Palestine occupée
Palestine : Israël
seul contre tous
Abir Taleb

Quelque
340 000 Israéliens habitent dans des
colonies de Cisjordanie et 200 000 à
Jérusalem-Est,
alors que les Palestiniens vivent dans
des conditions déplorables. (Photo: AFP)
Mercredi 26 décembre
2012 L’Etat hébreu
défie la communauté internationale et
intensifie sa politique de colonisation
dans les Territoires palestiniens,
ruinant encore plus l’espoir des
Palestiniens de voir naître un Etat
indépendant viable.
Abir Taleb
avec agences D’ici aux élections
législatives israéliennes du 22 janvier
2013 et sans doute bien après, aucune
voix consensuelle ne risque de se faire
entendre en Israël, et les chances d’une
reprise du processus de paix
israélo-palestinien sont nulles. Pour
preuve, sourd aux critiques
internationales, l’Etat hébreu vient de
lancer de nouveaux projets massifs de
construction de colonies en Cisjordanie
et à Jérusalem-Est. Israël a ainsi
autorisé jeudi dernier le lancement d’un
projet de création d’une colonie dans un
important bloc d’implantations en
Cisjordanie occupée. Ce projet prévoit à
terme la construction de 6 000
logements. Une commission du ministère
israélien de l’Intérieur examine en
outre la construction de 1 000 logements
dans le quartier de colonisation de Gilo
à Jérusalem-Est, alors que la semaine
dernière, le ministère de l’Intérieur
avait approuvé un plan de 1 500
logements également à Jérusalem-Est. Ce
plan avait été condamné en 2010 par
Washington et avait provoqué une grave
crise entre Israël et les Etats-Unis,
qui avaient appelé Israël à rompre avec
ces « actes de provocation ». Selon le
négociateur palestinien Saëb Erakat, si
un seul des multiples projets de
rattachement entre des colonies de
Cisjordanie et les quartiers de
colonisation de Jérusalem-Est est mené à
bien, « ce cercle étouffera
Jérusalem-Est et détruira la solution à
deux Etats ». La représentante de
l’Union Européenne (UE) pour les
Affaires étrangères, Catherine Ashton, a
dénoncé jeudi dernier une « expansion
sans précédent de colonies autour de
Jérusalem ». Ces projets de colonisation
« compromettent les perspectives d’un
règlement négocié du conflit en mettant
en danger la possibilité d’un Etat
palestinien contigu et viable avec
Jérusalem comme future capitale de deux
Etats », a déploré la représentante de
l’UE pour les Affaires étrangères. Elle
a demandé aux deux parties de sortir de
l’impasse et de reprendre les
négociations « sans conditions
préalables », afin de parvenir à une
solution durable du conflit
israélo-palestinien. La France, de son
côté, a évoqué « une provocation qui
sape davantage la confiance nécessaire à
la reprise des négociations ».
Les 15 pays membres du Conseil de
sécurité, à l’exception des Etats-Unis,
ainsi que l’Onu ont demandé la semaine
dernière à Israël de renoncer à ses
plans de colonisation. Ces projets
promus par Israël « envoient un message
négatif et font douter de sa volonté de
négocier », ont souligné les quatre
Etats européens membres du Conseil
(France, Grande-Bretagne, Allemagne et
Portugal) dans une déclaration commune,
s’inquiétant en particulier du projet
E1, qui « risquerait de séparer
Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie
».
L’envoyé spécial du Quartette pour le
Proche-Orient (Etats-Unis, Union
européenne, Onu, Russie), Tony Blair, a
dit « approuver totalement ces
déclarations » : « Le problème n’est pas
seulement la construction de telles
colonies, mais le fait que c’est un
moment vital pour relancer une véritable
négociation ». Ainsi, la Russie et l’UE
sont persuadées que « le temps est venu
de prendre des mesures audacieuses et
concrètes pour la paix entre
Palestiniens et Israéliens », devant
s’engager dans des négociations directes
« sans conditions préalables », lit-on
dans le communiqué reprenant une
déclaration commune de la représentante
de l’UE pour les Affaires étrangères,
Catherine Ashton, et le ministre russe
des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov,
à l’issue d’un sommet UE-Russie vendredi
dernier à Bruxelles. Selon le document,
Mme Ashton et M. Lavrov ont appelé
Palestiniens et Israéliens à reprendre
des négociations « sans conditions
préalables » pour parvenir à « une
solution durable » du long conflit
palestino-israélien qui règle tous leurs
litiges sur la base des résolutions 242,
338, 1397, 1515 et 1850 du Conseil de
sécurité de l’Onu, ainsi que des
principes de Madrid, notamment du
principe dit « la terre contre la paix
», de la « Feuille de route », de
l’Initiative de paix arabe et des
ententes enregistrées auparavant entre
les parties.
Un jeu à haut
risque
Auparavant, le secrétaire général de
l’Onu, Ban Ki-moon, avait demandé à
l’Etat hébreu de « ne pas continuer dans
cette voie dangereuse qui nuit aux
perspectives de reprise du dialogue »
entre Palestiniens et Israéliens. «
Remettons le processus de paix sur les
rails avant qu’il ne soit trop tard »,
a-t-il dit. Mais il semble qu’il soit
déjà trop tard. Ces nouvelles décisions
israéliennes montrent tout simplement
qu’Israël ne veut pas de la solution de
deux Etats, soutenue par la communauté
internationale. En effet, la récente
démarche israélienne, considérée à la
fois comme une manoeuvre électorale et
comme une représaille à l’accession de
la Palestine au statut d’Etat
observateur non membre à l’Onu, témoigne
en fait de l’impossibilité de reprendre
toute négociation, du moins à l’heure
qu’il est. Car les nouvelles
constructions approuvées par le
gouvernement israélien sont susceptibles
à elles seules de faire capoter la
possibilité d’une solution à deux Etats.
Elle accentue ainsi le phénomène de la «
peau de léopard » que forment des
enclaves palestiniennes sans continuité
territoriale. D’ailleurs, il existe chez
le gouvernement israélien une politique
délibérée d’intensification de la
colonisation à Jérusalem, cette ville
étant considérée par les Israéliens
comme leur capitale « unifiée et
indivisible ».
Certains experts vont plus loin en
affirmant qu’Israël est conscient que
cette politique donne du grain à moudre
aux éléments radicaux du mouvement
palestinien, à Gaza comme en
Cisjordanie. Plus encore, c’est ce qu’il
veut. L’éditorialiste israélien le plus
réputé du Yediot Aharonot, Nahum Barnéa,
écrit ainsi : « Netanyahu et Lieberman
ont fait leurs choix : entre le
processus de paix et la perpétuation du
statu quo, ils ont choisi le second ;
entre le choix de la solution à deux
Etats et un bantoustan (palestinien),
ils choisissent le bantoustan ; entre
Abou Mazen et le Hamas, ils choisissent
le Hamas ».
En effet, le Fatah de Mahmoud Abbas
est discrédité auprès des Palestiniens à
cause de son échec à parvenir à créer un
véritable Etat. De son côté, le Hamas,
parti islamiste rival, a le vent en
poupe. Et, selon les analystes, en «
laissant » le Hamas exploiter sa «
victoire politique » lors de la récente
offensive contre Gaza, Israël a choisi
le camp le plus ultra, pour mieux
affaiblir M. Abbas, et ainsi torpiller
la solution de deux Etats. C’est un
calcul qui n’a rien d’original : la
division du mouvement palestinien est
une constante de la politique
israélienne. Mais c’est aussi un calcul
à hauts risques pour les deux parties :
si la division ne profite pas aux
Palestiniens, une reprise de la lutte
armée ou une éventuelle 3e Intifada ne
profiteront pas non plus à Israël.
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reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié le 27
décembre 2012 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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