Yûsif, Muhammad Jihâd… Ce groupe est coordonné par des
personnalités dirigeantes de la bande de Gaza et de la diaspora
palestinienne.
M. Quraï‘ a révélé qu’il ne croit
absolument plus à la « solution à deux Etats », cette
« solution » étant devenue quasiment impossible : « que serait
cet Etat sans frontières reconnues, ne jouissant d’aucune
souveraineté, sans continuité territoriale, celle-ci ayant été
déchiquetée par les blocs de colonisation sioniste, et dont
Jérusalem ne serait vraisemblablement pas réellement la
capitale ? »
Rappelons que M. Quraï‘ (qui n’a pas été
élu, ndt) est arrivé en 20ème position dans cette
élection, avec un écart d’une seule voix avec Al-Tayyib Abd-al-Rahîm,
arrivé 19ème, et avec un écart de deux voix avec M.
Muhammad Ashtiyéh, arrivé 18ème. C’est alors que l’on
a rouvert l’une des urnes, afin de faire élire ses deux
devanciers.
De son côté, Mme Rabîha Diyâb, candidate au
Comité central du Fatah, nous a affirmé avoir déposé un recours
contre cette élection, exigeant le recomptage des bulletins
déposés dans toutes les urnes électorales.
Elle nous a déclaré : « Il était
indispensable de procéder au re-dépouillement de toutes les
urnes et de réexaminer l’élection de tous les membres du Comité
central, et non pas seulement d’une ou de deux personnes…
Partant, j’estime que l’on doit reconsidérer les résultats qui
ont été proclamés. »
Nous avons appris que la démission des
membres du Comité directeur suprême de Gaza, appartenant tous au
Conseil révolutionnaire du Fatah avant ces élections, avec, à
leur tête, le Dr. Zakariyâ al-Aghâ, membre du Comité central du
Fatah déjà avant l’élection, s’était produite après des contacts
effectués par Al-Aghâ avec ces responsables durant toute la nuit
d’avant-hier – des contacts qui s’étaient poursuivis jusqu’à
hier matin.
Ahmad Al-Naçr, membre de la direction du
Fatah à Gaza, nous a dit que tous ces membres avaient convenu de
présenter leur démission, et que le Dr. Zakariyâ al-Aghâ avait
été chargé de rédiger leur lettre de démission au Président
Mahmûd ‘Abbâs.
Abû Al-Naçr a ajouté : « Nous n’avons désormais plus aucun lien
avec la direction du Fatah dans la Bande de Gaza ; notre
démission est irrévocable », indiquant que la direction du Fatah
dans la Bande de Gaza refuse les résultats de ces élections dont
il déclare qu’« ils souillent la réputation du Fatah ». Il a
demandé la constitution d’une commission d’enquête, considérant
que les résultats obtenus par la direction du mouvement sont
« faux, ayant été produits par une élection irrégulière ».
Traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier