
Mercredi 18 août 2010
J’ai demandé à un ami,
qui est analyste stratégique américain dans l’un des centres de
recherches à Boston, s’il était prévisible qu’Israël assène une
frappe militaire à l’Iran. Après quelques instants de
méditation, sa réponse était confuse véhiculant à la fois
l’affirmative et la négative.
Il
a déclaré qu’il est certain que ni le premier ministre israélien
Netanyahu ni un autre dirigeant israélien ne peuvent
entreprendre une telle mesure sans que les Etats-Unis ne leur
donnent le feu vert. Après un autre instant de silence, il a
ajouté qu’il s’agit d’un important pas qu’Israël ne peut à lui
seul assumer parce que ses résultats seraient de grande
envergure et influenceraient tout l’avenir de la région et
probablement du monde entier.
Alors que j’essayais d’assimiler ses propos et alors que je
m’apprêtais à la question suivante, mon ami avait poursuivi non
sans attendre : tant que Washington continue de parler de la
nécessité de ne pas exposer les Américains au danger, personne
en Israël n’oserait entreprendre un tel pas unilatéralement. Au
moment où l’administration Obama
cesse d’utiliser cette expression, cela voudrait dire que le
moment approche. Le sens latent ici est qu’il n’existe
pas deux intérêts dissociables entre
les Etats-Unis et Israël au niveau de l’arme nucléaire iranienne
— si nous supposons qu’il y en a — comme il était de rigueur
dans le passé lorsqu’Israël avait unilatéralement mené une
attaque contre le réacteur iraqien
Osirak. Cette fois-ci, les
Américains sont en Iraq, comme en Afghanistan, ainsi que dans
tous les pays du Golfe et les intérêts américains sont intenses
d’envergure et imbriqués avec les êtres humains plus qu’à
n’importe quel autre moment. Raison pour laquelle les dangers de
la guerre ne seront pas assumés par celui qui prendra
l’initiative de mener l’offensive ou les opérations ciblant les
sites nucléaires israéliens, mais seront endossés par l’autre
partie en âmes et en blessures profondes.
Encore une fois et avant de commenter m’interrogeant sur la
nouveauté dans cette relation américano-israélienne toujours si
étroite, l’homme m’a devancé en me demandant si j’avais suivi
les visites du ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, à
Washington ? Lorsque j’ai répondu par la négative. Sa réponse
disait que jamais dans l’histoire israélienne contemporaine, un
ministre de la Défense n’a effectué de telles visites répétées,
séparées par un intervalle de trois semaines et interceptées par
des visites d’autres niveaux du Mossad et du ministère de la
Défense israélien. Sans compter bien sûr les visites similaires
effectuées par de hauts responsables du Pentagone et de la
C.I.A. à Tel-Aviv. Une telle intensité dans les visites
réciproques vient démontrer que les discussions tournent autour
d’un thème important et stratégique nécessitant de nombreuses
ententes, des échanges de points de vue ainsi qu’une action pour
résoudre les différends autour des méthodes de travail.
Et
à l’homme de rétorquer qu’Israël travaille militairement d’une
manière différente de Washington. Il détermine l’objectif
stratégique essentiel et le frappe ensuite avec toute sa force,
un point c’est tout.
Après une série de visites effectuées par le vice-président
américain Al Gore et des responsables du Pentagone à Israël
ainsi que des visites effectuées par l’autre partie, avec
Netanyahu et ses groupes de conseillers à Washington, nous avons
été surpris par la visite du ministre de la Défense israélien
Ehud Barak à Washington le 26 juillet 2010 pour discuter du
dossier nucléaire iranien de plus que les négociations avec les
Palestiniens ainsi que la requête d’Israël pour acheter des
armes américaines.
Quelques jours avant cette rencontre, Daniel
Kurtzer, ex-ambassadeur américain au
Caire et à Tel-Aviv et actuellement professeur des études
moyen-orientales à l’Université de Princeton, avait publié un
article sous le titre de la troisième guerre du Liban,
prévisible dans une période temporelle variant entre 12 et 18
mois. Cette guerre a des raisons qui se rapportent au Hezbollah
et à Israël en même temps et que l’on peut résumer à trois
facteurs : le premier selon lequel le Hezbollah a élargi son
influence politique à l’intérieur de la scène libanaise depuis
la dernière guerre avec Israël. Le deuxième réside dans les
résultats de cette visite qui se sont manifestés dans l’arsenal
militaire du Hezbollah qui a gagné en puissance tant dans la
qualité que dans la quantité de sources iraniennes et syriennes.
Troisièmement : Israël considère le Hezbollah comme une partie
intégrante de la stratégie militaire iranienne afin de diriger
une première et une deuxième frappes à Israël au cas où il
commencerait à détruire les capacités militaires iraniennes.
Ce
qui est inédit c’est que l’article de
Kurtzer conseille l’administration américaine d’œuvrer à
interdire une telle guerre, soit à travers l’intervention
diplomatique ou bien en exerçant une pression sur les parties
concernées, y compris Israël et la Syrie, ou encore par
l’intermédiaire des négociations avec le Hezbollah. Cependant,
l’auteur n’objecte pas le fait qu’Israël mène des frappes
militaires restreintes contre un convoi transportant des armes
de longue portée ou bien les camps de formation même s’ils sont
à l’intérieur de la Syrie sans prendre en considération les
éventuelles coordinations entre Israël et les Etats-Unis et sans
tenir compte du fait qu’Israël pourrait probablement accepter
les règles du jeu et s’engouffrer dans une guerre qui avorterait
éventuellement les plans en cours d’élaboration contre Téhéran.
Cependant, ce qui nous concerne essentiellement c’est l’Egypte,
qui se trouve au centre de tout cela et qui tente d’équilibrer
la balance et d’atténuer l’extrémisme des différentes parties.
En
ce qui nous concerne, la question semble avoir deux facettes :
la première se rapporte au bon choix stratégique fait par
l’Egypte sur la voie de la paix qui a non seulement restitué à
l’Egypte ses territoires, mais qui l’a également éloignée de
cette spirale sanglante des courants violents ayant secoué la
région pendant toute la dernière décennie. Deuxièmement : il
existe maintes tentatives d’entraîner l’Egypte dans cette
spirale de violence et d’extrémisme.
Ces
dernières années, nombreuses étaient les forces qui focalisaient
sur le Sinaï dans l’objectif de détruire la réputation
rayonnante que le développement a réalisée dans son sud et les
réussites d’accéder à la vallée. Ceci s’est réalisé de prime
abord à travers le creusement des tunnels souterrains entre les
frontières égypto-palestiniennes. Ensuite, ce furent les
opérations terroristes qui ont eu lieu à
Taba, à Dahab et à
Charm Al-Cheikh. Et enfin, les
interventions d’ingérence qui se sont multipliées dans le Sinaï.
La plus importante et la plus dangereuse fut la cellule
terroriste que le Hezbollah a tenté d’implanter en Egypte afin
de menacer le Canal de Suez et la mer Rouge. Des actions qui ne
sont pas indissociables, mais elles préparaient la scène à des
opérations.
Je
suis désolé parce que mes discours à partir de Boston ont été
longs plus qu’il ne le fallait. Mais ce fut une occasion pour
vous transmettre ce que j’ai entendu et les dossiers importants
que j’ai discutés, concernant l’Egypte, le monde ainsi que la
cause palestinienne. Il nous fallait méditer sur tout cela de
loin. Peut-être y aurait-il des leçons à tirer.